Il a déjà été question ici de cette chaîne Youtube, « Une lignée vivante » créée par une association au titre assez énigmatique « Les films de la table 10 » composée de 6 bénévoles et dont les buts sont les suivants :
« La série documentaire témoigne de multiples facettes de l’héritage spirituel de Swami Prajnanpad et d’Arnaud Desjardins. Cette transmission est un défi constant entre fidélité à l’esprit et adaptation aux contextes culturels. Odyssée qui prend sa source en Inde, en passant par la France, le Québec, le Mexique … la série suit l’itinéraire dans le temps et l’espace de ce courant spirituel, que Swami Prajnanpad a nommé Adhyatma Yoga, le yoga tourné vers le Soi. Nous partons à la rencontre des élèves en charge de cette transmission. Ils évoquent leurs parcours et comment ils en sont venus à être des serviteurs de cette Voie, dans leur style propre. »
C’est dans ce contexte qu’hier en découvrant la dernière « Lettre de Hauteville » arrivée au courrier le jour même, j’ai repéré en page 26 qu’un nouveau film de cette chaîne Youtube était disponible. Je le reconnais, les précédentes mises en ligne n’avaient pas vraiment attirées mon attention, si bien que je n’avais pas fait l’effort de consulter ces vidéos. Mais, cette fois, ce qui fait tilt c’est son titre « El Camino del Corazon » et surtout sa traduction « La Voie du Coeur » qui suscite tout à coup une intense curiosité.
Pourquoi ? Depuis de longs mois, je relis avec un intérêt considérable le livre d’Arnaud, portant ce même intitulé. Pour tout dire, je ne fais même que lire celui-ci, à petites doses, en surlignant maints passages. Puis, lorsque j’ai terminé un chapitre, je reprends le surlignage et en dégage encore plus la quintessence avec un surlignage d’une autre couleur. Je vis tellement à fond cette lecture depuis octobre dernier qu’elle est exclusive dans la catégorie des ouvrages spirituels. D’ailleurs, cela se ressent concrètement car le livre – ce qui est totalement inhabituel chez moi – est complètement délabré, comme si je décortiquais aussi l’enseignement et la pratique d’une manière tout à fait inédite. Il me reste encore un chapitre à lire et pour l’instant je n’en dirai pas plus mais peut-être que cela fera l’objet d’un ou plusieurs articles d’ici quelque temps…
Il est 19h lorsque je lis cette information qui m’intrigue dans « La Lettre de Hauteville ». A 19h05, je trouve le film sur la chaîne Youtube et sans plus attendre je lance le visionnage. Je suis captivé d’emblée par la puissance des témoignages d’anonymes comme de personnes bien connues des bertaisiens : Emmanuel, Eric et Sophie, Véronique, Gilles et Valérie, Alain, Thierry, Murielle et Christophe. Je suis fasciné par la beauté des images et j’apprécie de revoir des lieux connus comme Hauteville et d’autres que je découvre comme Mangalam au Québec ou les différents lieux des élèves du Mexique. Il se dégage vraiment beaucoup d’authenticité et de ferveur, aussi bien dans les images que dans les paroles.
Alors pour vous inciter encore plus (si je n’ai pas encore réussi à vous convaincre…) à visionner ce film, voici ce qu’en dit le texte paru dans la lettre de Hauteville :
« Il se trouve que ce documentaire est une excellente présentation globale de notre Voie. Il forme un tout complet, indépendant des autres épisodes de la série et il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’autres vidéos qui offrent une telle synthèse. »
C’est l’impression qui m’habitait quand j’ai achevé vers 20h30 de regarder ce documentaire. Mais au-delà de cet intérêt purement intellectuel, j’ai senti que ce film réactivait un profond questionnement sur ma manière de vivre l’enseignement et sur une authentique pratique au quotidien.
Je vous donne deux liens vers ce film : la bande-annonce pour éventuellement une « mise en bouche » et le film proprement dit.
Je vous souhaite la même aventure que celle qui m’est arrivée hier soir et j’attends vos retours avec grand plaisir !
Je viens de terminer l’admirable livre de Valérie Farcet. Je n’envisage pas ici d’en faire un commentaire, voire une critique. Car c’est avant tout le témoignage profondément sincère et un parcours de vie assez singulier d’une disciple d’Arnaud engagée depuis plus de 25 ans sur le chemin spirituel. Un engagement total et pleinement dédié à un approfondissement intellectuel et surtout pratique de cet enseignement transmis par Swâmi Prajnanpad puis Arnaud. A tel point que Valérie, aujourd’hui, et ce depuis près de 10 ans, retransmet cet enseignement aux côtés de Gilles Farcet, son référent lors de ses séjours à Hauteville, avant de devenir son compagnon puis époux.
J’ai choisi de retranscrire ici un large extrait du chapitre situé presque à la toute fin du livre et qui s’intitule « Le but ».
En 1996 je rêvais d’une bascule intérieure, à l’issue de laquelle je vivrais continuellement dans un état de béatitude. Plus de souffrance, plus d’emmerdes ! J’ai vite compris qu’il s’agissait d’autre chose.
Je pourrais dire que l’expérience de non-séparation que j’ai connue pendant quelques heures aux Blachères en 1998 était une expérience d’éveil. Oui, mais ce n’est pas cela que je recherche. Car dans cette expérience de non-séparation il n’était pas question des autres. La non-séparation abstraite puisque vécue seule.
La notion du but n’a cessé d’évoluer pour moi. Durant quelques années j’en suis venue à m’y fermer, tellement convaincue que « ce n’était pas pour moi ». Des années de sécheresse où la Voie me paraissait ardue.
Si je regarde en arrière, je vois le chemin parcouru. Il y avait tellement d’émotions, de jugements, de tensions, de désirs, de certitudes…
Aujourd’hui un climat de détente, de gratitude et de simplicité domine. Je me sens moins entravée par moi-même pour être au service du Plus Grand. Je ne peux par parler d’absence de refus mais d’absence de consolidation du refus.
Et je suis consciente de la qualité de mes conditions de vie actuelles. Une complicité profonde dans le couple, une existence vouée à ce qui importe le plus pour moi, une très belle relation avec mes belles-filles, des amis précieux, un lieu de vie ressourçant, une bonne santé, un pays en paix, etc. Bien que toute la pratique nous amène à devenir de moins en moins dépendants des situations extérieures, je me garde bien de me reposer sur mes lauriers. « Anyone can fall » (« N’importe qui peut chuter »), répétait Mister Lee.
Si je regarde en avant, je vois une route sans fin. Je me sens au début d’un véritable travail sur la maîtrise des pensées, sur la vigilance, sur la présence à soi-même et au Plus Grand.
Dans ma compréhension actuelle, je sens moins un but à atteindre qu’un chemin à parcourir dans la bonne direction.
Comment formuler la direction qui m’attire si puissamment ?
Swâmiji qui répond à la petite Murielle qui lui demande s’il a des pouvoirs : « Yes, infinite love, infinite patience. » (« Oui, amour infini, patience infinie »). Cela me bouleverse : « Infinite love, infinite patience. »
Depuis des décennies, je me suis toujours senti concerné par le conflit israélo-palestinien qui a connu bien des vicissitudes entre espoir et désespoir. Si j’ai vibré aux accords d’Oslo signé le 13 septembre 1993 (le même jour où j’apprenais que mon père était condamné pour un cancer incurable), très vite j’ai dû déchanter et assisté impuissant aux vagues d’attentats et de répression aveugles qui ont complètement fait déraper le processus d’une coexistence pacifique de ces deux peuples sur le sol de la Palestine.
Alors que ce conflit était complètement occulté, il est revenu aux premiers plans avec, hélas, cette attaque terroriste inhumaine du Hamas au début du mois d’octobre. Depuis, ce sujet fait la une de l’actualité, et je lis beaucoup d’articles et vois quelques vidéos de débats ou entretiens pour mieux m’informer sur la question.
Alors que j’arrivais au terme d’une vidéo sur Médiapart d’un entretien avec le sociologue en relations internationales, Bertrand Badie, tout à coup il s’est passé quelque chose. L’intervenant s’est positionné sur un tout autre registre et m’a semblé entrer dans une autre dimension, ce qui n’a pas d’ailleurs manqué d’étonner et de réjouir le journaliste.
Avec des mots simples, l’intervenant a parlé qu’un humain vaut un autre être humain, que la sympathie des âmes (si chère à Victor Hugo) devait être notre préoccupation et qu’il nous faut voir avant tout l’unité de l’humanité. Des propos presque mystiques. Bertrand Badie est d’autant plus probant dans ses propos qu’ils sont prononcés avec douceur, bienveillance et grande bonté. Sans doute parce que son parcours est aussi singulier, lui le fils d’un père d’origine perse et d’une mère française.
Je vous laisse découvrir ces quelques minutes de haute sagesse intellectuelle
Je ne revendique pas ce mantra, car j’ai d’abord dû me débattre avec lui pendant de longues semaines avant qu’il ne commence à s’incarner en moi. Quoiqu’il en soit, je vous recommande vraiment la lecture de cet article paru dans la dernière lettre de Hauteville et qui est la retranscription d’une causerie d’Arnaud à Mangalam intitulée « Aimez vos ennemis ». Ce texte, lu et relu au moins une dizaine de fois (et aussi surligné), s’est révélé précieux pour me montrer que je n’avais pas encore compris grand chose à l’enseignement. Et s’il m’a tant percuté, c’est sans doute parce qu’il avait beaucoup à me dire et à me faire comprendre…
Sans entrer dans les détails, depuis près d’un an je me débats avec une situation compliquée : une personne proche de moi m’a fait part d’accusations qui me sont insupportables (d’autant plus qu’elles ne me paraissent pas fondées…). Donc, lorsque j’ai pris connaissance de ce texte d’Arnaud, j’ai tout de suite compris qu’il ne venait pas à moi par hasard. C’était une invitation claire à me sortir de ce guêpier où je m’enfermais moi-même et où je tournais en rond, sabotant toute initiative un tant soit peu constructive, ruminant sans fin ma blessure et ma colère.
Voici donc quelques extraits de cet article qui m’ont aidé à dépasser cette situation difficile :
Quelqu’un a fait quelque chose qui m’affecte. C’est moi qui suis affecté. En fin de compte, même si la personne s’est très mal conduite avec moi, c’est moi qui suis perturbé. Alors est-ce que je veux rester contrarié, est-ce que je veux rester soucieux, est-ce que je veux rester malheureux ? Oui ou non ? Si vous ne voulez pas demeurer malheureux, alors, décidez aussi que vous ne voulez plus donner à cette personne le pouvoir que son comportement a sur vous. Quelle que soit la situation, même si elle est grave, ça n’est jamais une raison pour que je sois coupé du Divin en moi.
Gloups : c’est du lourd. Si intellectuellement je comprends le raisonnement, je sens bien qu’en moi cela tangue fortement, que je ne suis pas prêt à lâcher ma colère et mon ressentiment.
« L’ennemi », c’est tout ce que je n’aime pas sur le moment : j’aurais mieux aimé que ce soit autrement. Et c’est dans ces moments qu’il ne faut pas laisser échapper l’occasion de pratiquer. (…) Ce retournement, cette conversion est une pratique tout le temps à votre disposition. (…) « J’essaie de comprendre son comportement », mais vous ne pouvez pas comprendre intellectuellement son comportement sans cette attitude de retournement. (…) Très concrètement, est-ce que vous pouvez inverser de la même manière votre attitude par rapport à ce qui est « l’ennemi », l’aspect inamical de l’existence ? Pratiquement, c’est exactement là que la partie se joue.
Quoi ? Encore tendre l’autre joue ? Ah ! comme j’ai déjà entendu cette injonction dans ma famille de bien-pensants catholiques. Je lis que l’enjeu ne se situe pas sur le plan intellectuel, mais dans une attitude de retournement. Mais j’ai envie de crier : « Et comment fait-on ? ». La réponse arrive dans cet autre passage :
En quelques semaines, vous découvrirez que vous avez le pouvoir de changer complètement votre vision des choses. La première pensée qui vous viendra à l’esprit sera « Aimez vos ennemis » et non plus « quel con » ou même « quel salaud ! ». « Aimez vos ennemis », « Bénissez ceux qui vous maudissent », « Priez pour ceux qui vous persécutent ».
Très honnêtement, il m’a fallu plus que quelques semaines, plutôt deux mois pour en arriver à ce changement majeur. Mais j’ai conscience de ne pas être un virtuose de la spiritualité : chez moi les avancées sont laborieuses, les retours en arrière possibles. Donc, je reste prudent et ne crie surtout pas victoire.
Mais si on nous montre que votre souffrance ne tient pas à l’autre, elle tient à vous, alors se lève une immense espérance. Si vous êtes malheureux, c’est de votre faute. (…) Je vous dis avec le maximum d’amour qui puisse rendre cette parole écoutable : si vous n’êtes pas heureux, c’est de votre faute. Et heureusement, car c’est votre seule chance de salut !
Et en plus c’est de ma faute si j’ai été agressé gratuitement par une personne de mon entourage… Décidemment, on aura tout entendu ! Une fois la première réaction passée, je vois bien que ce n’est pas exactement ce que Arnaud a dit. D’autant plus qu’il précise sa pensée de manière encore plus catégorique :
Si je pardonne vraiment à ceux qui m’ont offensé, maintenant, tout de suite, je retourne la situation. Immédiatement, je me sens en communion avec Dieu, en état de grâce. Cela tient à vous. (…) Je ne veux pas que cette personne soit cause de souffrance pour moi. Alors, vous voyez un moyen radical ? Ayez de l’amour pour elle. (…) Je vous transmets le secret, l’unique secret qui va s’appliquer à toutes situations.
(…) Il n’y a pas d’autre possibilité de salut pour vous que cette conversion : je m’ouvre à la négativité de l’autre à mon égard.
Tout à coup, c’est plus clair et le changement est très net : dès lors que l’on est plus encombré par la rancœur, un espace immense s’ouvre devant nous et le lien est renoué avec la source de l’Amour en nous. Et alors, ce qui m’a tant fait mal depuis des mois me parait alors assez insignifiant par rapport à cette grande promesse de communion divine.
Que pouvez-vous faire pour enlever ce pouvoir à l’autre ? Retourner la situation et oser décider : je lui envoie des pensées d’amour parce que je sais que c’est ma seule chance de libération. Il n’y en a pas d’autre. Donc, je suis d’accord pour ce retournement et c’est ma joie, c’est ce qui m’épanouit.
Bon, soyons clairs, je ne suis pas encore arrivé à ce stade d’amour, quoi que… Chaque soir, en fin de méditation, j’essaye de m’établir en communion avec des proches en difficulté ou dans la souffrance. Or, il m’arrive de plus en plus facilement d’avoir cette attitude vis-à-vis de cette personne qui depuis tant de mois perturbe ma tranquillité intérieure. Rien que pour la remercier d’avoir parcouru tout ce cheminement laborieux, douloureux, mais riche d’enseignement en final.
Une rapide recherche sur ce blog m’a permis de constater que – jusqu’à présent – aucun article n’avait été consacré à Annick de Souzenelle, cette femme remarquable vivant près d’Angers et qui vient de passer le cap d’un siècle de vie, le 4 novembre dernier. Alors qui est donc cette femme ?
Voici la notice qui figure sur le site de l’association Arigah (ce qui veut dire en hébreu : tissage) qu’elle a initiée :
» Annick de Souzenelle est née en 1922 en Bretagne.
Sa petite enfance est marquée par l’effondrement d’une vie familiale qui l’a conduite à perdre, pour un temps, tout repère affectif et géographique. La réalité extérieure étant devenue absurde à ses yeux d’enfant, elle s’est tournée très tôt vers « le Père divin » et le monde intérieur lui est devenu encore plus réel que le monde extérieur.
Très jeune, elle se passionne pour les livres sur la Grande Geste du Moyen Âge, les contes et légendes de tous les pays du monde.
Elève à l’Institut Notre Dame des Champs à Paris, sa foi est entretenue au sein de l’Église catholique mais elle pressent déjà que derrière le message du Christ et les mythes bibliques se cache une signification plus profonde qui n’était pas délivrée.
Après le Baccalauréat, elle suit des études de mathématiques à qui, dit-elle, elle doit sa rigueur intellectuelle, tout en continuant de chercher des réponses à sa quête spirituelle.
En 1945, à la fin de la guerre, elle décide de faire des études d’infirmière. C’est ainsi qu’après sa formation, elle devient infirmière anesthésiste, métier qu’elle exerce pendant 15 ans dont 5 ans passés au Maroc. C’est d’ailleurs au cours de cette période qu’elle reprend le chemin de sa quête spirituelle. Confrontée à la souffrance, elle dit avoir beaucoup appris des malades et de la psychologie.
Eugraph Kovalevsky
En 1958, le « hasard » lui fait rencontrer le Père Eugraph Kovalevski – fondateur de l’Église Orthodoxe de France – qui deviendra par la suite son maître spirituel. Elle se reconnaît dès lors dans un christianisme vivant de la tradition orthodoxe. Le « Monde divin » la reprend par la main… Avec le Père Eugraph Kovalevski, (devenu l’évêque Jean en 1964) elle entreprend des études de théologie et découvre toute la grandeur de notre Tradition dans un esprit qui n’exclut pas les autres.
Parallèlement, elle suit pendant 2 ans des cours d’hébreu avec Emmanuel Lévyne, Qabbaliste. Deux enseignements, théologie chrétienne orthodoxe et l’hébreu, qui vont transformer sa vie et son regard sur le monde. Elle reçoit alors ce que la tradition chinoise appelle son « Mandat du Ciel » et avec la psychologie des profondeurs de Carl Gustav Jung, elle entre dans les profondeurs de la Terre. Elle y ajoute une dimension corporelle par sa rencontre avec le Dr Vittoz.
Elle découvre alors au travers de ces différents enseignements l’amorce d’une anthropologie « non encore née », comme le lui avait dit l’évêque Jean mais aussi celle souhaitée par ce grand philosophe russe chrétien, Nicolas Berdiaev ; Ce qui la conduira en 2010 à créer avec Agnès Desanges, l’Institut d’Anthropologie Spirituelle à Angers.
Annick de Souzenelle, par une lecture renouvelée et vivifiante, nous fait entrer dans nos textes sacrés et nos mythes fondateurs par la voie intérieure. «
Depuis un certain temps, j’ai pris le temps de visionner certaines des vidéos qui sont publiées sur youtube. Et je reconnais que – à chaque fois – je me suis trouvé nourri et vivement interpellé par le message que je trouve assez original et quelque peu aussi mystérieux pour moi (on frise l’ésotérisme). Mais ces réserves sont largement dépassées par la qualité des propos tenus par Annick de Souzenelle et surtout par la qualité de sa présence, qui relève d’une sagesse authentique.
J’ai notamment apprécié cette série de 4 vidéos, intitulés « La Voie du coeur » (voir la première ICI) où elle intervient avec un autre enseignant de qualité, Faouza Skali.
Mais pour faire plus simple, tout simple même, je vous suggère de visionner la courte vidéo (17 minutes) qu’elle a enregistré à l’occasion de ses 100 ans. Elle permet de découvrir une femme complètement détachée de cet événement des 100 ans et même de la mort elle-même qu’elle n’appréhende nullement. C’est le meilleur moyen de faire sa connaissance dans toute sa plénitude.
En voici quelques florilèges :
« Le temps ne compte pas, seule l’intensité compte. (…) Ce qui est important, c’est comment je vis chaque instant. »
« Quelqu’un de très important s’adresse aux jeunes en leur disant : « Préparez l’avenir mes amis ! » Moi, je dirais : « Préparez l’instant ! Préparez le présent, tout se passe dans l’instant, tout se passe dans le présent. »
« A partir du moment où on est connecté à sa véritable identité, à sa véritable nature, la mort est une étape de la vie. J’ai vécu beaucoup de morts dans ma vie et de morts qui ont été beaucoup plus difficiles que la mort qui m’attend. »
« Nous sommes un Dieu que nous ne sommes pas encore et nous sommes promis à l’être. »
« Jung a percé l’intellect de l’homme, percé ses capacité cognitives pour le faire toucher du doigt à quelque chose de divin en lui, qui est au-delà de son cerveau, et qu’il était dans une sphère autre avec une sensibilité exquise à quelque chose de divin. »
« Il faut traverser les déserts. (…) Accepter un retournement radical pour recevoir quelque chose qui vient d’en-haut et qui nous fait vivre une autre vie. Et à ce moment-là, le chameau peut passer le creux de l’aiguille. Cela demande des morts et des résurrections. »
« C’est l’amour qui est le fin mot de l’histoire. (…) Un amour capable de mutation, c’est ce que dit le Cantique des Cantiques, ce n’est pas : l’amour est plus fort que la mort, c’est l’amour est capable de mutation et ça change tout. »
Depuis quelques semaines, je me passionne pour cette émission intitulée « Nus et culottés », dont le slogan est « Rien ne sert de courir, il faut partir à poil ». De nombreux épisodes passent en replay sur la chaîne de télévision France 3.
Le concept est simple : deux jeunes hommes, Nans et Mouts, partent d’un endroit (différent à chaque fois) dans le plus simple appareil, sans aucun argent, seulement équipé d’un baluchon qui contient aussi trois caméras.
Ils tentent des expériences culottées en vue de concrétiser un de leurs rêves. Grâce au troc, à des services rendus et à la générosité des personnes rencontrées, ils vont trouver vêtements, nourriture, logement et aide pour se déplacer (à pied, vélo, auto-stop, en voiture ou avion, caravane, canoë par exemple). Ils vont ainsi partir nus de l’endroit initial et tenter de rejoindre leur objectif à plusieurs centaines de kilomètres afin de réaliser leur quête, comme de prendre le thé chez un Lord, de voir une aurore boréale en Islande ou de voler en monglofière. Leur objectif est de réenchanter la vision du monde et de l’humain.
C’est vraiment ce dernier point qui m’a touché et qui fait la saveur et l’intérêt majeur de cette émission. La démarche radicale des deux jeunes aventuriers ne peut que provoquer rejet ou… accueil souvent alors inconditionnel. Et nous assistons à des scènes étonnantes, émouvantes, qui prouve ô combien celui qui accueille reçoit autant – sinon plus – que ceux qui demandent.
Ce qui m’a particulièrement marqué au fil des différentes émissions, c’est que loin de l’image que les médias renvoient, dans les zones périphériques et rurales des liens de solidarité existent encore et ne demandent qu’à être réactivés. Autre aspect positif : est-ce le hasard ou pas, mais au gré des rencontres, nous voyons bien des initiatives d’autres manières de vivre : plus proches de la nature, plus communautaires, plus respectueuses des relations humaines et plus soucieuses d’authenticité et de convivialité. Ce qui rend aussi ces chroniques très vivantes c’est la grande place donnée aux « cabossés » de la vie qui, en jouant le jeu de l’hospitalité, contribue à soigner leur mal-être ou mal de vivre.
Et qu’importe en final, que cette recherche soit voulue ou pas et que la spontanéité ne soit pas aussi flagrante, il demeure une impression très favorable de vent de fraîcheur qui souffle sur cette émission, ce qui fait un bien fou par les temps qui courent.
Pour être dans la logique de cette émission, j’avais choisi de vous proposer la vidéo d’un épisode très local puisqu’il se déroule en Ille-et-Vilaine, le long de la Rance et du canal d’Ille-et-Rance. Malheureusement il n’était visible que jusqu’au 23 septembre. Mais pour vous consoler, j’ai une autre proposition à vous faire (au bas de l’article)
J’ai également trouvé une interview des deux concepteurs de cette émission, écoutons-les nous parler de cette aventure qui dure depuis plus de 10 ans maintenant :
Nans : « Sans vêtements, sans moyen de locomotion, nous sommes volontairement vulnérables. Cela nous plonge dans la nécessité de l’autre. Être dans le besoin de l’autre apporte autre chose et permet de faire de superbes découvertes. Car, en ayant besoin de l’autre, nous ne sommes jamais en terrain conquis. De fait, nous ne pouvons pas arriver avec des jugements préétablis sinon cela risque de tourner à l’échec. Oser choisir la vulnérabilité est donc notre manière à nous de voyager autrement. Pour nous, c’est partir nus et sans argent. Mais, pour d’autres personnes, cela peut simplement consister à se rendre dans un pays dont elles ne maîtrisent pas la langue. Là, quand on est vulnérable, le voyage devient magnifique. »
Mouts : « Nous ne sommes pas des militants au sens politique du terme. Pourtant, avec notre posture de vagabonds, nous portons un message humaniste. Il faut des espaces d’action, toutefois préalablement des espaces pour ressentir et réfléchir s’avèrent nécessaires. Sans dialogue, sans échange, la colère et la frustration deviennent de mauvaises réactions. La parole permet de réaliser qu’on n’est pas seul à ressentir, à expérimenter et à vivre telle ou telle émotion. Cela se révèle important à notre époque. Face à l’éco-anxiété, au changement climatique, il faut savoir que nous ne sommes pas seuls au fond de notre trou. Derrière le chagrin face à érosion de la biodiversité et le réchauffement, il y a une bonne nouvelle : nous prenons conscience de l’interdépendance du vivant et il est possible d’agir avec l’autre. S’en remettre à l’autre permet aussi d’aller au-delà de sa propre survie et donne l’opportunité de créer du partage et par extension des liens. »
P.S. : cet article était déjà rédigé quand j’ai regardé l’émission de cette série, intitulée « La spéciale », une rétrospective de 10 ans d’émission, plus de 500 accueil chez l’habitant, et des retrouvailles avec quelques personnes mémorables. Vraiment, c’est à voir (disponible jusqu’au 1er novembre) !
Cet article était prévu en parution le 28 août, soit la veille du départ de Joel et Jocelyne vers la 2ème partie de leur périple.
Mais compte tenu du décès de Marie-Annick, il a été décalé. A l’heure actuelle nos deux « Jojos » ont déjà parcouru une semaine de tandem dans les vignes et forêts du Sud Ouest et vous pouvez retrouver les détails de cette « descente vers l’Espagne » sur leur blog :http://europe-jojos-tandem.fr/ (signé Mireille)
D’ici quelques jours (à l’heure où j’écris ces lignes), nous reprenons la route : notre tandem, Jocelyne et moi pour la suite de nos aventures européennes. Les mois de juillet et août ont été l’occasion de goûter aux bons moments vécus en juin et de les partager avec notre entourage tout en se reposant. Mais aussi de préparer la suite. Après avoir longtemps tergiversé, nous avons décidé de nous inscrire dans la démarche du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle (puisqu’il est possible de le réaliser à pied bien sûr, mais également à cheval ou à vélo). C’est aussi un choix qui n’était pas évident pour Jocelyne, n’ayant aucune appétence pour toute démarche se situant sur un plan spirituel. Et je ne voulais pas la bousculer. Nous avons reçu les « credencials », donc à présent c’est parti !
Notre itinéraire qui va nous conduire de Cognac à Lisbonne emprunte trois des voies de ce célèbre chemin : route de Tours, le Camino del Norte (qui longe la côte atlantique de l’Espagne) et la Camino Portugues, même si – pour ce dernier – nous ne suivrons que ses variantes.
En Espagne, nous avons pris l’option de parcourir le Camino del Norte, la voie du Nord qui longe l’Atlantique du pays Basque à la Galice. Nous l’avons préféré au Camino Françès que certains dénomment l’autoroute à pélerins… Pour autant, ce ne sera pas une sinécure, puisque le relief est très accidenté le long de ce Camino del Norte.
Pourquoi ce choix ? Voici déjà quelques années j’ai lu avec grand intérêt le récit qu’en a fait le célèbre écrivain, Jean-Christophe Rufin qui s’intitule « Immortelle randonnée – Compostelle malgré moi ». Je l’ai relu en juillet et j’ai encore plus apprécié ce texte, où l’auteur relate son expérience le long de ce Camino del Norte avec beaucoup de lucidité, d’honnêteté et vivra, durant ces quelques semaines, une expérience humaine et spirituelle marquante. Ecoutons-le :
« Le pèlerinage est un voyage qui soude ensemble toutes les étapes de la croyance humaine, de l’animisme le plus polythéiste jusqu’à l’incarnation du Verbe. Le Chemin réenchante le monde. Libre à chacun, dans cette réalité saturée de sacré, d’enfermer sa spiritualité retrouvée dans telle religion, dans telle autre ou dans aucune. Reste que, par le détour du corps et de la privation, l’esprit perd de sa sécheresse et oublie le désespoir où l’avait plongé l’absolue domination du matériel sur le spirituel, de la science sur la croyance, de la longévité du corps sur l’éternité de l’au-delà. Il est soudain irrigué par une énergie qui l’étonne lui-même et dont, d’ailleurs, il ne sait pas très bien que faire. »
Et pour suivre les péripéties de notre voyage, voici le lien vers notre blog => europe-jojos-tandem.fr
Nous voici de retour à la maison, après un long voyage retour nous ramenant de Copenhague. Cela fait bizarre de refaire en 2 jours, ce que nous avons parcouru tranquillement en un mois. Comme une accélération brutale, qui vient percuter le rythme paisible qui était le notre, malgré les exigences de la randonnée vélo.
Pourtant, ce qui prédomine depuis notre retour – pour l’un comme pour l’autre – c’est de nous sentir bien dans notre corps et d’éprouver une joie sereine : celle d’avoir réussi notre défi malgré l’adversité et l’envie de nous projeter dès maintenant sur le 2ème tronçon en septembre vers Lisbonne.
C’est une aventure singulière que d’avoir vécu cette randonnée vélo durant tout ce mois de juin. Et une occasion de pratiquer en permanence, puisque – du fait de cette itinérance – je me suis trouvé quotidiennement dans une situation fluctuante, nécessitant des choix et une adaptation d’instant en instant : pour trouver notre route, chercher à manger, dénicher l’hébergement du soir, à vivre des étapes plus longues que prévues, à devoir s’adapter à des conditions météos changeantes, à un relief différent selon les régions, à côtoyer des langues étrangères (et pour ma part, cela m’a mis dans une situation de grande frustration), à subir certains incidents : notamment des problèmes de santé pour moi et Jocelyne, problèmes mécaniques qui ont failli interrompre notre voyage à Hambourg. Bref, un cocktail de situations que, globalement, j’ai plutôt bien vécu, parce que le goût du voyage, de la découverte et de la rencontre étaient prédominants. Et aussi parce qu’il était partagé avec Jocelyne qui, elle aussi, faisait preuve d’un optimisme et d’un courage à tout crin, et où notre complicité s’est encore trouvée renforcée. Certes, il s’agit là d’un raccourci qui mérite bien des nuances mais, globalement, j’ai vécu cette randonnée dans la joie, la bonne humeur et le plaisir, acceptant assez facilement les aléas, et donc au plus près de cet instant présent, le graal de tout chercheur spirituel. Ceci explique aussi que, depuis notre retour, je goûte à une sérénité qui est à la fois satisfaction d’avoir vécu une belle expérience et une belle énergie dans le corps, qui s’est musclé et renforcé lors de ce périple.
En résumé, je suis donc satisfait de cette randonnée vélo vers Copenhague, car j’ai apprécié la plupart des étapes, découvert des régions que je ne connaissais pas ou peu (y compris en France) et goûté la chance de vivre cette randonnée en grande proximité avec Jocelyne.
Et pour en revenir à la question des langues j’ai pu remarquer qu’à partir de Liège, le français ne sert plus à rien, hormis dans quelques exceptions. J’ai pu mesurer en la circonstance, combien mes carences dans les langues, y compris l’anglais, limitaient mes interactions avec les personnes rencontrées. Et j’admirais Jocelyne qui, elle, échangeait dans la langue de Shakespeare avec une grande aisance…
Nous avons parcouru 5 pays au cours de ces 2300 km, divisés en 23 étapes (ce qui donne direct la moyenne par jour !) et mes coups de cœur vont indéniablement aux Pays-Bas d’abord, et en second lieu au Danemark.
Les Pays-Bas, avec le manque de relief, sont pourtant un pays fascinant, paradis des vélos (mais à Amsterdam c’est un vrai danger public…), avec ses innombrables pistes cyclables. Un grand nombre longe les canaux et les villages coquets, ce qui donne une impression de grande tranquillité chez ses habitants et une nature bien préservée, dans un pays à la densité quatre fois supérieure à la France.
Le Danemark, quant à lui, m’a plu par sa proximité maritime permanente. Sans doute est-ce lié au fait que nous avons abordé ce pays par ses îles et non par sa presqu’île. Là aussi, beaucoup de zénitude chez ses habitants, y compris à Copenhague, même si – dans le trafic cycliste – comme à Amsterdam, il fallait rester vigilant devant la masse de vélos.
Parmi les villes parcourues, c’est pour Liège que j’ai eu le coup de cœur. Entre les sinuosités de la Meuse et les collines surplombant la ville, la « cité ardente » a su nous séduire, sans doute aussi parce que nous avions la chance d’avoir de bons guides touristiques…
Traverser des pays, même voisins, est une occasion de découvrir des modes de vie assez, voire très différents. Ce qui nous a surpris dès le passage en Belgique flamande, c’est la généralisation des pistes cyclables et des organisations urbaines différentes : pas de centres commerciaux en périphérie et peu de commerces en centre-ville. Parfois, nous avons vraiment galéré pour trouver des commerces d’alimentation et nous nous sommes même demandés comment pouvait bien faire les habitants.
Autre constatation voisine : pas ou peu de restaurants ou bars. En tout cas, guère de cuisine comme en France, et les restaurants qui ont pignon sur rue sont soit italiens ou chinois, soit standardisés comme ce MacDo que nous avons été bien contents de trouver avant de rallier notre hébergement près de Brème, isolé de tout en pleine nature (au demeurant superbe, voir ci-dessous).
Ainsi, à Copenhague, nous avons échoué chez un restaurateur originaire de Marseille, signe d’une culture gastronomique minimale dans ces pays du nord.
Par contre les glaces et la bière sont bonnes. Avec les premières chaleurs aux Pays-Bas, c’est devenu une habitude de déguster une crème glacée « ijsje » (affiché partout, ce mot m’a plu et j’ai continué de l’utiliser en Allemagne et au Danemark). Moi qui ne suis pas un consommateur de bière, j’ai aussi apprécié leur saveur rafraîchissante.
Globalement, nous avons bénéficié d’hébergements de qualité, aussi bien sur le plan confort que du côté relationnel. Cela oblige aussi à une adaptation permanente à des modes d’accueil quand même très différents entre les hôtels d’une part, et les chambres chez l’habitant d’autre part. Mais nous avons su faire preuve d’adaptation et le soir, bien fatigués, nous n’avions pas trop de mal à nous endormir, dès 20h30-21h parfois. Mais le matin, avec un lever du jour de plus en plus précoce (dès 4h au Danemark), nous étions à pied d’œuvre souvent très tôt.
Quelques belles rencontres ont jalonné ce périple. Le contraire serait surprenant. J’ai déjà évoqué la limite que pose la méconnaissance de la langue, néanmoins nous avons pu avoir de bons échanges avec quelques cyclo-randonneurs qui, à l’exception d’Alexandre – l’alsacien – sont tous étrangers, quelques belles rencontres de passage et un accueil chaleureux à Liège avec Jacques, Michèle, Alix et Jean-Claude ainsi que Dagmar, notre ange-gardien à Hambourg pour nous aider à régler notre problème de freins, qui a bien failli abréger notre voyage…
Une nouvelle fois, j’ai pu découvrir combien à vélo on se sent proche de la nature et combien d’émerveillement devant un cygne, des chevaux, ou face à des panoramas étonnants (comme le Mons Klint au Danemark, mon grand coup de coeur voir ci-dessous), devant aussi ces canaux et plans d’eaux bien aménagés, ces forêts très présentes, notamment en Allemagne.
Nous avons pu aussi mesurer les changements en cours : les milliers d’éoliennes, et les champs de panneaux solaires qui prolifèrent un peu partout que l’on soit en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et au Danemark. C’est rassurant de constater la place privilégiée occupée par les vélos dans tous ces pays, il faut dire que les infrastructures existent et que les habitants se les approprient.
D’ailleurs, on ne peut que constater la bonne évolution – dans ce sens – que connaît Paris, que nous avons traversé sans difficulté, grâce au réseau cyclable densifié ces dernières années.
Je ne voudrais pas terminer ce retour, sans évoquer ma partenaire.
Jocelyne m’a véritablement épatée. Jamais une plainte, juste une fois (un jour quand elle était malade) où elle m’a demandée : « C’est encore loin l’arrivée ? ». Son rôle n’était pas facile, car c’est elle qui avait le GPS en main et qui était chargée de prendre photos et vidéos. Comme c’était le même appareil qui gérait les deux fonctions, il fallait donc jongler subtilement pour ne pas se « dérouter ».
Ce voyage d’un mois a permis de constater combien nous étions en phase sur notre manière d’aborder nos étapes, de partager nos émotions, nos ressentis et parfois, d’amorcer des discussions sur bien des sujets.
Mais également aussi, le silence accompagnait nos coups de pédale (environ 500000 chacun…), et c’est dans doute dans ces moments-là que le partage était le plus intense…
En conclusion, je peux dire que ce premier tronçon reste encore un peu expérimental, même s’il donne déjà la tonalité de ce que l’on veut faire : se nourrir des impressions offertes par les paysages et la nature, se laisser bousculer par les aléas de la randonnée, s’ouvrir aux rencontres impromptues. Sans doute, avons-nous trop peu privilégié les dimensions mémorielles et culturelles, les étapes trop longues ne nous le permettant pas aisément. Mais, malgré cette réserve, je dois reconnaître que ce périple européen par tronçon est une bonne idée et que nous ferons tout pour le mener à son terme si la santé le permet.
Et j’ai hâte d’être au 29 août prochain pour repartir vers Lisbonne !
Ce texte est une retranscription partielle d’un article paru sur notre blog http://europe-jojos-tandem.fr/
Pour ceux que ça intéresse, Jocelyne s’est livrée au même exercice en rédigeant son propre bilan.
Dans la continuité du précédent article sur ce sujet de religion et spiritualité, cette fois c’est au frère John Martin de nous exposer de façon claire et lumineuse sa vision de l’une et de l’autre. Ce texte ne sera pas une surprise pour tous ceux qui étaient présents lors de sa récente venue, car durant ses interventions, à maintes reprises il s’est exprimé sur la distinction qu’il faut faire entre ces deux approches, l’une qui se situe dans la dimension temporelle et l’autre dans l’éternité même.
Je dois préciser que depuis longtemps cette distinction me taraude et, jusqu’alors, je n’avais jamais trouvé de réponse satisfaisante à cette interrogation, avant de vivre cette belle rencontre avec John Martin voici quelques semaines, qui m’apporte un éclairage puissant sur ces deux dimensions.
Alors grand MERCI à lui et à Anne-Marie et Yann pour l’avoir invité à la Bertais.
La spiritualité au-delà de la religion est un passage :
Du devenir au déploiement
De la loi à l’amour
Des croyances à pas de croyance
Des divisions à l’unité
Du libre-arbitre conditionné au véritable libre-arbitre
Du Dieu de l’autorité au Dieu de la liberté
Du Dieu de l’histoire au Dieu de l’éternité
Du Dieu des paroles au Dieu du silence
De l’Ecriture extérieure à l’Ecriture écrite dans le coeur
Du temps psychologique à l’état hors-temps
De la vie de stérilité à la vie de fécondité
De la violence à la paix
Des frontières à l’au-delà des frontières
De la voie extérieure à la vie intérieure
Du pays des chemins au pays sans chemin
Du voyage en bateau à la marche sur l’eau
Des vérités relatives à la plénitude de la vérité
De l’imitation mécanique à la manifestation créative
De la vacuité intérieure à la plénitude intérieure
De la conscience collective à la conscience universelle
De la hiérarchie spirituelle à la fraternité universelle
De loyauté / non-loyauté vers au-delà de loyauté / déloyauté
De la vie de récompense et de punition à la vie de liberté
Du salut après la mort au salut maintenant
De la vie de rêve à la vie d’éveil
De la culpabilité et de la peur à la liberté intérieure et à la joie
De la sécurité de la mort à l’insécurité de la vie
Du fardeau de la connaissance à la simplicité de la sagesse
De notre désir au désir de Dieu
De la souffrance intérieure au bonheur intérieur
De l’effort au repos intérieur
De ce qui a vie/mort à ce qui n’a pas de mort
Des attentes futures à la vie dans le présent
Du bien et du mal vers un au-delà du bien et du mal
De la vie fragmentée à la vie de plénitude
Du conflit à l’harmonie
De la compétition à la coopération
De la vie installée à une vie de pèlerinage
Du « je » au « nous »
De « ma vie » à « la vie de Dieu »
De mes « actions » aux « actions de Dieu »
De la vie profane à la vie sacrée
Des actions ordinaires aux rituels sacrés
De l’ego à l’absence d’ego
De la relation d’affaires aux relations de partage
De « la religion est le chemin, la vérité et la vie » à « Dieu est le chemin, la vérité et la vie »
Du renoncement au monde vers la manifestation joyeuse de la vie de Dieu dans le monde, par les relations.
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), un père jésuite français, est connu tout à la fois pour le développement d’une théologie originale et pour avoir poursuivi une carrière éminente de géologue et de paléontologue ; il était en particulier spécialiste reconnu des origines de l’homme. Homme de foi et homme de science, il présente une vision audacieuse de l’Évolution qui réconcilie foi et raison et qui dépasse la signification, trop restreinte à son sens, que lui confère Darwin. Teilhard laissera derrière lui une œuvre abondante, livres, lettres et articles qui ne sera publiée qu’après son décès en 1955 en raison d’un interdit prononcé par ses supérieurs religieux, et auquel il s’est toujours tenu. Sa vision chrétienne de l’évolution, articulée dans un langage pas toujours aisé à saisir, irradiera cependant la vie de l’Église, notamment lors du Concile Vatican II.
Ce religieux et homme de science (ce qui l’a amené à côtoyer les religions orientales, notamment en Chine) a écrit ce texte que je trouve magnifique et qui éclaire les distinctions entre religion et spiritualité. C’est vraiment lumineux et je comprends pourquoi Teilhard de Chardin fut un temps « censuré » par sa hiérarchie.
La religion n’est pas seulement une, il y en a des centaines
La spiritualité est une.
La religion est pour ceux qui dorment.
La spiritualité est pour ceux qui sont éveillés.
La religion est pour ceux qui ont besoin de quelqu’un pour leur dire quoi faire et qui veulent être guidés.
La spiritualité est pour ceux qui prêtent attention à leur voix intérieure.
La religion a un ensemble de règles dogmatiques.
La spiritualité nous invite à raisonner sur tout, à tout remettre en question.
La religion menace et fait peur.
La spiritualité donne la paix intérieure.
La religion parle de péché et de culpabilité.
La spiritualité dit : « Apprends de l’erreur ».
La religion réprime tout et dans certains cas elle se trompe.
La spiritualité transcende tout, elle vous rapproche de votre vérité.
La religion parle d’un dieu ; ce n’est pas Dieu.
La spiritualité est tout et, par conséquent, elle est en Dieu.
La religion invente.
La spiritualité trouve.
La religion ne tolère aucune question.
La spiritualité questionne tout.
La religion est humaine, c’est une organisation avec les règles des hommes.
La spiritualité est divine, sans règles humaines.
La religion est la cause des divisions.
La spiritualité unit.
La religion cherche à vous faire croire.
La spiritualité, il faut la chercher pour croire.
La religion suit les préceptes d’un livre sacré.
La spiritualité cherche le sacré dans tous les livres.
La religion se nourrit de la peur.
La spiritualité nourrit la confiance et la foi.
La religion vit dans la pensée.
La spiritualité vit dans la conscience.
La religion s’occupe de faire.
La spiritualité a à voir avec le Soi.
La religion nourrit l’ego.
La spiritualité conduit à transcender.
La religion nous fait renoncer au monde pour suivre un dieu.
La spiritualité nous fait vivre en Dieu sans nous renier.
La religion est un culte.
La spiritualité est méditation.
La religion nous remplit de rêves de gloire au paradis.
La spiritualité nous fait vivre la gloire et le paradis ici et maintenant.
La religion vit dans le passé et dans le futur.
La spiritualité vit dans le présent.
La religion crée des cloîtres dans notre mémoire.
La spiritualité libère notre conscience.
La religion nous fait croire à la vie éternelle.
La spiritualité nous rend conscient de la vie éternelle.
La religion promet la vie après la mort.
La spiritualité consiste à trouver Dieu dans notre intérieur pendant la vie et la mort.
Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle,
Nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine.
(cité dans le livret « RELIGION – Religions – Spiritualité » écrit par frère John Martin)
Certains le savent déjà, nous envisageons de réaliser – avec ma femme Jocelyne – un tour de l’Europe en tandem. Il s’agit d’un périple en plusieurs parties. Sur 6 années, nous traverserons les parties nord et nord-est du continent en juin de chaque année, et le sud et sud-est du continent en septembre. Au total, nous comptons parcourir plus de 20000 km et traverser 38 pays, y compris l’Ukraine et la Russie si la situation le permet en 2026 ou 2027 (date où est envisagée le passage). Pour 2022, c’est le tronçon Cossé-le-Vivien – Copenhague que sera parcouru du 31 mai au 30 juin, puis le tronçon Cossé – Lisbonne du 29 août au 29 septembre.
Nous avons à cœur de partager notre randonnée. Et pour ce faire, nous avons créé un blog qui – pour l’instant – contient deux articles : le premier est une présentation générale de notre aventure, tandis que le second explique les raisons qui nous poussent à entreprendre ce grand voyage à l’heure de la retraite. Vous pouvez le trouver en suivant ce lien : http://europe-jojos-tandem.fr/ Pour suivre ce blog, il vous suffit d’indiquer votre adresse mail dans la zone « Newsletter », ainsi vous pourrez suivre nos péripéties à raison de 2 articles par semaine.
Comme nous l’avons écrit :
« C’est un pari un peu fou que d’envisager un tel défi à l’automne de notre vie. Mais nous pensons avoir fait des choix raisonnables :
parcours échelonné sur plusieurs années ;
tandem équipé d’une assistance électrique ;
parcours jalonné de nombreuses haltes touristiques ;
hébergement confortable (en chambres d’hôte ou gites d’étape).
Néanmoins, cela reste un beau et grand challenge que nous abordons avec envie et détermination ! »
Parce que nous voulons donner du sens à ce périple, nous souhaitons soutenir une association qui nous tient à cœur : le Mémorial des Déportés de la Mayenne. Nous avons contribué à mettre en place ce lieu et, à présent, nous souhaitons l’orienter vers plus d’implication pour des actions pédagogiques et des initiatives en faveur de la Vigilance et de la Citoyenneté. C’est pourquoi nous avons mis en place une cagnotte de soutien : http://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/tour-d-europe-en-tandem avec un objectif de 1 € pour 1 km parcouru, soit environ 4000 € par année. Elle sera opérationnelle tout au long de ce notre randonnée.
Je ne manquerai pas de faire un retour après chaque “tronçon” pour – sans doute – y évoquer des considérations un peu plus spirituelles : en quoi une telle aventure peut se révéler un exercice grandeur nature sur le chemin ?
Beaucoup le savent déjà : je pratique le vélo assidument et réalise ainsi de belles randonnées aux quatre coins de France. Cet été, je n’ai pas dérogé à cette bonne habitude en parcourant les côtes bretonnes : le nord au mois de juin en 10 étapes et le sud en septembre également en 10 étapes. Soit un circuit total de 1800 km du départ au retour à mon domicile mayennais. Double particularité cette année : ce voyage a été réalisé en tandem et, celui-ci a été équipé d’une assistance électrique. Avec mon épouse, nous pratiquons le tandem depuis 10 ans, mais notre machine actuelle n’est pas classique puisqu’il s’agit d’un tandem « mixte » : position « assis » (le pilote) et devant « couché » (le passager). Ce tandem permet donc une grande proximité, et donne des sensations fortes, notamment dans les descentes (record à 70 km/h)…
Mais j’ai choisi, pour cet article, de ne pas m’attarder sur les *péripéties de cette randonnée, mais plutôt de vous partager quelques belles images prises en vision panoramique. Avec Jocelyne, nous nous sommes pris au jeu avec cette manière originale de restituer un paysage. Il nous semble plus proche de la vision oculaire, même s’il donne une image quelque peu déformée.
Pour que ce soit plus ludique, je vous propose de reconnaître les lieux ainsi présentées. Il n’y a rien à gagner, juste le plaisir d’une saine émulation :-).
Pour faciliter les choses, je vous indique (dans le désordre bien sûr) la liste de ces sites : St Malo, près du Cap Fréhel, site du Ménez Ham, pointe de Pen-Hir à Camaret, alignements de Kerzerho et dans la Brière. A vous de les remettre dans le bon ordre ! N’oubliez pas de double-cliquer sur l’image pour l’avoir en plein écran.
Et pour terminer, dans la catégorie « hors concours », une tentative avec le même personnage selon diverses humeurs 😆 Un indice permet de reconnaître le lieu…
* Pour ceux que cela intéresse, j’ai publié un court texte et quelques photos pour chacune des étapes sur ma page facebook.
« Quand cela m’est arrivé, je n’étais plus moi-même. » C’est cela le mal.
On est dépossédé de soi, au sens propre du terme as-sujetti, privé de soi comme sujet, comme acteur de sa vie. C’est pourquoi accepter la paternité de son acte, tout en étant conscient de l’avoir fait en n’étant pas complètement nous-mêmes, permet de sortir de sortir de l’assujettissement. Avouer sa peur permet de n’avoir plus peur de sa peur et ainsi de donner la possibilité d’être courageux.
Martin Steffens, né en 1977, est professeur de philosophie. Il est notamment spécialiste de la philosophe Simone Weil. Il publie des articles dans le quotidien La Croix et pour l’hebdomadaire La Vie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « Petit traité de la joie, consentir à la vie », « La vie en bleu » et « Rien que l’amour : repères pour le martyre qui vient ». Son dernier livre : « Rien de qui est inhumain ne m’est étranger. Eloge du combat spirituel »
La philosophie de Martin Steffens explore les différentes modalités du consentement, du Ja sagen (dire-oui) nietzschéen, au « fiat » biblique en passant par l’acquiescence chez Leibniz. La question au commencement de son œuvre est la suivante: ce qu’on ne peut changer, on peut au moins y consentir… mais comment faire pour que ce « oui » ne soit pas une résignation? (tiens, tiens, ça me rappelle un certain enseignement 🙂 )
Soucieuse de ne pas faire l’économie du tragique, la pensée de Steffens part de l’impossible contre quoi l’homme se heurte et propose, à partir de là, une traversée qui emprunte à la philosophie (Nietzsche, Simone Weil…), à la littérature (Léon Bloy, Hubert Selby Jr…) et à l’exégèse biblique.
Les thèmes abordés sont ceux du consentement : à la vie (Petit traité de la joie, 2011), à l’épreuve (La vie en bleu, 2014), au mal qui nous habite (Rien de ce qui est inhumain ne m’est étranger, 2016), ou à la mort (L’éternité reçue, 2017). Un court essai explore l’impossibilité de consentir, celui consacré à la violence (Rien que l’amour, 2015).
« L’humilité, c’est cette capacité à assumer sa finitude, à rencontrer sa fragilité, à accepter la finitude de ses savoirs. C’est en même temps la seule voie à travers laquelle on peut véritablement grandir. Il faut savoir poser un genou au sol pour faire l’expérience de la grandeur.
(…) Ce qui manque beaucoup à nos contemporains, c’est ce sens du genou à terre. La voie intérieure suppose cette inclination. Cette difficulté à retrouver le sens de l’humilité est préjudiciable du point de vue de la vie intérieure. »
(« Sources » n° 51 – page 23)
Reza Moghaddassi est le fils d’un iranien, musulman chiite, croyant et grand lecteur de poésie mystique persane et d’une mère française, issue d’une famille de paysans normands, de tradition catholique.
Reza Moghaddassi s’est tourné vers le bouddhisme après avoir rencontré à quatorze ans un grand maître tibétain. Professeur agrégé de philosophie et auteur de « La soif de l’essentiel », son second livre « Les murs qui séparent les hommes ne montent pas jusqu’au ciel » est une incitation subtile à bâtir des ponts au-dessus des murs. Il interroge notre rapport à la vérité dans une période où les convictions s’entrechoquent. « On ne possède pas la vérité, on est tout au plus possédé par elle », souligne le philosophe, qui cherche à sortir de l’opposition des contraires. Selon lui, si chacun détient la vérité, il n’y a plus de vérité. « Le chaos naît de l’incapacité, comme dirait Héraclite, de faire du jeu des contraires l’équilibre qui rend possible la splendeur du monde. »
En lisant ce texte, paru sur la page « Facebook » de Gilles Farcet, j’ai été profondément touché par le thème qui s’en dégage et qui rejoint assez ma démarche actuelle et les dynamiques à l’œuvre dans ma vie. Avec l’aimable autorisation de Gilles, je vous livre ces quelques lignes, certes un peu dérangeantes, certes un peu provocantes et pourtant si vraies dans le parcours de tout « apprenti-disciple » – même le plus sincère. Êtes-vous prêts pour ce grand dérangement ? Aptes à une déstabilisation salutaire ? Alors, gare au tangage…
« SE REEQUILIBRER OU CONSENTIR À LA DESTABILISATION ?
(nouvel extrait d’un livre « pédagogique » en cours d’écriture)
Quand nous abordons la démarche dite spirituelle, sommes nous bien conscients qu’elle nous promet de nombreux moments de déstabilisation ? Y sommes nous prêts ? Le voulons nous ?
A la vérité, et sauf exception, non, pas du tout. Nous ne venons pas à l’ashram, au dojo – sans parler des « stages, ateliers, etc- pour perdre mais pour acquérir.
Notre sincérité, encore une fois n’est pas en cause et n’est pas la question. Si sincères que nous puissions être dans notre intention de nous investir sur la voie, nous n’en sommes pas moins , très longtemps, bien naïfs.
En maintenant plus de vingt ans de transmission à divers degrés, d’abord en tant que collaborateur au sein de l’équipe d’Hauteville puis en tant que responsable à plein titre d’une sangha, j’ai vu quantité de personnes prendre part en toute sincérité aux activités de l’ashram- ou de l’espace de transmission quel qu’il soit.
Le fait est que, sauf rarissime exception, ces personnes ne se représentent pas du tout la voie en tant que processus de perte mais l’envisagent au contraire en termes de gain.
Peut être, si elles ont une certaine « culture « spirituelle, sont elles nourries de récits traditionnels dans lesquels le maître malmène quelque peu le disciple ou plutôt ses identifications ; peut être se délectent elles des fameuses épreuves infligées à Milarepa, des « chocs » dispensés par Monsieur Gurdjieff … Peut être trouvent elles magnifique la formule dans laquelle Swami Prajnanpad dit « arracher les masques » …
Reste que l’adhésion sincère à ces récits et à une formule comme celle là , par un de ces écrans de fumée que le mental produit si bien, n’est pas concrètement appréhendée comme s’appliquant le moment venu à soi -même. Ou alors de manière fantasmatique : je rêve que le maitre me bouscule, me remette en cause, je rêve d’une relation intense avec lui, sans pour autant être prêt à ce que ce soit réellement le cas. Si cela se produit effectivement, je me retrouve décontenancé, choqué, voire furieux, simplement parce qu’en pratique la « mise en cause » ne prend jamais la forme à laquelle je pouvais m’attendre dans mes rêves de saddhana intense. De fait, tel fut bien le cas pour moi …
L’immense majorité des personnes sincèrement investies auprès d’un enseignant spirituel digne de ce nom – ce qui n’est déjà pas rien ! – ont, pendant longtemps, parfois jusqu’au bout si le travail ne s’intensifie pas, l’impression que le maître et elle sont « d’accord ». Elles hochent la tête d’un air pénétré en écoutant le maître exposer le dharma, s’émerveillent de tout coeur des explications données, des horizons ainsi ouverts, et , se croient ainsi « en communion » avec lui, confondant communion et impression de trouver conforté dans sa démarche, ses opinions, ses valeurs… Et au final son image. « Je suis quand même et malgré tout quelqu’un de bien puisque je suis adepte de cet enseignement ».
« Le maître est vraiment merveilleux, il pense comme moi », observe avec humour Jacques Castermane pour pointer cette phase dans la relation à l’enseignant.
Il n’est donc pas exagéré d’affirmer qu’à ce stade , et tant que ce stade dure – étant entendu que certains ne vont jamais au delà- la démarche dite spirituelle consiste paradoxalement en une sorte de rééquilibrage permanent. Mes séjours à l’ashram, mes méditations, mes interactions dans ce cadre, ne cessent de me faire me sentir conforté, encouragé, validé.
Et pourquoi pas ? Sans doute cette phase est -elle nécessaire. Rarissimes sont celles et ceux qui seraient d’emblée aptes à tirer profit d’une déstabilisation.
Il en va ainsi de la relation à l’enseignant spirituel comme d’une histoire d’amour : si attraction il y a , les premiers temps sont idylliques. Premiers temps susceptibles de se prolonger bien au delà de ce que dure a priori la phase idyllique d’une relation amoureuse. Le maître est merveilleux, sa sagesse fait mon admiration , je souscris à tous ses propos, sa compassion me fait fondre…
Si quelques notes désagréables viennent quelque peu perturber cette harmonie, la dissonance n’est pas perçue comme émanant du maître lui même mais de son entourage.
Durant mes années à Hauteville, j’ai vu des personnes porter Arnaud aux nues tout en vouant aux gémonies tel ou tel de ses plus proches collaborateurs qui avait eu le malheur de leur déplaire. Les personnes en question ne voyaient aucune contradiction entre la confiance totale qu’elles proclamaient envers le maître et la défiance , voire le rejet que leur inspirait un ou des membres de son très proche entourage pourtant clairement investi par lui d’une responsabilité. Non que quiconque, y compris les responsables en question, ne se soit prétendu infaillible ; mais c’était remarquable de constater à quel point une personne dérangée à tort ou à raison par un propos ou une intervention d’un collaborateur ne trouvait pas incohérent de déclarer le dit collaborateur parfaitement incompétent et indigne de sa fonction. Sans entrevoir que le maître, celui là même qu’elle estimait en tous points fiable, devait être bien aveugle ou négligent pour ne pas avoir conscience d’être assisté d’individus inaptes , voire dangereux …
Sans entrevoir non plus l’arrogance qu’il y avait de leur part à s’estimer à même de juger sans appel de la compétence ou incompétence d’un disciple engagé depuis fort longtemps sur la voie et y ayant voué sa vie.
Bref, le mental n’étant pas une contradiction près, les ashrams et autres lieux consacrés à la voie spirituelle sont peuplés de gens convaincus d’être profondément investis tout en n’étant pas du tout prêts à la moindre remise en cause quelque peu conséquente.
Représentons nous le propriétaire d’un appartement se proclamant très désireux que son logis soit refait de fond en comble mais sans prendre en compte l’étape , certes peu plaisante, des travaux … Tel est souvent le positionnement des aspirants à « la sagesse » : ils s’émerveillent en se représentant les améliorations promises à leur chez soi mais protestent au premier grain de poussière ou dérangement de leur espace familier.
Bien sûr il demeure tout à fait possible de fréquenter assidûment un lieu spirituel tout en restant « planqué », cela sans même en avoir clairement conscience.
Dans ces cas là, le « travail » ne commence jamais vraiment. Tout au plus y a -t-il imprégnation de « valeurs » et d’influences. On ne peut alors pas parler de « travail » mais d’adhésion philosophico-religieuse. Le fait est que pour beaucoup, « la voie » n’est dans les faits pas une voie mais une forme de religion , d’idéologie dont on se réclame et qui peut avoir au moins le mérite d’éclairer quelque peu l’existence, même si dans ce cas là la prétention d’être au dessus du lot commun est bien vite arrivée …
La seule déstabilisation susceptible de se produire alors qu’une dynamique de réel « travail » n’a pas encore commencé sera superficielle et surviendra la plupart du temps de manière plus ou moins fortuite dans le cadre d’un processus collectif. Une réponse donnée par l’enseignant(e) lors d’une réunion à une autre personne peut susciter une vive réaction chez un membre de l’assistance à qui elle n’était pourtant pas du tout destinée. Parfois ce peut être une simple coutume, un aspect du protocole du lieu, une manière qu’a l’enseignant de s’exprimer qui ne correspond pas à l’idée très arrêtée que l’on se fait de « la spiritualité »…