Dimanche dernier, j’ai vu un film que j’ai trouvé très beau, sensible, lumineux : Pupille, sorti en salle le 5/12 dernier.
J’en avais vu la présentation à l’émission de TV 5 «C’est à vous» .J’ai tout de suite été conquise, d’autant que déjà le sujet m’intéressait beaucoup (mon père, né sous X, fut pupille de l’Assistance). Je me demandais comment on traite maintenant ces enfants. Et suis revenue du ciné, bien décidée à signaler ce beau film au blog. Car ce thème de la naissance, je crois, nous touche tous.
Synopsis : Théo est remis à l’adoption par sa mère biologique le jour de sa naissance. C’est un accouchement sous X. La mère a deux mois pour revenir sur sa décision…ou pas. Les services de l’aide sociale à l’enfance et le service adoption se mettent en mouvement. Les uns doivent s’occuper du bébé, le porter (au sens plein du terme) dans ce temps suspendu, cette phase d’incertitude. Les autres doivent trouver celle qui deviendra sa mère adoptante…
Bande annonce :
Réalisé par Jeanne Herry. Avec Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez, Olivia Côte, Miou-Miou…
P.S. Une fois le Youtube terminé, vous pouvez avoir accès à quelques autres vues , en commençant par qq passages de la présentation sur France TV 5).
La Gâtine de Ronsard désigne, depuis la fin du xixe siècle, l’ancienne forêt de Gastines, qui, défrichée à partir des XIe et XIIe siècles sous l’influence des abbayes de Tours et de Vendôme, a été en partie aliénée, et a subi d’importants déboisements (vers 1570) dont Pierre de Ronsards’est ému en des vers fameux. La région est dite aujourd’hui Le Pays de Ronsard.De cette forêt, il reste encore un tout petit morceau, près d’un étang. Quatre cents ans après l’élégie du poète, une décision a été prise pour protéger le site.
Contre les bûcherons de la forêt de Gastine
Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas
Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur
Combien de feux, de fers, de mort et de détresse
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?
Forest, haute maison des oiseaux bocagers
Plus le cerf solitaire et et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d’été ne rompra la lumière.…
Tout deviendra muet, Écho sera sans voix,
Tu deviendras campagne et, en lieu de tes bois,
Dont l’ombrage incertain lentement se remue
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue
Tu perdras ton silence, et, haletants d’effroi,
Ni satyres, ni Pans ne viendront plus chez toi.
Et plus le cerf chez toi ne cachera ses faons….
Adieu, vieille forest, le jouet de Zéphyre
Où premier j’accordai les langues de ma lyre,
Où premier j’entendis les flèches résonner
D’Apollon, qui me vint tout le cœur étonner…
Adieu, vieille forêt, adieu, têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlés en l’été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers, et leur disent injures.
Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnâtes à repaître,
Automne en forêt de Gâtine
Peuples vraiment ingrats, qui n’ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers,
De massacrer ainsi nos pères nourriciers.
Que l’homme est malheureux qui au monde se fie !
O dieux, que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu’en changeant de forme une autre vêtira !
De Tempe la vallée un jour sera montagne,
Et la cime d’Athos une large campagne :
Neptune quelquefois de blé sera couvert.
La matière demeure et la forme se perd.
Notes (d’après le Robert) :
EUTERPE : une des 9 Muses, qui présidait aux fêtes… CALLIOPE : La plus éminente des Muses, protectrice de la poésie épique et parfois de l’éloquence… Mère d’Orphée… DODONE, Dodonê en grec : ville grecque célèbre par son oracle, l’un des plus anciens. Les prêtres et prêtresses y interprétaient les réponses des dieux d’après le bruissement du feuillage des chênes sacrés, le vol des colombes… TEMPE : Vallée étroite de Grèce, fraîche et verdoyante, vantée par les poètes grecs et consacrée à Apollon.
Apollon et sa lyre, symbole de la poésie, à Delphes
Les murs entiers sont à celui que ta clarté met au monde,
Ô détenue, ô Mariée !
(René Char. Les Matinaux)
A la dernière réunion Gsmp, je me suis entendu dire que j’aurais aimé plus de poésies sur le blog, alors, je m’y suis mise. Je trouve René Char plutôt hermétique. Peu importe quand on aime : il n’y a qu’à se laisser imprégner par les mots. Le tableau est de Georges de La Tour.
« Quand un homme est crispé par son amour-propre, c’est parce qu’il n’est pas encore né, parce qu’il n’a pas rencontré un regard assez pur pour pouvoir aimer son véritable visage. » Maurice Zundel
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Citation de M. Zundel mise en exergue par Fabrice Midal dans son livre Sauvez votre peau… (chapitre 7 : La Grenouille et le bœuf.)Dans ce livre F. Midal présente une interprétation du mythe de Narcisse différente de celle de Michel Fromaget (cf. l’article de Avril 2016 : JE est un autre ( https://www.labertais.org/2016/04/je-est-un-autre/ ).
Quel plaisir, le 19 Juin, sur France-Inter, d’écouter l’interview de Matthieu Ricard par Augustin Trapenart, dans son émission culturelle « Boomerang » ! C’était à l’occasion de sa participation aux Rencontres de la photographie, manifestation qui allait s’ouvrir à Arles le 2 Juillet. (Il expose aussi à La Gacilly,cet été.)
Un moment très positif, vivant, riche : écologie, altruisme, Maîtres rencontrés, sa vallée himalayenne, le bouddisme, la mort….. Matthieu Ricard parle de tout avec beaucoup d’authenticité, de naturel, et une égale sérénité, des sujets les plus graves aux plus plaisants, et sa voix reste ensoleillée.
J’ai aimé aussi les rires discrets et la complicité qu’il y avait entre lui et Augustin T, la gentillesse et l’humour de ce dernier.
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Ça commence par quelques minutes de commentaire, par Augustin T, sur une autre émission (la série »Game of Thrones »), mais il enchaine très vite -et très bien !- sur l’interview de Matthieu Ricard. Celle-ci est coupée quelques mn par Augustin qui présente le Journal de la culture (minute 9:50 à 12:10).
Il y a aussi une chanson des Beatles (Here comes the sun), une autre de Barbara Carlotti (Voir les étoiles tomber), et un air de JS Bach, choix de Matthieu (bourrée de la suite anglaise No 2 de J.-S- Bach jouée au clavecin par Helmut Walcha).
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P.S. : Mireille avait installé le podcast video, mais il est devenu « muet » pendant les qq jours « d’attente » et elle l’a donc remplacé par un enregistrement audio. Je vous donne le lien qui vous permettra peut-être l’accès direct au podcast vidéo (et au texte qui l’accompagne) :
Dieu n’est pas une essence à part nous. Il n’est pas plus un foyer de lumière élevé au-dessus des cieux comme le soleil au-dessus de la lune qu’il n’est le pain consacré dans le calice d’or. Il est le soleil et le pain, et les cieux et les éléments de la terre, et le cœur de l’homme. Il est en nous et hors de nous. Nous sommes en lui et jamais hors de lui.
Esprit universel, partout il se révèle à travers les voiles épais de la matière, et notre âme est un sanctuaire qu’il emplit de son essence, qu’il anime de son souffle, et qu’il embrase quelquefois de son amour.
Cherchons-le donc en nous-mêmes car plus nous l’y cherchons, plus nous apprendrons à l’y trouver. Plus le voile deviendra transparent, plus le rayon mystérieux fera sentir sa chaleur. Mais nous le cherchons si mal et si rarement que nous oublions le trésor caché et que nous perdons la connaissance de Dieu et de nous-mêmes.
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses O toi tous mes plaisirs ! ô toi tous mes devoirs Tu te rappelleras la beauté des caresses, La douceur du foyer et le charme des soirs Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon Et les soirs au balcon, voilés de vapeur roses. Que ton sein m’était doux ! que ton cœur m’était bon ! Nous avons dit souvent d’impérissables choses Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon .
Que les soleil sont beaux dans les chaudes soirées ! Que l’espace est profond ! que le cœur est puissant ! En me penchant vers toi, reine des adorées, Je croyais respirer le parfum de ton sang, Que les soleil sont beaux dans les chaudes soirées !
La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison, Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles, Et je buvais ton souffle, ô douceur ! ô poison ! Et tes pieds s’endormaient dans mes mains fraternelles. La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison
Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses, Et revis mon passé blotti dans tes genoux. Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses Ailleurs qu’en ton cher corps et qu’en ton cœur si doux ? Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses !
Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis, Renaîtront-ils d’un gouffre interdit à nos sondes, Comme montent au ciel les soleils rajeunis Après s’être lavés au fond des mers profondes ? – O serments ! ô parfums ! ô baisers infinis !
Ce poème de Baudelaire me touche pour la tendresse exprimée et son désir de faire revivre le passé, et -association d’idée – j’ai pensé au mythe d’Orphée et d’Eurydice, Orphée qui va chercher Eurydice aux Enfers pour la ramener grâce au pouvoir de sa lyre, à la vie terrestre. C’est pourquoi j’ai retrouvé cette photo tirée du film brésilien « Orpheu negro » que j’avais adoré dans ma jeunesse.
Il est dédié à Jeanne Duval, sa maitresse et sa compagne pendant 14 ans. Sur cette femme, de couleur (mûlatre) vivant à Paris et appartenant au monde du spectacle, bizarrement, on ne sait presque rien !!!
Pourquoi ? Parce qu’il était insupportable, voire scandaleux, au 19e siècle, et même au 20e, que l’un des plus grands poètes français ait pu aimer une femme noire, et vivre avec elle, elle qui lui a inspiré tant de poèmes (cf. « la chevelure ») et la discrétion s’imposait ! Les documents qu’on a récupérés la concernant : âge, physique, personnalité etc sont flous, contradictoires, souvent négatifs, et même le seul portrait que l’on a d’elle, on n’est pas sûr que ce soit le sien !
En ce XXIe siècle, me semble-t-il, on commence enfin à l’évoquer, à la reconnaître, mais trop tard pour avoir des renseignements précis sur elle.
Le Kig ha farz, plat maintenant connu dans toute la Bretagne, et même dans l’Hexagone (car il a même eu les honneurs de Wikipedia, des Recettes de Julie à la TV etc.) était à l’origine une spécialité très peu répandue, très localisée dans une région de Basse-Bretagne : Le Pays de Léon, Bro-Leon (la partie en vert foncé de la carte, allant de Morlaix à Brest), et consommé essentiellement dans le monde rural.
On le considérait non pas comme un plat de « pauvres » comme l’affirme Wikipédia (voir les ingrédients de la recette !! ) mais de ploucs. Je peux me permettre d’employer ce terme peu flatteur, mes parents étant, justement, originaires de ce pays-là. On en faisait tous les dimanches dans les fermes riches qui avaient les moyens de s’offrir un pot-au feu si souvent, et, pour les autres, c’était un repas de fêtes, dixit mes parents, nés en 1913, qui ont connu cette période. Bref, il était déprécié, pas assez chic, puis la roue a tourné, il est devenu à la mode, au moins dans toute la Bretagne. Le renouveau culturel, s’pas 🙂 !
Du coup ma mère qui aimait cuisiner, portée par le courant ascendant, s’est remise à en faire… de temps en temps seulement car… gare à la ligne et au cholestérol, surtout de mon père quand il est devenu plus vieux !
Un jour, en vacances, tenant compte des remarques et conseils d’un petit groupe de 6 personnes (amis, cousins, sœur et beau-frère), qu’elle a invités 4 dimanches de suite, elle a rectifié sa recette jusqu’à ce qu’elle soit décrétée « parfaite ». Je vais vous donner cette recette, dite « familiale », du moins pour le far noir. Mais, vous pouvez la modifier encore !
KIG HA FARZ ( viande et far)
Recette familiale
I – Cuire d’abord le pot-au-feu car c’est avec le bouillon qu’on préparera la pâte.
On peut le cuire la veille et le mettre au frais : la graisse remontera à la surface et formera une plaque que l’on pourra ôter, ce qui ne l’éliminera pas entièrement.
> N’ajouter le poivre et le céleri dans le bouillon qu’après avoir fait la pâte à far. Même remarque, si on en met, pour les choux qu’il vaut mieux cuire à part. Sinon le far en prendra le goût .
II- AR FARZ (le far)
INGRÉDIENTS : 200 gr de farine de sarrasin – 100 gr de beurre dissout dans 1/4 ou 3/8 de litre de bouillon chaud – 1/2 cuillerée à café de sel – 2 œufs – 20 cl de crème fraîche. ou : 150 g. de farine de sarrasin – 75 g. de beurre fondu ds un peu moins de 3/8 de bouillon – 1/2 c. à café de sel – 1 œuf – 4 c. à café de crème fraîche.
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Mettre la farine dans un récipient, délayer avec le bouillon du pot au feu bien chaud dans lequel le beurre est fondu, ajouter les œufs bien mélangés, la crème et le sel. Bien mélanger le tout.
Une fois la pâte prête, ne pas la laisser reposer ! 😡La verser immédiatement dans un sac en toile (bien serrée), que l’on peut trouver ds le commerce ; bien nouer le lacet et plonger aussitôt dans le liquide bouillant.
Le laisser cuire pendant 2 H.
REMARQUES : 1-Il est essentiel de bien saisir la pâte 😡 > La préparer avec du bouillon très chaud, la verser vite dans le sac qu’on plongera aussitôt dans le liquide de cuisson déjà bouillant.
2- Pour éviter de “ternir” le bouillon, la toile pouvant laisser filtrer un peu de pâte tant que celle-ci n’est pas “prise”, on peut cuire le far à part, en plongeant le sac dans de l’eau bouillante (mettre l’eau à bouillir avant de préparer la pâte : conseil d’une mère à sa fille !).
On peut, d’ailleurs, cuire, si on en met, le jarret de porc dans cette eau avec le far. Ne pas ajouter de sel, le jarret étant assez salé. Le far et le jarret demandent 1H de cuisson à la cocotte minute, 2h sinon
3- Quand on noue le sac (rapidement !) ne pas laisser trop de vide sinon le liquide bouillant dans lequel on le plonge, risque, en entrant en trop grande quantité dans le sac, de diluer un peu la pâte, embêtant si on plonge le sac dans l’eau bouillante plutôt que dans le bouillon lui-même. Mais laisser tout de même un petit peu d’espace car la pâte gonfle un peu.
4- On peut (facultatif, c’est vous qui voyez !) cuire dans 1 casserole un beau saucisson genre saucisse de Morteau : quand l’eau est à ébullition, y plonger la saucisse pour 20’ et éteindre le feu. Si on a bien piqué la saucisse avec une fourchette, une partie de la graisse partira dans l’eau (anti cholestérol garanti 😇.)
III –Servir
On peut commencer par manger la soupe avec les légumes, puis servir le far avec la viande, ou garder encore des légumes pour manger avec, et même un peu de bouillon (c’est vous qui voyez 😊)
Une fois le far cuit, soit on le sort du sac et on le découpe en tranches (ce que ma mère faisait pour qu’il reste bien chaud) soit on le laisse dans le sac pour le fouler afin d’ émietter la pâte (c’est bon aussi !).
Souvent on sert avec une sauce placée à part dans un bol : le « lipik » : des oignons en morceaux cuits dans du beurre fondu, mais je ne connais pas la recette, sauce interdite, cholestérol oblige 😇.
Traditionnellement on préparait aussi un far de froment 😋)sucré, délicieux, dilué dans du lait mais je n’ai pas la recette : voir celle de Julie, comme pour le lipik.
P.S. Pour ceux qui aiment la jolie Julie, je vous donne l’adresse du Youtube, à condition que vous lisiez quand même ma recette familale ! 😕
Remarques : – Cliquer sur les photos pour les agrandir. En tête c’est le Blason de Léon. -La photo du paysan goémonier, je crois qu’elle est prise à Ménéham, hameau du bourg de Kerlouan -pays de mes parents- hameau devenu « célèbre » pour cause de tourisme mais très beau tout de même...
– Je trouve que Betty sur le youtube laisse pas mal de vide dans le sac, mais ça dépend pê de la consistance de la pâte (?). Je remarque aussi que, proportionnellement à la quantité de farine, ma mère mettait plus de beurre, sans doute compensé par la plaque de gras qu’elle ôtait du pot-au-feu. Je crois qu’on pourrait en ôter encore 20g. Bon, c’est vous qui voyez.
Dans cet épisode, Ulysse, après bien des tribulations, termine satraversée vers « l’autre rive » : il arrive sur son île, Ithaque.
Et commence au chant XIII de l’Odyssée, la reconquête d’Ithaque. Un résumé mêlé de considérations philosophiques dans lesquelles j’ai entendu parfois, en filigrane, des échos de l’enseignement que nous proposent l’Adhyâtma yoga ou d’autres enseignements, proches ou lointains.
Ce récit du retour d’Ulysse sur son île, après la guerre de Troie, et de sa reconquète, m’a toujours paru palpitant ; mais j’y vois aussi une métaphore de notre passage dans ce monde de l’illusion, pour atteindre, après bien des aventures, l’autre rive, celle que — comme aussi le Fils prodigue — nous avons quittée.
Homère, La Bible (etc.), la sagesse des Anciens ! C’est pourquoi je me suis permis de classer ce texte dans la rubrique « Autres maîtres ».
L’émission (« Un été avec Homère » de Sylvain Tesson) passait sur France Inter cet été et j’ai pu en podcaster quelques morceaux. L’épisode que voici, « Le temps retrouvé » fait 36’ 19’’ – avec les morceaux de musique (qui permettent de faire des pauses !)
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage Ou comme cestuy-là qui conquit la toison Et puis est retourné plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge
Quand revoirray-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée : et en quelle saison Revoirray-je le clos de ma pauvre maison Qui m’est une province et bien plus d’avantage ?
Plus me plaist le séjour qu’ont bâty mes ayeux Que des palais Romains le front audacieux : Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine.
Plus mon Loyre Gaulois que le Tybre Latin
Plus mon petit Lyré que le mont Palatin
Et plus que l’air marin la douceur Angevine.
Joachim du BELLAY (1522-1560)
Ruines du château de Liré où vécut Joachim du Bellay en Anjou
>>Joachim Du Bellay ou Joachim du Bellay est un poète français né vers 1522 à Liré en Anjou et mort le 1er janvier 1560 à Paris. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard fut à l’origine de la formation de la Pléiade, groupe de poètes pour lequel du Bellay rédigea un manifeste, la Défense et illustration de la langue française. Son œuvre la plus célèbre, Les Regrets, est un recueil de sonnets d’inspiration élégiaque et satirique, écrit à l’occasion de son voyage à Rome de 1553 à 1557. (W)
Plaque commémorative située impasse Chartière qui rappelle la situation du collège de Coqueret, où étudia Du Bellay.
Le non pardon, c’est le poids du passé qui pèse sur nos épaules et qui nous coupe de l’amour que nous portons en nous.
Alors, comment parvenir au pardon ?
Seule une perception plus vaste de la réalité peut nous libérer de la rancœur. Si nous parvenons à voir que nous sommes un entrepôt de réactions anciennes, que nous n’avons aucune liberté et qu’il en est de même pour nos ennemis, alors, le pardon peut naître.
Se déshumaniser du rien pour s’endiviniser du tout
Comme si tu rêvais… Sans le vouloir en le voulant. Et l’agir, le régner, à la manière du divinisé…..
(De l’Art magnifique, Petit traité de déshumanisme, éd. Rougerie)
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«On l’appelait le Magnifique, l’ermite de Camaret, et André Breton en avait fait une des figures de proue du surréalisme, le grand ancêtre. Il lui aura dédié son Clair de Terre ainsi qu’à « ceux qui comme lui s’offrent le magnifique plaisir de se faire oublier », et Vercors fera de même en 1942 avec Le Silence de la mer : « Au poète assassiné. » »
Né près de Marseille en 1861, Saint-Pol-Roux (Pierre Paul Roux), poète symboliste, quitte Paris définitivement en 1898. « Il exécra rapidement la capitale pour son ostracisme et la médiocrité du milieu de la critique littéraire, qu’il ignora avec autant de superbe qu’elle le méconnut. Il s’installe ensuite avec sa femme à Roscanvel dans le Finistère, où naît sa fille Divine. La « chaumière de Divine » devenue trop petite, il s’installe à Camaret et fait de la Bretagne le centre de gravité de son œuvre ». Il y vivra les 40 dernières années de sa vie, jusqu’à sa fin tragique liée à la guerre, en 1940. Du fait de cet éloignement de Paris sans doute, il ne connaitra pas la célébrité, bien que nombre de ses contemporains -hommes de lettres, artistes, ne se soient pas trompés sur sa valeur.
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”Ma solitude est une absence de Terre. Ma solitude est une présence invisible, présence lointaine. La rencontre capitale de ma vie, c’est ce rocher à ce bout de la Terre où je vis solitaire depuis trente ans et d’où je suis parti mentalement vers la Vérité. »
« Camaret par ce beau matin d’été, c’était la beauté, toute la jeunesse du monde, sous la féerie claire des voiles. Je sentis que mon destin m’y conduisait, que je n’avais pas le droit de partir. Et j’y suis demeuré au milieu des paysans et des pêcheurs… »
Quelques éléments biographiques :
Le manoir de Coecilian ...et la loi de l’impermanence
« En Bretagne on ne meurt pas, on appareille, on largue, on s’absente, on voyage. «
En 1903, Saint-Pol-Roux acheta, avec l’argent d’un héritage paternel, une maison de pêcheur surplombant l’océan. Il la transforme en manoir à huit tourelles dont la maison formera le centre. A la mort -en 1915 à Verdun- de son fils, Coecilian, il nomme cette demeure Manoir de Coecilian.
«Là-bas parfois je m’estime branché sur les vents qui s’entrecroisent, sur l’océan aux rythmes variés, et je voudrais pouvoir dire sur Dieu lui-même, mais je n’ai pas ici le loisir d’expliquer tout cela…
Lorsque Thalassa, mon grand oiseau de mer ….. s’envolait après avoir pris chez nous sa pitance coutumière, j’avais la féerique impression de partir entre ses ailes. Le cri de cet archange merveilleux, qui vécut douze ans entre les îles d’Ouessant et de Sein et son manoir paternel …, son cri, dis-je, signifiait : » Evade-toi, poète, évade-toi !… »
Dans la nuit du 23 au 24 juin 1940, un groupe d’Allemands surgit au manoir, un soldat ivre tue Rose, la fidèle gouvernante, assomme S-P-R qui échappe miraculeusement à la mort, blesse grièvement sa fille Divine à la jambe et la viole. (Il passera en conseil de guerre et sera fusillé.)
Partant précipitamment à Brest pour s’occuper de sa fille, Saint-Pol-Roux omet de mettre ses manuscrits inédits -très nombreux- en lieu sûr. A son retour il trouve le manoir livré au pillage et ses manuscrits déchirés, dispersés sur la lande ou brûlés. Lui qui avait jusqu’alors fait face courageusement, il ne se remit pas de ce choc. Transporté le 13 octobre à l’hôpital de Brest, Saint-Pol-Roux y meurt de chagrin.
Quatre ans plus tard, le manoir de Coecilian , occupé par l’armée allemande, est bombardé par les avions alliés et complètement incendié.
Il n’en reste plus que quelques vestiges, à la pointe du Toulinguet, non loin des alignements de Lagatjiar. http://www.hellocean.fr/2017/04/camaret-le-manoir-de-coecilian-et-les.html
Les manuscrits
L’éditeur René Rougerie, publie depuis plus de trente ans les manuscrits retrouvés du poète. Sa fille Divine, jusqu’à sa disparition en 1985, fut la vestale de cette œuvre. « A Camaret je travaille, j’amasse, je déchire…On me reproche mon silence. Je ne suis pas pressé. La gloire m’est indifférente. » « On a dû remarquer la scission longue déjà entre mes œuvres passées et mes œuvres futures, celles-ci encore inédites.Cela tient au choc d’une inspiration qui m’envahit avant la guerre et qui me fit inscrire sur un entablement de mon manoir ces mots orgueilleux peut-être :
«Ici j’ai découvert la vérité du monde. Tout le secret de ma solitude, de ma méditation, conséquemment de mon prudent silence gît là. »
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**J’ai découvert St-Pol-Roux en 1989, par son manoir en ruines de Camaret, alors que j’étais en ballade avec une amie. On est parties sur ses traces… Et puis je l’ai « oublié » malgré ma sympathie due à ce que j’avais appris de sa vie. Et voilà je viens d’apprendre qu’une expo (« Bretagne est univers ») a été programmée à Brest, du 18/12 au 15/3/08. Expo que j’ai trouvée très attachante, avec bcp de souvenirs liés à sa vie (manuscrits, lettres, photos, œuvres d’art…).
Et puis j’ai flashé sur le poème Le Vieillard, qui ouvrait l’exposition, et des citations retrouvées dans ses manuscrits, qui m’ont paru dignes de figurer sur ce blog !
>>Cet article est la reprise de deux articles concernant SPR.Si vous souhaitez lire le troisième -qui présente un autre extrait de son « Petit Traité de déshumanisme »– cliquez sur le lien : Le dormeur selon Saint-Pol-Roux
Rencontrer un troupeau de baleines sur une mer déserte de l’Océan Indien : surréaliste ? Oui….à notre époque ! mais l’aventure vécue il y a 25 siècles et rapportée ci-dessous par Arrien m’a émerveillée. Certes, il y avait déjà l’image de la guerre, mais la Nature avait encore toute sa place, l’Homme était encore tout petit… Et la mer était libre et pure ! De quoi rêver !
La flotte d’Alexandre, sous le commandement de Néarque, longeait les côtes de l’Océan indien en direction du Golfe Persique.
« Et Néarque raconte que, lorsqu’ils longeaient la côte au départ de Kyiza, ils virent, vers le lever du jour, l’eau de la mer qui s’élevait en jaillissant, comme si elle se soulevait avec violence sous l’effet d’un ouragan ; et les hommes, épouvantés, demandèrent aux pilotes des navires de quoi il s’agissait et d’où provenait ce phénomène ; eux répondirent que c’était des baleines (« gros poissons ») se déplaçant dans la mer et qui faisaient jaillir l’eau en la projetant dans les airs ; et comme les marins étaient terrifiés, leurs rames leur tombaient des mains.
Néarque vint en personne les exhorter et les encourager, et chaque fois qu’il passait devant un navire, il ordonnait aux hommes de mettre les vaisseaux en ligne, comme pour un combat, et, tout en poussant leur cri de guerre au milieu du bruit des vagues, de frapper la mer avec leurs rames, à coups redoublés et avec un grand vacarme.
Ayant ainsi repris courage, ils firent route tous ensemble au signal convenu. Dès qu’ils s’approchèrent des bêtes, alors, à pleine gorge, ils poussèrent leur cri de guerre, les trompettes sonnèrent et ils firent retentir le fracas de leurs rames le plus loin possible.
Ainsi donc, les baleines que l’on voyait déjà près de la proue des navires, disparurent sous l’eau, apeurées, et, un moment après, firent surface en surgissant au voisinage des poupes et recommencèrent à faire jaillir de l’eau à une grande distance ; alors, les marins, devant ce salut inespéré, se mirent à battre des mains et félicitèrent Néarque pour son audace et sa sagacité. »
Arrien. L’Inde, XXX, 2-7
Remarques : –Arrienest un écrivain grec de l’époque romaine. Il prit le surnom de Xenophon, en hommage à l’élève de Socrate. Il est né en 86 donc 5 siècles après Alexandre Le Grand et Néarque, compagnon d’Alexandre, né en 360 av JC. – La fresque représentant les vaisseaux a été empruntée à l’article d’Yves-Luc, « L’Atlantide ? », sur Akrotiri.
L’an dernier, l’attentat de Nice (14 Juillet 2016) m’avait amenée à publier un article sur le pèlerinage islamo-chrétien des Sept-Saints en Vieux-Marché. Cette année, les nouvelles attaques terroristes m’ont remis cet article en mémoire et décidée à le republier …car le pèlerinage a lieu tous les 4mes we de Juillet !
En consultant internet, je suis tombée sur un article de La Croix dont je vous cite le début : Près de 1 500 personnes, chrétiens, musulmans ou agnostiques, se sont réunies, le 23 et 24 juillet au Vieux-Marché dans les Côtes-d’Amor, pour le pardon des Sept-Saints…..rencontre hautement symbolique…. J’en donne le lien bien que je ne puisse plus l’ouvrir sans abonnement :http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/France/Affluence-record-Pardon-islamo-chretien-Sept-Saints-2016-07-25-1200778114
La crypte dans le dolmen
Assez touchée, depuis les événements de Nice, par le risque de « déchirure sociale » qui semble vouloir s’installer en ce moment, avec les conséquences fatales que l’on peut pressentir, je me demandais ce qu’un simple quidam pouvait faire pour limiter cette déchirure, quand je me suis souvenue du pèlerinage islamo-chrétien des Sept-Saints que je voulais depuis longtemps signaler sur le blog.
Les Sept-Saints, c’est un hameau quasi désert de la commune de Vieux-Marché, à 4 km au N-E de Plouaret (Côtes d’Amor) : quelques maisons autour d’une place, une chapelle construite au-dessus d’un dolmen ; mais pas d’hôtel ni de restau et le bar crêperie est fermé depuis un moment (du moins c’était comme ça la dernière fois que j’y suis allée).
Mais tous les ans se déroule là le traditionnel pardon des « sept dormants d’Éphèse » dont l’origine remonterait au IIIe siècle, un pardon strictement chrétien et connu uniquement des habitants de la région.
Ça commence par une légende :
Sept jeunes bergers, persécutés pour leur foi chrétienne, avaient été emmurés, avec leur chien, par l’empereur Dèce, tyran à la solde des Romains. dans la grotte où ils s’étaient réfugiés pour fuir les persécutions d’une société … détournée de la foi pure en un Dieu unique… Mais Dieu eut pitié d’eux et décida de les sauver en les endormant jusqu’à une période plus clémente.
Et, 3 siècles plus tard, la période des persécutions étant révolue, sous l’empereur Théodose II, ils se réveillèrent, ne s’étant rendu compte de rien. Mais ils avaient faim ! et ils décidèrent que l’un d’eux irait au village acheter du pain. Ils réussirent à ouvrir une brèche dans l’obstacle qui les emmurait et le jeune homme sortit.
Dans le village, une rumeur courait selon laquelle des jeunes gens avaient été emmurés on ne savait où dans une grotte de la région.
Lorsque le jeune homme arriva avec ses vêtements qui dataient de 3 siècles et qu’il voulut payer son pain avec une pièce frappée à l’effigie de l’empereur Dèce, on sut que l’histoire était vraie, on courut délivrer et fêter les six autres bergers.
C’est cette histoire, sans doute parvenue jusqu’au port du Yaudet (près de Lannion)par l’intermédiaire de moines et de missionnaires grecs qui accompagnaient les commerçants d’Orient sur la route de l’étain 10que célèbre le pardon traditionnel des Sept-Saints.
Un autel a d’abord été consacré aux sept saints dans le dolmen, en souvenir de la grotte. Ensuite, au-dessus de cette crypte, on a construit la chapelle.
En 1951, Louis Massignon, spécialiste des questions orientales, visite la crypte des Sept dormants d’Éphèse aux Sept-Saints puis assiste au pardon de 1953 ; il est frappé par la similitude entre les paroles de la vieille gwerz* chantée en breton, et les versets de la *sourate 18 du Coran, dite de la Caverne. … Il évoque, à propos de la dévotion, aux « Sept-Saints », des Sept Dormants d’Éphèse (Turquie), « un mythe hors-classe » et relance en 1954 « un pardon greffé d’islam », c’est-à-dire un pèlerinage commun réunissant chrétiens et musulmans.
« Le pardon a lieu le quatrième dimanche de juillet, dimanche suivant sainte Madeleine. Le pèlerinage commence le samedi matin, et continue l’après-midi par un colloque, auquel prennent part des représentants des trois religions monothéistes, et un représentant agnostique. Le thème varie tous les ans. Le soir, à la chapelle, grand’messe à 21 h, suivie d’une procession et d’un « tantad »(grand feu de joie) . Le dimanche à 10h30, grand messe du Pardon suivie d’une procession qui va à la fontaine, où a lieu une cérémonie musulmane : la sourate 18 du Coran est psalmodiée par un Imam et traduite en français. Ainsi se terminent les cérémonies. (Fin de citation de Wikipédia) >>Un 2e article de Wikipédia (clic) compare les points de vue chrétien et musulman .
Lorsque j’y suis allée, il y a bien 10 ans de cela, il y avait, en tête dans le cortège sortant de la chapelle, après la grand messe, pour se rendre à la fontaine -située plus bas, dans la nature- des bannières, des gens du coin, bretonnants, chantant la gwerz*des sept saints, des Imams, vêtus d’un vêtement blanc à capuchon, et ce mélange me réjouissait ! Les Imams ont lu la sourate près de la fontaine entre les arbres, dans un profond silence et comme on ne voyait plus que des arbres ou de l’herbe, à la fin j’étais toute dépaysée, ne sachant plus dans quel pays je me trouvais.
Une expérience que je revivrais bien encore, peut-être même ce prochain weekend.
Tableau offert par des Musulmans
*La sourate 18 est lue tous les vendredis dans les mosquées
*Unegwerz est un chant breton, solennel, portant sur un sujet grave, religieux, historique…
Considérations pratiques : le pèlerinage 2016 a lieu ce we, des 23-24 Juillet. Il y a un « Hôtel des Voyageurs » à Plouaret, en principe toujours ouvert à cette date pour accueillir les personnes désireuses de prendre part à la manifestation. D’ailleurs, le colloque du samedi a lieu à Plouaret dans la salle des fêtes. Attention, si vous ne venez que le dimanche et voulez manger aux Sept-Saints, mieux vaut apporter votre pique-nique : il y a bien des repas préparés par les membres du collectif mais souvent tous les tickets sont achetés la veille par les participants au colloque et au tantad du samedi soir.
Pèlerinage islamo-chrétien 2016 des Sept Saints, lecture de la sourate 18. Photo de La Croix.