Adhyatma Yoga

L’Adhyâtma Yoga : définition

Au sens restreint du terme, l’Adhyâtma Yoga est le nom par lequel on désigne le plus souvent l’enseignement du maître indien contemporain Swâmi Prajnânpad (1891-1974). Dans la continuité de l’approche non-dualiste de l’Inde ancienne (advaïta védânta), ce maître remarquable a élaboré une voie d’évolution intérieure originale, qui tend à établir le pratiquant dans une harmonie durable avec lui-même, les autres et l’Univers.

Dans ce sens particulier du terme, les personnes qui, en France, se réclament aujourd’hui de l’Adhyatma Yoga sont donc -de façon directe ou indirecte- des élèves de Swâmi Prajnânpad.

Que signifie l’expression  « Adhyâtma Yoga » ?

Les termes sanscrit « adhy âtma » signifient, mot à mot, « concernant le Soi » ou « en direction du Soi ». Selon cette signification littérale, l’expression « Adhyâtma Yoga » désigne donc la partie du Yoga qui vise explicitement à la mise à jour de la dimension transpersonnelle de notre conscience d’être (âtman).

Cette terminologie est d’un usage fort ancien, puisqu’on la trouve déjà utilisée dans la Katha Upanishad (texte védique datant de plusieurs siècles avant notre ère), où elle sert à désigner une méthode d’introspection profonde, censée conduire le pratiquant au delà du bonheur et du malheur ordinaires.

« Après avoir fermement ancré son sentiment d’être dans le Soi (adhyâtma yoga), le sage est libéré des joies et des souffrances. » Katha Up I,2,12.

Sachant que selon la pensée indienne traditionnelle, l’âtman est bel et bien le principe transcendant, libre de toute affliction et de tout changement, que tous les êtres vivants ont en commun, on comprend mieux pourquoi Swâmi Prajnânpad a choisi ce terme pour désigner son propre enseignement qui vise, lui aussi, à établir le pratiquant dans un sentiment d’unité avec tout ce qui existe.

Quelles sont les principales lignes de travail proposées par l’Adhyatma Yoga ?

L’Adhyâtma Yoga de Swâmi Prajnânpad comporte quatre grandes lignes de travail clairement identifiables par lesquelles il est aisé de différencier cette forme de Yoga de toute autre :

  1. La connaissance des lois de la Vie (védânta vijnana).
  2. La destruction du mental (mano nasha).
  3. La purification de l’inconscient (chitta shuddhi).
  4. L’érosion des désirs (vasanakshaya)

En apprenant à mettre concrètement en œuvre l’art de vivre sous-tendu par ces quatre lignes de travail sur soi, on peut en effet parvenir à se désengager peu à peu des différentes causes de souffrance, tant psychologique que morale, et accéder ainsi à une qualité de vie où le sentiment de communion joyeuse avec toute la réalité remplace l’impression de coupure et de solitude qui est le plus souvent le lot de départ de l’être humain…

Quelle est la signification de l’expression « connaissance des lois de la vie » (védanta vijnana) ?

L’expression « connaissance des lois de la vie » est une traduction libre des termes sanskrits qui, mot à mot, signifient, connaissance décisive (vijnana) des principes (anta) du savoir (veda). Cette expression enracine donc l’Adhyatma Yoga dans la tradition védique la plus ancienne et plus particulièrement dans les Upanishads, textes où sont consignés ces fameux « principes du savoir », que Swâmi Prajnânpad nommait plus simplement « les lois de la vie ».

S’inspirant donc directement des Upanishads, Swâmi Prajnânpad enseignait qu’en tant qu’individu fini et limité, toute notre existence est assujettie à trois vérités fondamentales qu’il importe de bien reconnaître : la différence, le changement et l’interdépendance de tous les phénomènes (ou loi d’action-réaction). Selon lui, toutes nos insatisfactions, nos frustrations et nos souffrances ainsi que, plus généralement, tous nos conflits avec autrui comme avec nous-mêmes, proviennent en dernière analyse du non respect de l’une ou l’autre de ces trois lois. Nous sommes, de ce point de vue, comme des mouches qui se heurtent régulièrement aux carreaux des fenêtres parce qu’elles ne réussissent pas à intégrer la notion de « vitre » dans leur conception du monde. Nous, ne réussissons pas à intégrer le fait que tout ce qui n’est pas nous est DIFFÉRENT DE NOUS, que tout ce qui existe (nous y compris) est en constant CHANGEMENT et que dans ce monde uniquement fait de différence et de changement, il n’y a NI BIEN NI MAL ABSOLU car tout « bien » dépend d’un « mal » et vice versa…

Le premier axe de travail propre à l’Adhyâtma Yoga consiste donc à se familiariser avec ces trois lois jusqu’à réussir à les incorporer dans notre vision du monde, de façon à être à même d’en tirer spontanément toutes les conséquences pratiques.

La loi de la différence : Une familiarisation suffisante avec cette première loi permet très concrètement de se libérer des mécanismes de la comparaison, du jugement et de l’attente. Si chaque être est différent, il est unique et donc -sur le plan des valeurs- incomparable. On ne peut donc ni juger autrui ni même se juger soi-même. Seule subsiste la bienveillance à l’égard de ce qui est, situation, objet ou personne. Une fois reconnue à l’autre le droit à la différence, voilà aussi qui libère de l’attente : si l’autre a le droit d’être différent de moi, je n’ai pas -sous peine de contradiction- à attendre de lui qu’il se conforme à mes désirs… Et si je n’attends plus de l’autre qu’il se conforme à mes désirs, je ne souffrirai pas quand, effectivement, il fera d’autres choix que ceux qui m’auraient subjectivement arrangé…

La loi du changement : De la même façon, intégrer véritablement la notion de changement dans la vision que l’on a du monde permet de se libérer du sentiment d’insécurité et des attachements matériels et psychologiques qui en découlent. Puisque tout change tout le temps, il est vain de s’accrocher à quelque chose (situations, objets, personnes). Mieux vaut s’ouvrir au renouvellement incessant de la vie, à cette « fête de la nouveauté » comme aimait à l’appeler Swâmiji, et ainsi faire corps avec le jeu même de la Vie…

La loi d’interdépendance -ou d’action-réaction- : S’habituer enfin à repérer l’interdépendance de tous les phénomènes, c’est ne jamais attribuer de valeur absolue à l’action et à ses conséquences. C’est ouvrir la porte à un bonheur qui ne dépend plus des circonstances extérieures mais qui résulte de la simple reconnaissance de la perfection de l’instant présent. C’est se rendre compte qu’on ne pourra jamais être plus heureux qu’ici et maintenant, parce que seul le présent est réel et que rien ne peut jamais diminuer ou augmenter la réalité de ce présent…

Quelle est la signification de l’expression « destruction du mental » (mano nasha) ?

Pour comprendre ce que signifie cette étrange expression « destruction du mental », (qui, elle aussi remonte aux textes classiques), il faut avoir présent à l’esprit le sens particulier que donnait Swâmi Prajnânpad au mot « mental » (mind, en anglais). Selon lui, en effet, l’esprit humain était capable de deux types de fonctionnement :

  • le fonctionnement habituel, qui consiste à interposer un voile protecteur entre le réel et nous, à l’aide de nos pensées de nos émotions et nos réactions à son sujet.
  • le fonctionnement juste qui consiste à voir les choses telles qu’elles sont, à les aimer pour ce qu’elles sont et à agir en accord avec ce qu’elles sont.

Le premier fonctionnement -erroné donc – est très exactement celui qu’il s’agit de « détruire », pour permettre à l’autre type de fonctionnement, celui de la vision bienveillante, d’émerger peu à peu jusqu’à devenir le nouveau mode de fonctionnement de l’esprit.

Le second axe de travail propre à l’Adhyâtma Yoga consiste donc à repérer au quotidien les situations où, par non respect des « lois de la vie » (différence, changement, interdépendance) nous nous retrouvons la proie de nos pensées parasites, de nos émotions perturbatrices et de nos actions compulsives. Les deux maîtres mots de ce travail sont : vigilance (pour voir où et quand on se laisse prendre par le mental) et acceptation (pour sortir des projections de ce mental et revenir à la vérité de ce qui est).

Quelle est la signification de l’expression « purification de l’inconscient » (chitta shuddhi) ?

Comme bien d’autres avant lui, dans ses efforts pour revenir à la vérité du présent, Swâmi Prajnanpad s’est vu, à un certain moment de son travail sur lui-même, entravé par ses conditionnements subconscients (samskara). Après avoir lu et « médité » l’œuvre de Freud et l’avoir confrontée à certains textes indiens (Upanishads et Yoga-Vasistha), il a mis au point une méthode originale d’exploration de l’inconscient, grâce à laquelle il lui a été possible de se libérer peu à peu des empreintes les plus déterminantes de son passé, puis de faire de même avec ceux de ses élèves qui étaient en mesure de bénéficier d’une démarche similaire. Ce travail psychothérapeutique, connu en anglais sous le nom de « lying » (car, à l’instar de la psychanalyse freudienne, il se pratique en position allongée) constitue donc, en propre, le troisième axe de l’Adhyâtma Yoga.

L’exploration de l’inconscient permise par le lying atteint souvent à des profondeurs dont la psychanalyse occidentale n’a guère idée. Par exemple, c’est par le biais de cette technique que le médecin accoucheur Frédérick Leboyer a été amené à revivre sa propre naissance, expérience déterminante qui lui a ensuite inspiré sa fameuse méthode d’accouchement sans violence.

Plusieurs livres ayant été spécifiquement consacrés au « lying », vous pourrez en savoir plus sur cet aspect de l’Adhyatma Yoga en consultant la bibliographie située en bas de cette page…

Quelle est la signification de l’expression « érosion des désirs » (vasanakshaya) ?

La quatrième ligne de travail qui caractérise l’Adhyâtma Yoga est celle de l’érosion (akshaya) des désirs (vasana). Au lieu d’adopter la position commune à la plupart des voies spirituelles, qui prônent le détachement vis-à-vis des désirs profanes et condamnent peu ou prou le plaisir, l’Adhyatma Yoga considère que seule l’expérience complète de la satisfaction peut conduire à la liberté. Loin d’inciter à se désengager du monde et des occasions que celui-ci donne de jouir de la vie dans ses différents aspects (richesse, pouvoir, renommée, sensualité et sexualité…) l’Adhyâtma Yoga part donc de la reconnaissance pleine et entière de ces aspirations fondamentales puis offre des moyens pour gérer consciemment leur réalisation. Cet aspect de la voie, le plus délicat peut-être, implique bien évidemment un suivi personnalisé du pratiquant par un guide compétent. Moyennant quoi, il en résulte -avec le temps- une maturation particulière du pratiquant qui peut alors, sans sacrifice ni mensonge, réorienter l’essentiel de ses forces vives vers la quête de la dimension transcendante de lui-même, ce qui justifie ainsi le nom même de cette démarche globale qualifiée de « Yoga en direction du Soi »…

Les principales sources possibles de documentation sur l’Adhyâtma Yoga selon  Swâmi Prajnânpad

Elles vous sont présentées sur la page « références bibliographiques » (en construction).

Vous pouvez également consulter les pages suivantes :