Auteur/autrice : Edmonde Noël

  • Prendre soin du monde

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    Le réel est tragique mais la joie est possible.

    C’est la première phrase du livre d’Emmanuel Desjardins, « Prendre soin du monde ».

    Le réel est tragique mais la joie est possible.
    Que ressentez-vous à la lecture de cette phrase ? Une évidence ou un malaise ? Vous paraît-elle pessimiste ou optimiste ? Réactionnaire ou progressiste ? De droite ou de gauche ? Désespérée ou naïve ?
    Dans les années soixante, il aurait été impensable d’affirmer que le réel était tragique. Le climat général de toute-puissance qui imprégnait cette époque portait plutôt à croire que le réel est ce qu’on en fait. Et pourtant…
    Le monde moderne, depuis la Révolution, a été animé par le projet grandiose de faire disparaître la souffrance de la surface de la terre, et de créer une société idéale de laquelle le tragique sous toutes ses formes aurait disparu. L’avènement du paradis sur terre est la promesse, plus ou moins énoncée, qui a fondé notre société et lui a donné un élan créateur incroyable – du moins tant que la promesse demeurait crédible. Or le tragique perdure, il est bel et bien là. La promesse d’un monde parfait a généré beaucoup d’illusions qui toutes s’effondrent sous nos yeux, les unes après les autres. Qui croit encore à la perspective d’un monde duquel la guerre, la violence, la mort, la haine, l’irrationnel, l’injustice, la maladie, les tragédies collectives, les catastrophes naturelles auraient disparu ? Que devient alors le monde moderne, dont toute l’énergie est consacrée à la réalisation de cette utopie ? Quel est le sens de cette société ? Son projet, sa destination ?

    En ce début de XXIe siècle, non seulement la terre n’est pas un paradis, mais l’avenir est tellement lourd de menaces qu’il semble nous condamner soit à l’aveuglement, soit à l’abattement. L’optique de ce livre est d’échapper à l’un comme à l’autre, de trouver dans la lucidité une source d’énergie et de satisfaction.
    (Ce sont les premières phrases de la préface, que j’ai récupérées sur Amazon. Ce livre a été publié en 2009).

    Pour en savoir plus sur le contenu de cet ouvrage, je vous indique le lien sur Amazon, ici (non que je vous incite à l’acheter, là ou ailleurs, mais parce que vous pourrez y lire le 1er § et le texte de la 4ème de couverture. Je précise que je me suis acheté le livre  en librairie.)

  • Haïkus et papillon


    Quand j’étais en activité (prof de lettres) je demandais parfois à mes élèves d’écrire des haïkus.

    Je commençais par leur lire plusieurs poèmes de Matsuo Bashô (poète japonais du XVIIe s), puis  j’en écrivais quelques-uns à la craie, au tableau car je n’avais ni ordi ni imprimante à ma disposition (une époque archaïque, quoi ! mais ça marchait aussi bien, en définitive, à l’écoute).

    La première fois que j’ai fait ça, j’étais persuadée qu’ils allaient être ravis devant ces petits textes si simples, et avec si  peu de contrainte : textes courts, 3 lignes, pas de rimes… (sauf si ça arrivait, par hasard, alors on pouvait garder), et pas de mots de liaison, de connecteurs…

    Eh bien,  ce fut la révolte : « On n’y arrivera jamais ! On ne comprend rien ! Comment voulez-vous qu’on écrive comme ça ?….. » Pour moi ça a été une vraie surprise .

    Une fois la crise de récriminations passée -crise d’angoisse que j’avais bien connue en tant qu’élève devant une rédaction à faire-  j’ai sorti ma dernière cartouche :

    Vêtu de givre

    Couvert de vent

    Un enfant abandonné

    Et là, tout d’un coup, silence ! ils s’étaient tous mis à à écrire !

    Les années suivantes, j’ai continué de cette façon, en gardant ce dernier poème pour la fin. J’avais compris que ce qui les déboussolait, c’était cette absence de mots de liaison, de connecteurs logiques et qu’il fallait quelque chose qui les émeuve pour que « ça passe »…à l’intuition.

    Il y a une classe dont je me souviens plus particulièrement, pour plusieurs raisons car, à l’occasion de la journée « portes ouvertes » on avait affiché leurs haïkus, écrits en fin d’année scolaire. C’était une classe assez bonne mais rien d’extraordinaire, et ils avaient bien « marché », passées les premières minutes de mauvaise humeur.

    Parmi les élèves, il y en avait un dont les petits poèmes m’avaient un peu surprise à cause d’une certaine profondeur  qui ne correspondait pas à son degré de maturité apparente, ni à celui de son âge, ni à celui de la classe. Cet élève,  était un assez bon élève, mais sans plus. Par contre,  très vif (et même un peu trop, parfois), spontané, et participant bien à l’oral où j’avais remarqué qu’il avait de bonnes intuitions malgré son côté gamin. Et je dois avouer que j’avais un petit faible pour lui.

    A la rentrée suivante, j’apprends que, pendant l’été, alors qu’il circulait en vélo, ayant aperçu un renard qui filait sur sa gauche,  il s’était précipité à sa poursuite, sans s’apercevoir qu’une voiture était en train de le doubler et le choc l’avait tué ! Je me suis alors souvenue de ses haïkus, qui m’avaient troublée, je les ai retrouvés sur la feuille qu’on avait affichée pour l’expo de fin d’année, et je reste persuadée qu’ils avaient été écrits sous l’effet d’une intuition (inconsciente) et je me demande si ce n’est pas la forme de ces poèmes, (apparemment légers, sans connecteurs ) qui a permis la libération de cette intuition :

    Un soir d’automne

    comme une pomme

    je suis tombé.

    En plein été

    mes ailes ont poussé

    et j’ai pu m’envoler.

    Dans l’arène

    le taureau pleure

    et succombe.

    Un guerrier

    sans force

    en plein combat.

    Dans une maison

    un enfant, le visage

    triste et froid.

    J’aime la chenille

    qui après cocon

    devient papillon.

     

     

    *Je précise que je n’avais jamais parlé devant la classe de chenille qui devient papillon.

    Ci-dessous quelques haïkus d’autres élèves, relevés sur la même affiche, de la même classe, pour comparaison. La tonalité n’est pas la même.

    Sur la cour

    des enfants jouent

    Vive les vacances.

    Sur la place animée

    une automobile est arrivée

    à grande vitesse.

    Un soir d’été

    au bord d’un lac

    je me suis baignée.

    En haut de la colline

    une sapinière

    noyée dans le brouillard

  • « Une seule arme : l’évidence » (1-replay)


    DANIEL : « Une seule arme : l’évidence »

    Toolbar - ReplayExtrait de la brochure « La transmission autour d’Arnaud » (compilation des interventions des collaborateurs*, publiée lors de l’AG 2004.)

     

    « …Il y a aussi une autre erreur que vous faites souvent. Quand une circonstance, une personne, une parole, un événement, dans le présent, dans l’actualité, fait lever en vous une émotion très forte, qu’est-ce que vous allez faire ? Vous allez chercher une explication. Vous allez réfléchir et vous demander pourquoi cette intensité. Et vous allez chercher dans la situation ce qui pourrait expliquer une émotion de cette intensité. Mais la situation est souvent assez anodine et vous ne trouvez pas d’explication. Rien n’explique ni ne justifie objectivement une telle intensité. Et donc, vous n’êtes pas à l’aise, il n’y a plus de logique, vous êtes en état de déséquilibre. Et pour retrouver l’équilibre, vous allez juger. La seule façon que vous voyez pour retrouver un équilibre précaire, c’est de juger : je suis nul ou l’autre est nul (…). A ce moment-là, ça devient normal. Les choses reprennent un sens. En fait, si vous en arrivez à cette conclusion, c’est que toute votre recherche d’explication est fondée sur cette conviction :  » Je ne devrais pas ressentir cette émotion ».


    daniel_m

    En fait, cela ne fonctionne pas comme cela. L’intensité vient du passé, pas du présent. Cette intensité ne doit pas être expliquée, elle doit être acceptée et ressentie. Il faut tout de suite s’ouvrir : d’accord.  S’ouvrir et attendre, écouter. La vigilance n’est pas autre chose qu’une qualité d’écoute. Ouvrir et se laisser inspirer. Et, bien souvent, les connexions se font d’elles-mêmes. Et, là, c’est très intéressant de retrouver des vieilles situations, très intéressant. Et peu être qu’un film nous ramène à un autre film, et à un autre film, jusqu’à temps d’arriver au moment où le 1er refus s’est cristallisé, où une stratégie de défense, justifiée à ce moment, s’est mise en place.

    Ne cherchez pas d’abord à comprendre, parce que vous allez vous enfermer dans l’explication, la rationalisation et le jugement. Acceptez d’abord. A partir de là, la vie va vous donner ce qui est nécessaire pour guérir et tout remettre en ordre. Si vous avez besoin de comprendre, elle vous donnera des explications, si vous devez pleurer, des pleurs viendront, si vous devez retrouver des souvenirs, ils remonteront à la surface. L’erreur de priorité consiste toujours à considérer que quelque chose vous empêche d’essayer d’accepter ce qui est, ici et maintenant, et qu’il vous faut un travail préparatoire et une maturation préalable. Qu’est-ce que vous en savez ? Vous ne pouvez pas fixer vous-mêmes la règle du jeu. Je peux vous assurer que c’est le mental qui va définir ce travail préparatoire pour retarder la mise en pratique. (…)

    Ayez l’intention d’accepter ici, maintenant, tout de suite, dans cette attitude de soumission et d’humilité : à ce moment-là, tout ce qui est nécessaire pour vous , tel que vous êtes, en terme de préparation et de maturation, tout se mettra en place naturellement. Pour moi, il n’y a absolument rien, rien, qui empêche la reconnaissance de ce qui est. Rien. Aussi difficile que soit votre existence, cela n’est pas une excuse pour éviter de reconnaître que ce qui est là ne peut absolument pas être autre. Pour moi tout tourne autour de la reconnaissance de l’évidence. Qui n’a pas besoin d’être prouvée, l’évidence parle d’elle-même ! Elle est ! Ce qui est est oui ! Vous n’avez pas à fabriquer un oui, même un oui inconditionnel ! Ce qui est est oui ! Tout ce qui est est. Et est ne lutte contre rien.

    L’intention est fondamentale. L’intention possède deux qualités : une direction et une durée. C’est donc très simple. Direction : dire oui. Durée : tout le temps. Ayez en permanence l’intention d’être oui et tous les à-côtés du chemin se mettront en ordre d’eux-mêmes. C’est comme quand il y a un questionnement. Vous restez dans la question et les réponses viendront. »

     Daniel Morin.

    *  Les « collaborateurs » sont les personnes appeléespar  Arnaud (au Bost, à Font d’Isières puis Hauteville) à l’aider dans la transmission de l’Enseignement.
    – Cet article est une reprise d’un article publié en 2007 sur ce blog.

    Si vous voulez lire la suite de cette intervention : https://www.labertais.org/2007/11/daniel-une-seule-arme-levidence-2suite/

  • Citation du Lundi n°62

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    Deux _druides

    Dieu est un point de liberté

    où se font équilibre toutes oppositions

    Paroles de Druides citées par Brigitte Fontaine dans son derner livre : Histoires de SMS

    .

  • Apologie du… châle

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    Châle

    Cette fuite hors de nous pour se réfugier dans le châle,

    et, autour du silencieux centre, le désir

    que revienne encore une fois et encore

    une fois la fleur inouïe

    qui s’accomplit dans le vibrant tissu

    Rainer Maria RILKE  « Poèmes épars »
    .

    images

  • « JE est un autre »

     

    narcisse_caravage

    Car, on le comprend mieux maintenant, le propre de l’image anthropologique dualiste est d’exiger de l’être humain qu’il se confonde avec sa personne. Or, si cette confusion est l’erreur la plus commune et la plus normale qui soit dans notre civilisation, elle n’en est pas moins gravissime. Elle est celle que Socrate veut éviter aux Athéniens leur apprenant à se connaître, à naître à eux-mêmes. Elle est celle que dissout sans retour la métanoïa, la conversion, la deuxième naissance enseignée par le Christ. ….. Cette erreur est le piège fatal où tombe Narcisse se confondant avec son image aquatique, avec son âme, avec son moi. Car, nous le voyons mieux à présent, l’âme, le moi, la personne, l’individu, sont de même nature, ils appartiennent au même ordre de réalité.

    Aucun homme ne peut voir directement son propre visage. Mon propre visage qui, je n’en doute pas, est réel, m’est, sans médiation, à moi-même invisible. Il y a là de quoi méditer en profondeur : je ne peux nullement voir, dans mon corps, la part qui est le plus moi-même, celle montrant qui je suis. Je ne peux jamais la découvrir que reflétée, soit par une surface miroitante, soit par tout autre procédé. Oh ! ce reflet mérite grande estime et grande attention. La psychologie génétique, nous le savons, apprend que c’est grâce à son image spéculaire, à son image dans le miroir, que le petit enfant prend conscience de son humanité et de son individualité. Mais autre l’enfant, autre son image ! Autre la réalité, autre son reflet ! Confondre les deux est la faute, le péché, le drame de  Narcisse. Or, le mythe précise qu’il en meurt. Il faut entendre cela.

     » Je suis moi » , « Je suis mon âme » , « Je suis ma personne » , sont des affirmations exprimant la même fatale erreur. Arthur Rimbaud, dont le génie se manifesta avec une précocité incroyable, avait déjà bien aperçu ce piège dès l’âge de dix-sept ans, lui qui écrivit, en une phrase lapidaire dont les cinq mots apprennent plus sur la nature profonde et essentielle de l’homme que tous les traités de psychologie réunis : « Car JE est un autre. «  (Michel Fromaget.)

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     Quand j’ai lu ce passage dans « La drachme perdue »  (p.128) j’ai aussitôt pensé à certains exercices qu’Alain nous a fait faire, à La Bertais ou parfois à Hauteville en petits groupes, et ils ont pris, dans mon esprit, un supplément d’éclairage. Ainsi tout conspire à nous faire prendre conscience de cette réalité : « JE est un autre ».

    P.S. : –Le tableau de Narcisse contemplant son reflet, dont il est tombé amoureux jusqu’à en mourir, est attribué au Caravage.
    -Pour l’autre texte de M.F. , déjà cité sur le Blog, cliquer ici.

  • « De l’émerveillement… »

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    Dans son livre, La Drachme perdue, Michel Fromaget écrit : « L’esprit apparait au regard de l’âme comme une véritable merveille et le plus fréquent est qu’il lui manifeste, au début, sa présence à travers l’expérience même de l’émerveillement. Qui d’entre vous – au moins pendant l’enfance, alors que le moi n’occupait pas encore toute sa place – n’a connu des instants de ravissement ? Qui n’a connu, au moins une fois, cet état de transport et d »exaltation où l’émerveillement est si fort que l’âme perd la notion de son existence propre pour se fondre dans l’objet de son étonnement – une fleur, un ciel… une musique… – et ne faire plus qu’un avec lui ? … » 

    Parmi les quatre textes cités par M. Fromaget témoignant d’un moment d’extase dans la nature, j’ai choisi  celui d’Henri Bosco, peut-être un extrait du roman L’enfant et la rivière (?).


    «
    A ma connaissance, écrit M. Fromaget, nul écrivain, mieux qu’Henri Bosco (1888-1976) n’a pu peindre cet état d’absorption où les sens acquièrent une acuité plus fine :

    « Je me souviens que j’éprouvai alors un grand sentiment de tranquillité. Je sortis du bois et fis quelques pas sur l’esplanade. Jamais je n’avais eu l’esprit si clair. Tout ce que je voyais 51Tj7GKNhwL._SX346_BO1,204,203,200_s’y dessinait en lignes simples et illuminées. Je ne pensais à rien mais penser m’était inutile car il me semblait tout comprendre facilement. Je jouissais d’une intelligence mobile qui s’épandait dans la clarté lunaire pour tout voir, tout entendre, tout saisir, sans même composer une pensée, par vertu du rayonnement qui m’enveloppait de sa flamme éblouissante (…) Mais il y faut la nuit, une lune amicale, des lieux favorables au songe et une présence réelle. Présence dont on ne sait pas quelle est la nature cachée ; mais présence sensible à travers l’ombre et la clarté, l’odeur des bois, la brise dans les feuilles. Elle n’est cependant ni l’ombre, ni la forêt, mais sans elle toutes ces choses ne seraient que sensations pures, alors que l’on sent l’être même dans cet être inconnu que nulle image ne figure et dont l’émanation fait rayonner la terre, les eaux, les arbres et le silence de la nuit qui l’aime, car il en est le cœur actif et  inaccessible.

    Or cet être était là ; et n’en pouvant trouver le nom ni définir la  nature secrète, je me contentais de la paix nocturne. Dans cette paix, l’être circulait, du sommet des collines jusqu’aux paisibles étendues de la campagne.»

    💡

    Bref, « l’heure exquise », pour l’enfant comme pour le poète ?

    P.S. : La drachme perdue : pour la parabole cf Wikipédia (cliquer)
    Ainsi que pour le poème de Verlaine, « L’heure exquise ».

  • L’heure exquise

    Le dimanche soir, vers 20h…il y a, sur France inter une émission que j’écoute parfois : « Les p’tits bateaux, » où une personnalité  vient répondre à une question posée par un enfant. Ce dimanche 21 Février la première question portait sur le temps et c’est Fabrice Midal qui est venu y répondre. Il a terminé par une citation extraite d’un poème de Verlaine.

     

    L’HEURE EXQUISE

    La lune blanche
    Luit dans les bois ;
    De chaque branche
    Part une voix
    Sous la ramée …

    Ô bien-aimée.

    L’étang reflète,
    Profond miroir,
    La silhouette
    Du saule noir
    Où le vent pleure …

    Rêvons, c’est l’heure.

    Un vaste et tendre
    Apaisement
    Semble descendre
    Du firmament
    Que l’astre irise …

    C’est l’heure exquise.

  • Élévation

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    ÉLÉVATION

    Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
    Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
    Par delà le soleil, par delà les éthers,
    Par delà les confins des sphères étoilées,

    Mon esprit, tu te meus avec agilité,
    Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
    Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
    Avec une indicible et mâle volupté.

    Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
    Va te purifier dans l’air supérieur,
    Et bois, comme une pure et divine liqueur,
    Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

    Derrière les ennuis et les vastes chagrins
    Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
    Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
    S’élancer vers les champs lumineux et sereins !

    Celui dont les pensers, comme des alouettes,
    Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
    — Qui plane sur la vie et comprend sans effort
    Le langage des fleurs et des choses muettes !

    Baudelaire – Les Fleurs du mal, Spleen et idéal

  • La citation du lundi n°58

    la paix toujours présente

    Votre seule chance d’être libres, c’est cet amour de vos « ennemis ».

    « Mais quand est-ce que ça va s’arrêter ? » Ça s’arrêtera quand vous, vous changerez. Le monde suivra son cours mais il aura perdu le pouvoir de vous perturber. Ces affirmations paraissent vraiment étonnantes : « Mais je ne peux pas changer une émotion négative à l’égard de quelqu’un en amour pour cette personne ! » Si, en modifiant certains circuits intérieurs, inspirés par les paroles du Bouddha, de l’Évangile, de Swâmi Prajnânpad. Et si une situation perd son pouvoir de vous contrarier, la voie est grande ouverte pour qu’un jour aucune situation ne puisse plus vous perturber intérieurement. (Arnaud)

    lotus htv

  • Ria d’Étel

    Fabienne Marsaudon : « Autour de la ria »

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    Carte rivière d’Etel (cliquer)

    Ça y est, j’ai enfin réussi une intégration de vidéo ! (Merci à toi, Mireille, pour tes indications !) et, du coup, je la propose au blog, ce qui n’était pas ma première intention. Ce sera ma carte postale de l’été, même si je n’y suis, je crois, jamais allée …ou ça fait très longtemps. (Mais ça ne saurait, peut-être, tarder).

     

    En attendant, heureusement, il y a Wikipedia. J’y glane quelques renseignements :

    La rivière d’Étel ou ria d’Étel (en breton Stêr an Intel) est un petit fleuve côtier du Morbihan (France), qui coule dans un aber (ou ria), c’est-à-dire que sa vallée profonde est envahie par la mer à marée montante. Elle constitue une petite baie parsemée d’ilots, dont l’embouchure se situe dans l’océan Atlantique au niveau de la ville d’Étel et de celle de Plouhinec.

    À l’embouchure de la ria se trouve la barre d’Étel, un banc de sable sous-marin formé par le croisement des courants et dont la position est variable. Cette barre rend la navigation difficile.

    Les abers sont souvent des écosystèmes remarquables, notamment du fait du mélange de l’eau saumâtre avec l’eau douce à marée haute. C’est le cas de la rivière d’Étel qui abrite une flore et une faune remarquables. La partie marécageuse située à son extrémité nord (ainsi que, depuis 2008, la partie sud jusqu’à l’embouchure) est une zone protégée, sur 1823 ha, dans le cadre du réseau Natura 20004.
    Les eaux de la baie sont riches en poissons et coquillages, tandis que ses rives abritent de nombreuses espèces d’oiseaux marins (hérons, canards, cormorans).

     

    Croix celtique Saint Cado
    Croix celtique Saint Cado (cliquer)

    Une autre chanson de F.Marsaudon sur ce blog : ICI.

    Un autre article « Dans la ria  » sur ce blog : ICI
    P
    our le plein écran, cliquer sur le rectangle en bas, à droite des vidéos.

  • La dame à la rose

    LA DAME À LA ROSE

    « La Dame à la Rose », chanson  extraite de l’album Les Chants de l’Aube de Fabienne Marsaudon, dédié au poète Rainer Maria Rilke. Cette chanson a été composée à partir d’une lettre « anonyme » publiée par Edmond Jaloux dans une biographie de Rilke. Elle était signée « une femme », probablement amie du poète voulant garder l’anonymat mais souhaitant livrer un souvenir inoubliable d’une anecdote vécue à ses côtés. »
    C’est à Hauteville que je l’ai entendu chanter pour la 1e fois, par une autre Fabienne – de Caen – à l’Orangerie, il y a 1 an. J’ai beaucoup aimé ce témoignage, pour sa sensibilité et la leçon donnée par R-M-Rilke qui me rappelle notre double appartenance. La clairvoyance d’un maître ?

     

    « Nous nous retrouvions tous les jours dans les Jardins du Luxembourg et, tous deux assis sur un banc, entourés de rires d’enfants, nous parlions de littérature, de peinture ou bien de sculpture. Je citais quelques musiciens et vous me parliez de Rodin.

    Vous étiez discret et courtois, timide et presque maladroit. J’aimais votre sourire si doux. Vous ne parliez jamais de vous. Quand j’évoquais vos poésies, vous étiez gêné ou surpris comme si ce qui naissait de vous ne vous importait plus du tout.

    Vers la fin de l’après-midi, nous marchions jusqu’à la sortie, nous passions devant une mendiante, le dos courbé, la main pendante, vous lui donniez quelque monnaie, et je vous quittais juste après. « Rendez-vous demain sur le banc. » Dieu, comme vous étiez galant !

    Nous nous retrouvions tous les jours dans les Jardins du Luxembourg. J’avais déjà tout lu de vous, et j’attendais nos rendez-vous, vous, le poète et l’écrivain, votre regard ouvrait le mien. J’aimais votre âme virtuose et votre cœur si près des choses.

    Ce jour-là je vous ai déçu d’une maladresse inattendue et d’une bêtise regrettée sitôt de ma bouche envolée. Les mots ne sont pas anodins et peuvent se faire assassins. J’avais parlé sans réfléchir, je voulais juste vous faire sourire.

    En cette fin d’après-midi, déjà tout près de la sortie, après avoir vu la mendiante, j’ai dit, légère et insouciante : « Elle est riche peut-être, qui sait, avec son trésor de monnaie ». Vous me regardiez tristement, je suis partie le cœur tremblant.

    Nous nous retrouvions tous les jours dans les Jardins du Luxembourg. Le lendemain vous étiez là, tenant une rose entre les doigts.Vous n’avez parlé de rien. Votre regard croisait le mien, avec une secrète joie. J’avoue, je ne comprenais pas.

    J’avais oublié l’incident. Vous respiriez de temps en temps la rose que vous ne donniez pas. J’espérais qu’elle était pour moi, je n’osais pas la regarder. Vous, vous aviez l’air amusé. Et quand vous vous êtes levé, je vous ai suivi sans parler.

    Arrivé devant la mendiante, le dos courbé, la main pendante, vous lui avez offert la rose. Le temps sembla faire une pause. Elle a levé son regard clair, vous irradiant de sa lumière. Elle a embrassé votre main, avec respect, et puis soudain, mendiante en princesse changée, légère, elle s’en est allée.

    J’ai gardé de vous ce moment où vous m’avez montré comment, d’un seul geste avec une rose, vous saviez transformer les choses. Et je vous aime pour ce talent à rendre les autres plus grands. D’un regard venu de plus haut, c’est vous qui les rendiez si beaux.

    Une femme

    dame-a-la-licorne-e

     

  • Aragon : Il n’aurait fallu

     OLYMPUS DIGITAL CAMERAIl n’aurait fallu


    Qu’un moment de plus
    Pour que la mort vienne
    Mais une main nue
    Alors est venue
    Qui a pris la mienne

    Qui donc a rendu
    Leurs couleurs perdues
    Aux jours aux semaines
    Sa réalité
    A l’immensité
    Des choses humaines

    Moi qui frémissais
    Toujours je ne sais
    De quelle colère
    Deux bras ont suffi
    Pour faire à ma vie
    Un grand collier d’air

    Rien qu’un mouvement
    Ce geste en dormant
    Léger qui me frôle
    Un souffle posé
    Moins une rosée
    Contre mon épaule

    Un front qui s’appuie
    A moi dans la nuit
    Deux grands yeux ouverts
    Et tout m’a semblé
    Comme un champ de blé
    Dans cet univers

    Un tendre jardin
    Dans l’herbe où soudain
    La verveine pousse
    Et mon cœur défunt
    Renaît au parfum
    Qui fait l’ombre douce

     Louis Aragon : Le Roman Inachevé (1956)

    Voici un extrait de sa biographie sur W, en lien avec ce poème :

    « …À Venise en septembre 1928, ruiné par l’échec de son dernier ouvrage, il découvre la liaison de Nancy avec Henry Crowder  et tente de se suicider, épisode à l’origine d’un de ses plus célèbres poèmes chanté par Léo Ferré, Il n’aurait fallu.

    Seghers_Aragon_Elsa
    Seghers_Aragon_Elsa

    Deux mois plus tard, le 5 novembre, la belle-sœur de Vladimir Maïakovski, Elsa Triolet, vient le trouver à la brasserie La Coupole (…). Elsa « entre dans le poème »et deviendra sa muse pour la vie… »
    ___

     Un lien pour ce poème chanté par Léo Ferré ::  https://www.youtube.com/watch?v=06gQjntK4bI

    Deux autres poèmes d’Aragon sur ce blog : cliquer ICI et

  • Citation du lundi (53)

                       

    nietzsche                 

           Tout ce qui ne tue pas rend plus fort.

    Nietzsche 

    fleur

  • Modiano


    Discours à l’Académie suédoise

    Quand j’ai appris que Patrick Modiano avait reçu le prix Nobel de Littérature, j’ai été très contente  même si à ce moment-là je n’avais lu qu’un seul roman de lui. Mais je l’avais parfois entendu à la la radio ou à la TV, et sa simplicité, sa modestie, me l’avaient rendu attachant. Aussi à la nouvelle de son prix Nobel, j’ai foncé à la librairie pour acheter son dernier roman, « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier », puis 2 autres pour rattraper mon retard.
    Ensuite j’ai ouï dire qu’il avait prononcé à Stockholm un très beau discours pour la réception de son prix. J’en ai trouvé la transcription sur internet, et aussi une belle vidéo complète de la cérémonie dont je donne le lien à la fin de cet article. Dans ce discours, un passage -ci-dessous- sur le travail du romancier m’a plus particulièrement touchée car j’ai cru entendre comme un écho de notre Enseignement, qui nous apprend à chercher notre vraie nature « cachée en profondeur »…« sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite ».

     

    -Patrick Modiano à StockholmAVT_Patrick-Modiano_6176

    … En définitive, à quelle distance exacte se tient un romancier ? En marge de la vie pour la décrire, car si vous êtes plongé en elle – dans l’action – vous en avez une image confuse. Mais cette légère distance n’empêche pas le pouvoir d’identification qui est le sien vis-à-vis de ses personnages et celles et ceux qui les ont inspirés dans la vie réelle. Flaubert a dit : « Madame Bovary, c’est moi ». Et Tolstoï s’est identifié tout de suite à celle qu’il avait vue se jeter sous un train une nuit, dans une gare de Russie. Et ce don d’identification allait si loin que Tolstoï se confondait avec le ciel et le paysage qu’il décrivait et qu’il absorbait tout, jusqu’au plus léger battement de cil d’Anna Karénine. Cet état second est le contraire du narcissisme car il suppose à la fois un oubli de soi-même et une très forte concentration, afin d’être réceptif au moindre détail. Cela suppose aussi une certaine solitude. Elle n’est pas un repli sur soi-même, mais elle permet d’atteindre à un degré d’attention et d’hyper-lucidité vis-à-vis du monde extérieur pour le transposer dans un roman.

    J’ai toujours cru que le poète et le romancier donnaient du mystère aux êtres qui semblent submergés par la vie quotidienne, aux choses en apparence banales, – et cela à force de les observer avec une attention soutenue et de façon presque hypnotique. Sous leur regard, la vie courante violoncelliste-amedeo-modigliani-89-1803-iphonefinit par s’envelopper de mystère et par prendre une sorte de phosphorescence qu’elle n’avait pas à première vue mais qui était cachée en profondeur. C’est le rôle du poète et du romancier, et du peintre aussi, de dévoiler ce mystère et cette phosphorescence qui se trouvent au fond de chaque personne. Je pense à mon cousin lointain, le peintre Amedeo Modigliani dont les toiles les plus émouvantes sont celles où il a choisi pour modèles des anonymes, des enfants et des filles des rues, des servantes, de petits paysans, de jeunes apprentis. Il les a peints d’un trait aigu qui rappelle la grande tradition toscane, celle de Botticelli et des peintres siennois du Quattrocento. Il   leur a donné ainsi – ou plutôt il a dévoilé – toute la grâce et la noblesse qui étaient en eux sous leur humble apparence. Le travail du romancier doit aller dans ce sens-là. Son imagination, loin de déformer la réalité, doit la pénétrer en profondeur et révéler cette réalité à elle-même, avec la force des infrarouges et des ultraviolets pour détecter ce qui se cache derrière les apparences. Et je ne serais pas loin de croire que dans le meilleur des cas le romancier est une sorte de voyant et même de visionnaire. Et aussi un sismographe, prêt à enregistrer les mouvements les plus imperceptibles.

    J’ai toujours hésité avant de lire la biographie de tel ou tel écrivain que j’admirais. Les biographes s’attachent parfois à de petits détails, à des témoignages pas toujours exacts, à des traits de caractère qui paraissent déconcertants ou décevants et tout cela m’évoque ces grésillements qui brouillent certaines émissions de radio et rendent inaudibles les musiques ou les voix. Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain et c’est là qu’il est au meilleur de lui-même et qu’il nous parle à voix basse sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite.

    petit paysan

    Mais en lisant la biographie d’un écrivain, on découvre parfois un événement marquant de son enfance qui a été comme une matrice de son œuvre future et sans qu’il en ait eu toujours une claire conscience, cet événement marquant est revenu, sous diverses formes, hanter ses livres. Aujourd’hui, je pense à …

    Si vous voulez savoir à qui pense Modiano, voici le lien pour le YouTube  :

    En plus des paroles vous verrez la cérémonie et percevrez la belle présence humaine de Modiano. L’extrait transcrit ci-dessus commence à la minute 21′ …et des poussières.