Auteur/autrice : Edmonde Noël

  • Minotaure loufoque

     

    Le MINOTAURE


    J’suis l’Minotaure, je suis l’mytheux
    Dans les limbes de vos labyrinthes, subliminal,
    Vous m’reléguez.
    Dans les replis de vos esprits je suis tapi,
    Et dans vos gouffres, qui sentent le souffre
    le loup c’est moi !

    Thésée me tue, et je me tais
    Mais je survis, Thésée sur moi,
    Dans les coins noirs de votre moi
    En tapinois sous votre toi
    Voyez-vous ça :
    Coucou c’est moi !

    Je suis la vie, je suis l’tapi
    Je suis celui que vous aimez,
    Je suis celui que vous craignez.


    -Ah ! Oui c’est ça !
    Ah ! ça c’est l’pied !
    – J’vais vous l’cirer,
    Merci missié !

     

    Dans les années 80, j’ai fait quelques stages d’écriture avec une collègue, Héloïse, dont j’aimais beaucoup le travail. J’ai gardé mes brouillons et je me suis décidée, après le passage de Lily, à fouiller dans le carton où je les garde, dans l’intention d’en mettre quelques textes sur le blog.
    Héloïse nous avait proposé un jour, de nous exprimer sur le thème soit du Minotaure soit de Thésée. J’avais choisi le Minotaure, mythe qui n’est finalement pas… mité ;-).
    Ce texte-ci est un peu loufoque et si vous voulez du sérieux, reportez-vous au livre  de Lily, « Dynamique du soi », §4, p.112, sur le labyrinthe, ou à l’article de Wikipedia en cliquant sur Minotaure.
    N.B. : les fautes d’orthographe sont voulues.

  • Poème de Soumoun

    IL Y A EN MOI…

    Il y a en moi un tel désir de toi
    que si la pierre en supportait un pareil,
    elle serait fendue comme par un feu violent.
    Tout amour s’est insinué dans mes membres
    aussi intimement que dans l’âme la parole intérieure.
    Je ne peux soupirer sans que tu sois dans mon souffle
    et que tu ne vives dans chacun de mes sens.
    Mes yeux ne peuvent se fermer
    sans que tu ne te trouves entre la prunelle et les paupières.

    Paroles de Soumoun chantées pat Giani Esposito. Pour lire le poème « L’arbre de santal » cliquer ici.

    Avant de partir quelques  jours, j’ai regardé s’il y avait  des articles en attente sur notre blog. Juste deux ! Alors j’en sors un de mes brouillons, qui n’était qu’un essai pour voir comment le blog fonctionnait, au début et que, donc , je ne re-proposais pas. Que ceux qui l’ont déjà lu  m’excusent ! Et encore Merci à Giani !

     

     


  • Le cygne

    LE VIERGE, LE VIVACE

    Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
    Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
    Ce dur lac oublié que hante sous le givre
    Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !

    Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
    Magnifique mais qui sans espoir se délivre
    Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
    Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.

    Tout son col secouera cette blanche agonie
    Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie
    Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.

    Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne
    Il s’immobilise au songe froid de mépris
    Que vêt parmi l’exil inutile le cygne.

    Stéphane Mallarmé


    Et voilà ! Je me suis décidée à le mettre sur le Blog, ce poème de Mallarmé -poète symboliste du XIXe siècle- que j’avais étudié en classe, qui me touchait mais que je trouvais des plus hermétiques, si bien que je n’osais pas le mettre sur le Blog !
    Mon vieux manuel de « Lagarde & Michard » en propose une interprétation : » Mallarmé déplore la période de stérilité qu’il se reproche comme une faute ; pourra-t-il, plus heureux que le cygne enfermé dans sa prison de glace, reprendre son vol vers l’Azur ?«  (via l’écriture et la poésie, l’Azur représentant la « perfection poétique », les « vols qui n’ont pas fui » symbolisant les poèmes qui n’ont pas été écrits, la neige, la page blanche etc.) (
    Et selon une note de « L & M » « se délivre » = tente de se délivrer
    ).

    Mais à chacun son interprétation, et Bonne route à nous tous vers notre Azur !

  • Être ange ?

    ÊTRE ANGE


    Être ange

    c’est étrange

    dit l’ange

    Être âne

    c’est étrâne

    dit l’âne

    Cela ne veut rien dire

    dit l’ange en haussant les ailes

    Pourtant

    si étrange veut dire quelque chose

    étrâne est plus étrange qu’étrange

    dit l’âne

    Etrange est

    dit l’ange en tapant des pieds

    Etranger vous-même

    dit l’âne


    Et il s’envole


    Pour vous ce poème  de Jacques Prévert, dont je me délecte ! Et surtout, bien sûr ;-), parce qu’il nous démontre que même un âne, sans ailes, peut avoir accès à la verticale. Tous les espoirs nous sont permis !

  • Monet

    L’EXPOSITION CLAUDE MONET (2010) AU GRAND PALAIS

    Claude Monet (1840-1926)

    « Pendant plus de soixante ans, Claude Monet a peint sans relâche, élaborant une oeuvre qui incarne l’expression la plus pure de l’impressionnisme, pour constituer au début du xxe siècle un des fondements de l’art moderne. C’est l’ensemble de ce parcours riche et fécond que l’exposition des Galeries nationales réinterroge. Cette exposition monographique est la plus importante manifestation dédiée à l’artiste depuis près de trente ans, lorsque s’était tenue aux Galeries nationales en 1980 une rétrospective en forme d’hommage. Depuis, les recherches sur l’artiste se sont multipliées et ont mis en lumière des aspects moins connus de son œuvre (…) A travers près de deux cents œuvres, cette rétrospective veut susciter la surprise, la réflexion et la délectation du visiteur grâce à des œuvres célèbres et des tableaux méconnus, mais aussi grâce à des rapprochements inhabituels et des regroupements d’œuvres inédits. L’exposition veut également renouveler l’approche d’un grand artiste avec lequel s’accomplit le passage du XIXe au XXe siècle. Source : Texte officiel de l’exposition. »

    John Singer Sargent : Monet peignant à l’orée d’un bois, 1885

    « Claude Monet, confiait Bonnard à Angèle Lamotte en 1943, peignait sur le motif, mais pendant 10 minutes. Il ne laissait pas aux choses le temps de le prendre. »
    (René Huyghe, Dialogue avec le visible)

    ˜˜

    Une amie m’a envoyé ce lien vers un site consacré à Monet, créé au moment de  l’exposition 2010 au Grand Palais avec la participation du musée d’Orsay : http://www.monet2010.com/fr#/voyage/
    Ce lien nous donne accès à la partie
    « Voyage » du site (« Parcourez l’œuvre de Monet à travers une expérience digitale unique »). À la fin on a accès à la « Galerie », avec des images fixes.

    Cet autre lien donne un  accès plus complet : à  « Voyage », mais aussi  à « Galeries » (« Découvrez les tableaux présentés dans l’expo…« ) : http://www.monet2010.com/fr#/home/

    ˜˜

    « L’impressionnisme, à force de poursuivre le réel, le détruit et n’en garde plus qu’un poudroiement coloré. »
    Une belle de phrase de René Huyghe qui correspond bien à certains des tableaux présentés.



  • Le Face à Face des cœurs

    De l’AG d’Hauteville, j’ai rapporté (entre autres) le livre de Faouzi Skali, Le Face à Face des cœurs. Je l’ai acheté par curiosité et sympathie pour le soufisme. J’aime, en particulier, la façon imagée, poétique, dont parfois les choses sont dites (mais pas seulement cela, bien sûr…).

    Face_face_c__urs.jpg
    Ci-dessous deux passages
    pris dans le 1er chapitre :

    Pour les mystiques, ce qui éclaire notre conscience et nous rapproche du sens de l’Être est bon ; ce qui obscurcit notre conscience et nous éloigne de notre centre est mauvais.

    Parfois, un acte considéré comme négatif au plan moral nous rapprochera de ce centre, alors qu’une bonne action pourra au contraire nous en éloigner. Prendre conscience d’une attitude en nous qui n’est pas juste peut en effet nous amener à nous réajuster et à nous réorienter plus fermement vers l’Être universel. On peut alors parler du retour vers l’Être, qu’un musulman nomme repentir (tawba). Si, au contraire, nous cultivons le sentiment de la vertu, qui satisfait éminemment l’égo, cela peut émousser notre relation d’authenticité à l’Être en dépit d’un travail spirituel conséquent.

    « Il vaut mieux pour toi être l’ami d’un ignorant qui n’est pas satisfait de lui-même que d’un savant satisfait de lui-même. Car quel savoir a un savant qui est satisfait de lui, et est-il dans l’ignorance celui qui n’est pas satisfait de lui ? » (Ibn ’Ata’ Allâh al-Iskandarî, Al-Hikam al ‘ata iyya). ( p.28)

    *******

    Le sens le plus profond de la prière correspond à un état de demande inconditionnelle du cœur. La prière illustre cette évidence du non-savoir, car si notre cœur demande l’Être, il ne sait pas ce qu’il va recevoir ; la demande est dans le cœur et la réponse demeure entre les mains de Dieu. Cependant cette demande prend fréquemment un sens plus relatif. Nous sommes toujours prompts à nous donner des réponses car, n’ayant pas encore suffisamment cultivé en nous la confiance, nous avons peur des réponses que nous risquons de recevoir. (…)

    Un des aspects les plus fondamentaux de cette marche vers la pacification de l’âme consiste à vaincre les peurs qui nous entraînent dans un monde d’illusions, à remplacer cet état de fait par un véritable sentiment de confiance et d’abandon. Le soufi ‘Attar raconte dans son Livre divin : « Il y avait un chien qui essayait de boire. Lorsqu’il approchait de la surface de l’eau, il voyait son reflet et cette vue le faisait fuir. Mais il revenait sans cesse à la charge, et chaque fois qu’il était sur le point de boire, il voyait un chien qui lui sautait dessus et à nouveau il s’enfuyait. Sa soif devint si intense qu’il finit par se jeter à l’eau. Il but, découvrant que cette peur si éprouvante n’était que les fantômes de son propre égo, une projection de lui-même. »

    C’est cette frontière nous séparant de nous-même que nous devons traverser. « J’étais entre moi et moi-même, séparé de moi par moi-même », dit un poète soufi. Cette frontière, bien qu’illusoire, est efficace puisqu’elle nous empêche de nous abreuver à l’eau de notre propre source. (p.29-30)

  • Correspondances

    art_vaudou_2

    CORRESPONDANCES

    La Nature est un temple où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
    L’homme y passe à travers des forêts de symboles
    Qui l’observent avec des regards familiers.

    Comme de longs échos qui de loin se confondent
    Dans une ténébreuse et profonde unité,
    Vaste comme la nuit et comme la clarté,
    Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

    Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
    Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
    -Et d’autres corrompus, riches et triomphants,

    Ayant l’expansion des choses infinies,
    Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
    Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

    Baudelaire. Les Fleurs du mal. Spleen et Idéal

    800px_Delphi_temple_to_appolo1.jpg


    Le texte de Yann, Jyotisha (1), sur l’astrologie, avec ses « interconnections », m’a tout de suite fait penser -comme un « écho » !- aux « correspondances » qu’évoque Baudelaire dans ce poème que j’aime beaucoup.

    La fresque a été exposée au théâtre du Petit Montparnasse lors d’une expo sur la peinture vaudou (« Le dernier voyage d’André Malraux en Haïti »). J’ai entendu le reportage de Martine Abat sur France Inter (émission « L’humeur vagabonde » du 30/09/09). La fresque devait être de taille importante et M.A. semblait être très touchée par tous ces yeux qui la regardaient.

    Le temple est celui du dieu Apollon Pythien à Delphes. C’est là que le dieu communiquait auxhommes ses oracles -parfois un peu « confus »-  par l’intermédiaire de la Pythie.

    >Pour le poème« La vie antérieure »cliquer

  • « La Vie antérieure »

    going_where.jpg

    LA VIE ANTÉRIEURE

    J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
    Que les soleils marins teignaient de mille feux,
    Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
    Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

    Les houles, en roulant les images des cieux,
    Mêlaient d’une façon solennelle et mystique
    Les tout-puissants accords de leur riche musique
    Aux couleurs du couchant reflétées par mes yeux
    .

    C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes,
    Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs
    Et des esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs,

    Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
    Et dont l’unique soin était d’approfondir
    Le secret douloureux qui me faisait languir.

    Baudelaire. Les Fleurs du mal. Spleen et Idéal.

    La fresque est de Gauguin :  » D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? » (cliquer)

    ———————————————————————————————————————————————————————-

    Ce poème de Baudelaire m’a toujours fait rêver. J’aime son mystère et en même temps, je voudrais bien savoir…


    Alors, sur internet, je cherche une vue de grottes basaltiques, si possible éclairées par les 😉 rayons  des soleils marins…en vain ! Pas la moindre grotte basaltique à l’horizon ! 🙁 En revanche les dieux primitifs de l’Océan Indien guident ma souris vers un site nommé :
    Potomitan
    Site de promotion des cultures et des langues créoles -Annou voyé kreyòl douvan douvan
    http://www.potomitan.info/moris/baudelaire/baudelaire2.php


    Je clique aussitôt et pose le pied sur le sable d’une page polynésienne nommée « Baudelaire à Maurice – 150 ans des Fleurs du mal ». Je ne me doutais pas que La Vie antérieure m’emmènerait si loin !
    Un vrai plaisir ! Car, de l’hémisphère sud, on a un point de vue différent ! Il y a là une séries d’articles -dont des extraits de la conférence d’Emmanuel Richon, exégète de Baudelaire- écrits pour commémoreren 2007 sur l’île Maurice, la parution -et condamnation !- des « Fleurs du mal ».

    Il faut savoir que Baudelaire, à 20 ans, fut embarqué par son général de beau-père sur un navire partant pour Calcutta. Celui-ci voulait le soustraire à la vie de bohème qu’il menait au contact de milieux littéraires qu’il commençait à fréquenter. Charles ne dépassa pas les Mascareignes -îles Maurice et Bourbon i.e. Réunion- ; il séjourna 18 jours à Maurice. Et il ramènera de ce voyage une part importante de son inspiration : « l’exotisme, la sensualité, les couleurs vives,  la nostalgie d’un paradis perdu*, et la présence enivrante de la mer. »
    *Euh … pour la nostalgie d’un paradis perdu, je crois qu’il l’avait déjà bien en lui !!

    Ci-dessous, je vous cite juste un autre extrait, pris sur ce site, de la conférence d’E. Richon, et pê que plus tard j’en ferai plus, dans un autre article, car je suis touchée par ce que j’ai lu :

    « Espérons donc que la commémoration qui pourra se faire cette année, permettra enfin, d’ouvrir les yeux …  sur des aspects multiples et largement sous-estimés du séjour de Baudelaire: l’influence de l’hindouisme sur cet auteur est à mon sens immense et ne saurait relever de sa seule lecture de Thomas de Quincey, la métempsycose revient de manière récurrente et les images de la culture indienne sont très nombreuses. L’influence malgache est bien présente elle aussi, ce que personne n’a cru bon de mentionner à ce jour……  Enfin, l’influence de Baudelaire sur l’ensemble des poètes de la négritude est profonde et devrait être étudiée de près, Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor en sont imprégnés et, qui plus est, nous le disent ».(E.Richon)

    à suivre pê

  • Qu’il vive ! (poème)

    latour49.JPG

     

    Qu’il vive !

    Ce poème n’est qu’un vœu de l’esprit, un contre sépulcre.

    Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains .

    La vérité attend l’aurore à côté d’une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu’importe à l’attentif.

    Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.

    Il n’y a pas d’ombre maligne sur la barque chavirée.

    Bonjour à peine est inconnu dans mon pays.

    On n’emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.

    Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles, sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n’avoir pas de fruits.

    On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.

    Dans mon pays, on remercie.

    René Char.


    Encore un poème de René Char ! Le 1er que j’aie lu, dans un manuel scolaire, et qui m’a conquise.Il fait partie du recueil Les Matinaux. Ces « matinaux » étaient des journaliers qui se rendaient très tôt à leur travail, et qu’il rencontrait sur les chemins. « Enfant, il se lie d’amitiés avec les « matinaux » sortes de vagabonds vivant au rythme des jours et des saisons. »


    Le tableau est de Georges de La Tour, comme dans « La vérité vous rendra libre » (cf.30/01/09). R.Char s’est particulièrement intéressé à de La Tour. Et dans mon esprit, Char et de La Tour sont un peu liés, finalement. Ce tableau, dans sa « simplicité », évoque, entre autres, pour moi, le souvenir des artisans et « matinaux » avec lesquels R.Char s’était lié dans son Isle/Sorgue natale (il y en avait même peut-être un qui s’appelait Joseph ?).
    Une autre époque où le contact avec la nature me semble plus proche !

    « Après la mort de son père, René CHAR va se lier d’amitié avec des personnages de la vie simple et quotidienne de l’Isle, tel Jean Pancrace NOUGUIER, l’armurier, Louis CUREL, l’élagueur, APOLLON, le lutteur, et en marge de la société, ces vagabonds luni-solaires dits «Les Transparents». Plus que des amis de son âge, il semble que ce soit de grands initiateurs  qui aient marqué l’enfance du poète. »

     

    Avec ce poème, je vous souhaite une Bonne Année à tous ! (Trouvons tous notre pays !)

    PS : Pour le poème de R.Char « Affres, détonation, silence », cliquer ici



  • Automne

     brouillard.jpg

     

    AUTOMNE

     

    Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
    Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
    Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux

     

    Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
    Une chanson d’amour et d’infidélité
    Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise

     

    Oh ! l’automne l’automne a fait mourir l’été
    Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises

     Apollinaire, Alcools (1898-1913)

     


    Ce 30 Novembre, j’ai pensé à ce poème d’Apollinaire dont  j’aime beaucoup la douceur mélancolique. Ou plutôt, il s’est imposé à moi, peut-être en réaction contre la dureté du monde de la Finance (j’ai vu hier le film "Capitalism : a love story") . L’évasion par la poésie, et dans un autre monde, pour rééquilibrer mon humeur ?   Je vous propose aussi un poème extrait de ses Calligrammes (1913-1916). 


    Cœur  couronne  et  miroir

    Apolli13562.gif

     

  • Haïkus maritimes

    C’était à la Toussaint 2007. Avant d’aller rendre visite à ma mère dans sa maison de retraite, j’avais fait une balade sur la côte. Pour meubler ma solitude j’avais « écrit », en pensée, des haïkus, au fil de ma promenade. J’avais l’habitude de faire ça quand je voulais me souvenir d’un lieu, puisque je n’avais pas d’appareil photo. Quand je suis rentrée chez moi, je les ai notés et envoyés à Cybertaisie. Et comme les haïkus ont le vent en poupe depuis l’AG, j’en profite pour sortir mon youyou de son hangar.
    *
    L’Anaon » : mot breton, désigne les âmes des trépassés, en particulier celles des péris en mer dont on entend les plaintes les jours de tempête .

    ∼−−

    Sentier côtier

    À ma droite la dune

    À ma gauche l’infini 

     

    Mer d’Iroise

    Le déferlement de tes vagues ourle

    le Grand Silence

     

    Des signes sur le sable,

    Les mouettes

    S’en sont allées

      

    Goémons enchevétrés

    Coquillages épars

    Mon enfance est là

     

    La vague aux dents de loup

    Se précipite sur le sable

    Et s’écrase

      

    Petit chien noir qui cours au loin

    Ton reflet te suit

    Sur le sable mouillé

      

    Gens de l’Anaon

    Je n’entends plus vos voix

    Vous dormez ?

      

    Plouarzel les dunes

    Ma balade était si longue

    Que j’ai perdu ma voiture !

     

    mouett_fd.jpg

     

  • Glen

     

    Rivière et soleil à Glendalough ~  Stream and sun at Glendalough

     

    Pav__s._Do_Carr__

     

     
    Rivière et soleil à Glendalough

    ~

    En mouvements divers se mêlaient

    Les eaux de la rivière et le soleil glissant sur elles,

    Et tout mon cœur semblait joyeux :

    Mais une chose stupide que j’avais faite

    Me rendait distrait.

     

    Le repentir laisse mon cœur impur ;

    Mais qui suis-je pour oser

    Me figurer que je puis

    Mieux me conduire ou avoir plus

    De sens qu’un homme ordinaire ?

     

    Quel mouvement du soleil, de la rivière

    Ou des paupières a-t-il lancé ce rayon

    Qui a transpercé tout mon corps ?

    Qu’est-ce qui m’a fait vivre comme ceux-là, qui semblent

    Nés d’eux-mêmes , sans cesse renaissant ?

     (W.B. Yeats)


     
    D.Liot___L____il_et_l__azur

     

      Stream and sun at Glendalough

    ~

      

    Through intricate motions ran

    Stream and gliding sun

    And all my heart seemed gay ;

    Some stupid thing that I had done 

    Made my attention stray.

     

    Repentance keeps my heart impure ;

    But what am I that dare

    Fancy that I can

    Better conduct myself or have more

    Sense than a common man ?

     

    What motion of the sun or stream

    Or eyelid shot the gleam

    That pierced my body through ?

    What made me live like these that seem

    Self-born, born anew ?

      (Yeats, "The Winding Stair")

     


     Toujours sur ma lancée irlandaise, j’ai emprunté à la BM un livre en bilingue de Yeats : "L’escalier en spirale". En le feuilletant, je suis tombée sur ce poème. " Une vraie MEP (mise en pratique)", que je me suis dit ! Et comme je sais que plusieurs d’entre vous lisent l’anglais, profitons de cette version bilingue !
       La grande photo vient du blog de Dominique Carré  ; je lui trouvais, en plus de sa beauté, un aspect mystique qui allait bien avec ce que j’imaginais de Glendalough, où je ne suis pas allée. Et après coup je m’ aperçois qu’elle a été prise au Mont St Michel ! La petite photo a été empruntée au site de Denise Lioté, parente de Mélanie qui nous en avait donné l’adresse. Merci Dominique et Mélanie !

    " GLENDALOUGH est situé sur le site d’un ancien monastère du comté de Wicklow, établi au VIe siècle par St Kevin, prêtre ermite, et détruit par les Anglais en 1398." (W).
     

     

     

  • Irlande (II)

     

      35px_Irish_clover.jpg  La "Grande Famine" et le musée de Strokestown

     

     

    Pendant 3 années consécutives (1845-48), le mildiou a frappé et détruit les récoltes de pommes de terre, unique culture car très nourrissante et n’exigeant que peu de surface . Or, à cause de la colonisation anglaise, les Irlandais avaient été dépossédés de leurs terres, qui  appartenaient maintenant à de grands propriétaires anglais ou choisis par l’Angleterre, donc à sa solde, et les petits paysans irlandais devaient payer un loyer, tant pour leurs terres que pour leur habitation. J’ai cru comprendre qu’ils ne pouvaient posséder plus d’un acre de terre c-à-d 40-45 ares.

    Pour pouvoir payer le loyer, ils ont commencé à vendre leurs bêtes, et quand ils n’ont plus rien possédé, qu’ils n’ont plus pu payer -et alors qu’ils n’avaient plus rien à manger, la pdt étant leur nourriture quasi-unique- la plupart des grands propriétaires en ont profité pour les chasser et récupérer les terres : des familles entières, affamées, condamnées à errer sur les chemins, se construisant de famine3_1.jpgpetits abris de fortune, sortes de petites huttes rudimentaires. Un million mourut de la faim, et de maladies (choléra ….). Les journaux anglais, pour justifier cette situation et se disculper, publiaient sur eux des caricatures terribles : êtres grossiers, qui n’avaient sans doute que le sort qu’ils méritaient. (L’Angleterre, à l’agriculture pourtant florissante,  n’envoya pas la moindre aide alimentaire aux  Irlandais.)  Des affiches de ces caricatures sont présentées ds le musée de Strokestown.
     

    Des gens, cependant -dont des grands propriétaires- se sont émus de leur sort et ont créé des centres d’accueil. Malheureusement le remède était parfois pire que le mal car, vu l’état sanitaire des populations, les épidémies s’y propageaient à toute allure ; si bien que les malheureux refusaient souvent de s’y rendre, préférant encore l’errance sur les routes.

    Il restait aussi la solution de l’émigration (émigration forcée parfois -i.e. déportation, en particulier vers l’Australie- par certains grands Voilier_sur_la_Liffey.jpgpropriétaires). Et, là aussi, les conditions sanitaires décimaient les émigrants. Les Irlandais appelaient, d’ailleurs, ces bateaux des « bateaux – cercueils » et ils en gardent un à quai (photo ci-contre) sur les rives de la Liffey à Dublin : bateau-cercueil, bateau souvenir. Ceux qui arrivaient à destination -l’Amérique, essentiellement, où ils ont constitué une véritable diaspora- n’étaient pas toujours bien accueillis, ne représentant pas une …émigration choisie !

    Ainsi, à cause de cette catastrophe alimentaire -la pire en Europe au XIXe s.- dont les conséquences se feront sentir pendant encore une bonne dizaine d’années, la population irlandaise diminue de moitié. (Au XVIIe s. elle avait déjà diminué de près de la moitié, suite aux massacres perpétrés par Cromwell, qui fit venir, en compensation, 170.000 Protestants pour la colonisation).

    La façon dont cette catastrophe a été « gérée » par l’Angleterre provoque chez les Irlandais une prise de conscience nationale et le renouveau du mouvement indépendantiste, auquel la diaspora établie aux USA apportera son soutien sous toutes ses formes : diplomatie, finances, création du mouvement Fenian

     

    404_Chaumi_re_traditionnelle...abandonn_e.jpg

    Plus tard -et encore maintenant- certains, venus en Irlande à la recherche de leurs racines, rachètent la chaumière abandonnée où vivaient leurs aïeux (cf. "L’homme tranquille" , film de John Ford), qu’ils conservent telle quelle en souvenir tandis qu’ils construisent une autre maison, juste à côté. C’est ce que montre la photo ci-jointe, prise à Inishmore, une des îles d’Aran.

    Le domaine de Strokestown a appartenu à l’un de ces grands propriétaires qui n’hésitaient pas à jeter sur les routes leurs fermiers insolvables. Il a été tué, à cette époque, d’un coup de révolver mais on ignore qui fut le meurtrier : pê mansion4_2.jpgsimplement un rival en amour. Le domaine, racheté, a été plus tard converti en musée, avec des salles consacrées à la Grande Famine d’Irlande, sans oublier une ouverture, aussi, sur le thème de la famine actuellement dans le monde .

     

    Voilà ce que j’ai retenu de ma visite. C’était plutôt poignant. Et j’admire d’autant plus le courage et la vitalité des Irlandais !

    Si vous voulez vous procurer d’autres émotions, et voir "la suite de l’Histoire",  je vous propose ce lien vers les bandes annonces du très beau film de Ken Loach :" Le Vent se lève" (Attention, il y a beaucoup de scènes de violence !) : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18636898&cfilm=110201.html

  • Irlande

    flag_irld.gif Voyage en République Irlandaise


    Depuis longtemps je voulais faire un voyage en Irlande mais les circonstances m’en ont chaque fois empêchée. Et cette fois-ci, c’est fait, je me suis décidée d’un coup, une inspiration soudaine, alors que je croyais ne plus trop y tenir. Mais je n’ai rien regretté ! Circuit organisé, 9 jours. Réalisation d’un désir, avec juste un goût de revenez-y.


    Pour expliquer ce désir d’Irlande, je dirai d’abord que j’ai été sensibilisée dès l’enfance à la culture celtique, étant née dans une famille bretonnante, avec un père fan du breton et de sa culture (voire chauvin, sans doute par réaction à l’humiliation subie à l’école au travers du « symbole »…  etc.). Le Festival des Cornemuses, père de l’actuel Festival interceltique de Lorient, se déroulait alors à Brest, et on ne le manquait jamais. Par la suite, je me suis inscrite à la licence de « Langue et civilisation bretonnes » dès qu’elle a été créée à Rennes. Et c’est vraiment là que tout a commencé.

    FChaudron03.jpg

    (Détail du chaudron de Gunderstrup, IIe s. av. JC,  découvert dans une tourbière du Danemark et qui se trouve au musée de Copenhague.Il était à l’abbaye de Daoulas lors de l’expo sur les Celtes).

    J’avais choisi, entre autres, une U.V. de civi celtique, avec un prof –C.J.Guyonvarc’h– « imbuvable » car, passionné de langue et civilisation irlandaises anciennes, pré-chrétiennes, il considérait le breton comme une langue « dégénérée ». Son dédain rejaillissait sur l’ensemble de la section celtique, dont il avait, d’ailleurs, refusé de faire partie. Malgré tout,sa façon de parler de l’Irlande m’avait inoculé l’envie d’y aller. Il enseignait aussi le gaélique ancien et avait traduit (cf. sa thèse : « Textes mythologiques irlandais I ») les textes  de l’ancienne tradition orale, celle des Druides, qui avaient fini par être consignés par écrit.

    i_Torque_or_055d.jpg

    Je me souviens qu’il n’arrêtait pas de pester contre l’influence de la christianisation qui avait déformé les textes d’origine ; par exemple le Saint Graal serait l’avatar d’un chaudron mythique rempli d’une potion merveilleuse qui avait le pouvoir de rendre la vie aux combattants morts… à  condition qu’on ne leur ait pas tranché la tête. Là, c’était irréversible ! C’est pourquoi il valait mieux, par contre, la trancher aux ennemis morts. (Tout ceci se trouve dans des textes mythologiques. Mais les Celtes croyaient, en effet, à l’immortalité de l’âme, c’est d’ailleurs pourquoi ils ne craignaient pas la  mort et combattaient nus parfois, avec juste  un torque au cou, pour certains.)


    Mouton.jpgMais  revenons à nos moutons -surtout à tête noire – :  je suis, donc, allée en Irlande (Eire, Bro Iwerzhon).

    Que dire de ce voyage ? Que la pluie brestoise n’est rien à côté de la pluie irlandaise, qui tombe à grosses gouttes en averses drues, brusques et peut s’arrêter aussi soudainement ; l’image des 4 saisons en une seule journée s’est avérée juste plus d’une fois. Mais les Irlandais ne semblent pas s’en soucier et se baladent volontiers en bras de chemise sous l’averse. Et pour compenser la grisaille, ils savent peindre leurs maisons de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Heureusement nous sommes souvent passés entre les gouttes et n’avons pas non plus eu droit au brouillard bas qui, la semaine précédente, aux dires du guide, avait voilé l’horizon et masqué les montagnes.

    Car il y a des montagnes et des lacs en Eire et le paysage est beaucoup plus grandiose qu’en Bretagne, même  si  la végétation est la même (hortensias, ajoncs, bruyèreet plein de fleurs sauvages dont j’ignore toujours le nom, malgré les herbiers de Mireille !).

    Ce qui augmente cette sensation de grandeur et d’espace, c’est aussi que la population n’est pas dense du tout : 4,2 millions d’habitants en République Irlandaise, vivant surtout les villes . Et ça m’amène à vous dire qu’une des choses qui m’a le plus touchée, finalement, c’est la visite du Musée de la Grande Famine (XIXe s) au cours de laquelle la population, chassée par les grands propriétaires terriens anglais -ou à la botte des Anglais- diminue de moitié, soit qu’elle meurt de faim, soit qu’elle fuit ou est expulsée vers l’Australie ou l’Amérique. Mais il y a encore beaucoup d’autres choses à dire, et certaines, heureusement, sont plus gaies !

    Je termine, pour aujourd’hui, par une photo qui reflète bien ce qu’on a vu,et qu’une participante du voyage m’a fait parvenir. Je crois que c’est un lac et non un fiord. (A suivre… peut-être)

    IBis_Lac.jpg