"Herbier lunaire" ( Michel Butor).
Hibiscus novus
On l’appelle parfois la fleur de ficelle et aussi nouvelle amiante. Ses fibres souples, faciles à filer et tisser, sont en effet parfaitement incombustibles. C’est la matière première aujourd’hui non seulement de la plupart des tenues d’astronautes, mais aussi de celles des pompiers de la Terre. Seul inconvénient : l’extraordinaire vitalité de ces tissus qui peuvent bourgeonner soudain même après des années de mort apparente, surtout sous une lumière vive. Certaines variétés ont été obtenues pour réaliser des robes de soirée qui se recouvrent brusquement de fleurs sous les lustres.
Adansonia imbrium
Le tronc volumineux du baobab lunaire est souvent creusé de cavités suffisamment vastes pour abriter confortablement une petite patrouille. Son surnom d’arbre-garde-manger vient du fait qu’il fleurit à l’intérieur de ces cavités, et que les fruits y mûrissent sur des étagères naturelles. On peut d’ailleurs les faire cuire sans les cueillir en disposant au centre un radiateur électrique à batterie. Bien grillés ils ont le parfum du croissant chaud. L’arbre n’en souffre nullement. Au contraire, la floraison suivante est plus rapide.
Actinida nectaris
Les sexes sont séparés chez cette liane. Les deux individus sont toujours entièrement distincts, mais toujours étroitement enlacés. On n’a jamais jusqu’à présent découvert de célibataire. Les boutons en forme de cloche se réunissent pour constituer une fleur globuleuse qui de temps en temps émet une phosphorescence verdâtre et à d’autres moments un soupir fluté. De très beaux enregistrements ont été réalisés en disposant des micros sur les pétales.
Lunaria frigoris
C’est la fleur lunaire par excellence. Lors de certaines journées de printemps on voit les pentes du cratère Copernic étinceler par ces millions de petits miroirs qui tournent lentement avec la lumière du Soleil. Les enfants ne se lassent pas d’extraire de ces petits disques une menue goutte de glace très salée qu’ils vaporisent avec leurs pistolets-jouets à chaleur.
*J’ai voulu concurrencer Mireille. Hélas, je ne trouve pas sur internet les belles gravures originales (de Gochka Charewicz) qui illustrent chacun des poèmes. Alors, on imagine !