La "Grande Famine" et le musée de Strokestown
Pendant 3 années consécutives (1845-48), le mildiou a frappé et détruit les récoltes de pommes de terre, unique culture car très nourrissante et n’exigeant que peu de surface . Or, à cause de la colonisation anglaise, les Irlandais avaient été dépossédés de leurs terres, qui appartenaient maintenant à de grands propriétaires anglais ou choisis par l’Angleterre, donc à sa solde, et les petits paysans irlandais devaient payer un loyer, tant pour leurs terres que pour leur habitation. J’ai cru comprendre qu’ils ne pouvaient posséder plus d’un acre de terre c-à-d 40-45 ares.
Pour pouvoir payer le loyer, ils ont commencé à vendre leurs bêtes, et quand ils n’ont plus rien possédé, qu’ils n’ont plus pu payer -et alors qu’ils n’avaient plus rien à manger, la pdt étant leur nourriture quasi-unique- la plupart des grands propriétaires en ont profité pour les chasser et récupérer les terres : des familles entières, affamées, condamnées à errer sur les chemins, se construisant de
petits abris de fortune, sortes de petites huttes rudimentaires. Un million mourut de la faim, et de maladies (choléra ….). Les journaux anglais, pour justifier cette situation et se disculper, publiaient sur eux des caricatures terribles : êtres grossiers, qui n’avaient sans doute que le sort qu’ils méritaient. (L’Angleterre, à l’agriculture pourtant florissante, n’envoya pas la moindre aide alimentaire aux Irlandais.) Des affiches de ces caricatures sont présentées ds le musée de Strokestown.
Des gens, cependant -dont des grands propriétaires- se sont émus de leur sort et ont créé des centres d’accueil. Malheureusement le remède était parfois pire que le mal car, vu l’état sanitaire des populations, les épidémies s’y propageaient à toute allure ; si bien que les malheureux refusaient souvent de s’y rendre, préférant encore l’errance sur les routes.
Il restait aussi la solution de l’émigration (émigration forcée parfois -i.e. déportation, en particulier vers l’Australie- par certains grands
propriétaires). Et, là aussi, les conditions sanitaires décimaient les émigrants. Les Irlandais appelaient, d’ailleurs, ces bateaux des « bateaux – cercueils » et ils en gardent un à quai (photo ci-contre) sur les rives de la Liffey à Dublin : bateau-cercueil, bateau souvenir. Ceux qui arrivaient à destination -l’Amérique, essentiellement, où ils ont constitué une véritable diaspora- n’étaient pas toujours bien accueillis, ne représentant pas une …émigration choisie !
Ainsi, à cause de cette catastrophe alimentaire -la pire en Europe au XIXe s.- dont les conséquences se feront sentir pendant encore une bonne dizaine d’années, la population irlandaise diminue de moitié. (Au XVIIe s. elle avait déjà diminué de près de la moitié, suite aux massacres perpétrés par Cromwell, qui fit venir, en compensation, 170.000 Protestants pour la colonisation).
La façon dont cette catastrophe a été « gérée » par l’Angleterre provoque chez les Irlandais une prise de conscience nationale et le renouveau du mouvement indépendantiste, auquel la diaspora établie aux USA apportera son soutien sous toutes ses formes : diplomatie, finances, création du mouvement Fenian …

Plus tard -et encore maintenant- certains, venus en Irlande à la recherche de leurs racines, rachètent la chaumière abandonnée où vivaient leurs aïeux (cf. "L’homme tranquille" , film de John Ford), qu’ils conservent telle quelle en souvenir tandis qu’ils construisent une autre maison, juste à côté. C’est ce que montre la photo ci-jointe, prise à Inishmore, une des îles d’Aran.
Le domaine de Strokestown a appartenu à l’un de ces grands propriétaires qui n’hésitaient pas à jeter sur les routes leurs fermiers insolvables. Il a été tué, à cette époque, d’un coup de révolver mais on ignore qui fut le meurtrier : pê
simplement un rival en amour. Le domaine, racheté, a été plus tard converti en musée, avec des salles consacrées à la Grande Famine d’Irlande, sans oublier une ouverture, aussi, sur le thème de la famine actuellement dans le monde .
Voilà ce que j’ai retenu de ma visite. C’était plutôt poignant. Et j’admire d’autant plus le courage et la vitalité des Irlandais !
Si vous voulez vous procurer d’autres émotions, et voir "la suite de l’Histoire", je vous propose ce lien vers les bandes annonces du très beau film de Ken Loach :" Le Vent se lève" (Attention, il y a beaucoup de scènes de violence !) : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18636898&cfilm=110201.html