Auteur/autrice : Noël Frot

  • La question tibétaine & le blog de Matthieu Ricard

     

    En cherchant sur internet des photos de Matthieu Ricard, je suis tombé un peu par hasard via le web de France Culture sur une émission récente que j’ai trouvé intéressante. Il s’agit de l’émission « Affaires étrangères » de Christine Ockrent du 20 avril 2013, qui s’appelle « La question tibétaine ».

    Vous pouvez écouter cette émission : ici

    Voici la présentation de l’émission :

    Et puis voici trois extraits du blog de Matthieu Ricard : deux photos et « une pensée de la semaine » qui est entrée en résonance avec mon état d’esprit du moment. Chaque jour, et généralement plusieurs fois par jour, la vie me confronte à des évènements qui me semblent être agréables ou désagréables. Je n’ai pas le choix, c’est là, il me faut goûter et intégrer cela.

    Le blog de Matthieu Ricard est : ici

     

    Jeunes filles nomades ayant participé à des danses traditionnelles, Tibet oriental, juin 2013 – crédit photo : Matthieu Ricard

     

    « L’alternance des pensées de bonheur et de souffrance, de désir et d’aversion, n’est rien d’autre que le jeu de la lumineuse vacuité de l’esprit .
    Sans altérer ce qui se manifeste, contemples-en la nature, et tu le percevras comme grande félicité. »
    MINLING TERCHEN GYURME DORJE (1646-1714)

     

    Deux moines tibétains devant un paysage du Tibet oriental, juin 2013 – crédit photo : Matthieu Ricard

     

    définitions de « vacuité » : ici et de « Śūnyatā » : ici

     

  • Mandalas – 5 et haïkus

     

    Voici nos mandalas du « samedi d’Anne-Marie » du mois de juin, le dernier de la saison.

    Aucune consigne particulière pour ces mandalas. La trame de base est la même.

    Ils sont accompagnés de quelques haïkus écrits par les membres du groupe lors de ce samedi et donc issus de nos ambiances intérieures et de l’ambiance de la Bertais.

     

     

    demoiselle, des ailes

    de moi à elle, elle et moi

    ses ailes, émoi, c’est toi

     

    ***

     

    trouble au fond des bois

    la digitale s’illumine

    un héron s’envole

     

     

    vivre dans l’instant

    le chapelet de ma vie

    un bouddha couché

     

    ***

     

    un bourdonnement

    du vent qui bruisse dans les feuilles

    le chant d’un oiseau

     

     

    lâcher pour le fils

    aussi lâcher les parents

    enfin lâcher prise

     

    ***

     

    explosion silencieuse

    célébration joyeuse

    la vie partout

     

     

    fleur offerte aux sens

    l’insecte joue léger avec le vent

    naissance de l’instant

     

     

    les oiseaux chantent

    d’où cela vient-il ?

    dit le Silence

     

    les oiseaux volent

    d’où cela vient-il ?

    dit l’Immobilité

     

    les oiseaux sont

    d’où viennent-ils ?

    dit le Vide

     

    et toi Yann

    d’où viens-tu ?

    demandent les trois en coeur

     

     

    cabane dans les arbres

    au loin s’étend le maïs

    farandole d’été

     

     

    oisillons tombés du nid

    ainsi va la vie

    et bourdonnent les digitales

     

    ***

     

    l’oiseau chante. du vent

    danse des herbes, fleurs, soleil

    tige libre. là

     

    ***

     

    Vous souhaitez participer aux samedis d’Anne-Marie ?

    Une expérience singulière et dense.

    C’est possible. Prenez contact avec Anne-Marie !

     

  • Huitres façon tandoori

     

    Voici une tentative personnelle pour créer un pont culinaire entre la Bretagne et l’Inde.

    Je vous propose une recette d’huîtres au four façon tandoori.

    Les quantités indiquées correspondent à une plaque de four taille standard recouverte d’huîtres.

    De très grosses huîtres pourront tout à fait convenir, de même que des « huîtres d’été » qui peuvent être très laiteuse, car une préparation d’huîtres cuites n’a rien à voir avec des huîtres crues. La taille et la laitance y sont beaucoup moins perceptibles pour les personnes qui y sont sensibles.

    Préparation des huîtres :

    – Ouvrez les huîtres, décrochez les huitres de leurs coquilles et gardez ces huîtres de côté sans leur eau/jus, mais conserver aussi un peu d’eau/jus  d’huître à part.

    – Couvrez votre plaque de four des parties creuses des coquilles. (Je les place sur de la feuille d’aluminium chiffonnée pour qu’elles ne basculent pas)

    – Vous allez pocher les huîtres dans du lait : versez du lait dans la casserole (suffisamment pour que les huîtres soient recouvertes lorsqu’elle seront plongées dans le lait) ; faites chauffer le lait ; dès que ça commence à bouillir, versez vos huîtres dans la casserole ; laissez environ 1 minute, puis coupez la source de chaleur ; vous pouvez alors laisser vos huîtres dans le lait, éventuellement jusqu’au moment du dressage.

    – Egouttez les huîtres, puis placez les une par une dans les coquilles sur la plaque

    Préparation de la garniture :

    – Ingrédients : mélange d’épices tandoori, 1 très grosse échalote ou 2 moyennes, 2 gousses d’ail, 1 carotte, 1/4 ou 1/3 de poivron rouge, poivre, 1/3 de verre de bière ou de blanc sec et 200 ml de lait de coco.

    – Faites revenir dans une poêle la carotte râpée, le poivron épluché et émincé, l’échalote et l’ail émincée, de une à deux cuillères à soupe d’épices tandoori, du poivre. Lorsque c’est bien revenu, mais pas grillé (attention à l’échalote et l’ail), mouillez avec la bière ou le vin blanc. Laissez revenir un tout petit peu. Puis versez le lait de coco et mélangez bien, puis couper le feu. Si vous pensez être un peu juste au niveau quantité pour remplir toutes vos huitres, vous pouvez rallonger un peu avec du jus d’huitre que aviez mis de côté. En général, il n’y a pas besoin de saler, surtout si vous avez rajouté du jus d’huitre. Goûtez et rectifiez l’assaisonnement si besoin (épices, poivre…)

    Dressage :

    – Répartissez votre garniture dans vos huîtres, disposez un peu de coriandre fraîche ou de ciboulette émincée sur les huîtres, puis pour faire comme une chapelure, un peu de germes de blé ou de la biscotte écrasée.

    – Passez au four en position grill. Faites dorer/griller légèrement. Pas trop car tout est déjà cuit.

    – Et dégustez bien chaud ! Avec un petit verre de vin blanc sec bien frais ? What else ?!…

     

  • Mandalas – 4

     

    Voici les mandalas réalisés par le groupe lors du « samedi d’Anne-Marie » du mois de mars.

    La consigne était d’utiliser une seule couleur, mais qui pouvait être déclinée sur plusieurs nuances.

     

     

     

     

     

     


     

     

    Voici l’article wikipedia sur le mandala : ici

     

    « Je savais que j’avais atteint, avec le mandala, l’expression du Soi, la découverte ultime à laquelle il me serait donné de parvenir. »   C.G.Jung

     

     

  • Jean-Claude Amaisen – L’empreinte du danger

    Peut-être connaissez-vous, sur France Inter le samedi matin, l’émission « Sur les épaules de Darwin » de Jean-Claude Amaisen ? J’ai trouvée celle de ce samedi 25 mai particulièrement intéressante, non seulement pour elle-même parce que Jean-Claude Amaisen, médecin et biologiste, est un excellent vulgarisateur scientifique à la voix envoutante, mais aussi parce que les thèmes évoqués ce jour-là ont fait résonner l’oreille de l’apprenti disciple.

    Cette émission n’est ni une émission spirituelle, ni un enseignement, et elle est plutôt basée sur des articles et des essais scientifiques de médecine, biologie, neurosciences, mais on y entendait parler ce samedi d’émotion, peur, souffrance, douleur, pensée, expérience de la réalité, conscience, ressenti, projection, etc… Toutefois, je vous conseillerais, au moment d’une première écoute, de ne pas essayer de faire des parallèles ou des comparatifs avec notre enseignement et son vocabulaire. Je dis cela parce que je me suis surpris à le faire au début, et puis je me suis rendu compte que cela parasitait mon attention et l’intérêt de cette émission, passionnante en elle-même pour m’aider à mieux comprendre mon fonctionnement d’être humain. Je pense qu’ensuite il pourrait être intéressant de faire une mise en résonance avec l’enseignement de Swâmi Prajnanpad et Arnaud Desjardins, et là c’est Yann qui pourrait s’y coller !

     

    Bonne écoute à vous. Pour aller écouter cette émission, qui dure 54mn, c’est ici

     

    Voici le texte en préambule de cette émission du 25 mai :

    «Il y a toujours ce qui deviendra la vie que nous menons, et la vie qui l’accompagne, la vie parallèle, qui n’est en fait jamais advenue, que nous vivons dans notre esprit. Nous les appelons nos vies non vécues, parce que quelque part nous croyons qu’elles nous étaient ouvertes, mais pour certaines raisons, et nous pourrions passer une grande part de notre vie vécue à essayer de découvrir et d’exprimer ces raisons, elles n’étaient pas possibles.  Et ce qui n’était pas possible devient alors aussi, très simplement,  l’histoire de nos vies. Nous  ne pouvons imaginer nos vies sans les vies non vécues qu’elles contiennent. Et ainsi, nos vies sont aussi définies par une perte, mais par la perte de ce qui aurait pu avoir lieu, par la perte, en d’autres termes, de ce dont nous n’avons jamais fait l’expérience.

    Adam Phillips. La meilleure des vies. [Missing out. In praise of the unlived life.]»

     

    Et voici la présentation par Télérama d’un livre tiré de l’émission « Sur les épaules de Darwin ». Elle donne un bon éclairage sur l’émission :

    «Médecin et biologiste, tout nouveau président du Comité consultatif national d’éthique, Jean Claude Ameisen est en outre conteur : voici deux ans que, sur France Inter, chaque samedi matin, usant de « la langue des contes », il convoque et entremêle savoir scientifique et poésie pour parler de l’univers et de la place qu’y occupe l’homme. Il y a quelque chose d’unique, d’exceptionnel, dans cette entreprise orale, à laquelle Jean Claude Ameisen parvient aujourd’hui à donner une forme écrite qui, de la même façon, tisse ensemble les acquis de la connaissance humaine et les intuitions des poètes, partant de la certitude qu’entre les deux il n’est pas de hiatus, mais, au contraire, une complémentarité évidente et féconde. Qu’Ameisen évoque la naissance de l’Univers, la Terre à l’ère de la protohistoire, la mémoire ou le rêve en les inscrivant dans le fonctionnement cérébral, ou encore ce que la vie des oiseaux, leurs couleurs et leurs migrations disent de l’homme et de ses perceptions sensorielles… toujours, aux arguments scientifiques, s’articulent les méditations de T.S. Eliot, Pascal Quignard, Lucrèce, Paul Celan, Borges, tant d’autres encore, qui irriguent la réflexion du conteur, lui ouvrent des chemins. « Nous n’avons toujours pas découvert ce que signifie « être humain » », écrit le Nigérian Ben Okri, cité par Ameisen. C’est sur cette voie qu’avancent scientifiques et poètes, et qu’avance avec eux Ameisen, posant le pied en des territoires où on respire souvent quelque chose comme l’air du sacré, au sens que Jung donnait à ce terme : « Ce qui saisit l’individu, ce qui, venant d’ailleurs, lui donne le sentiment d’être. »

    Le 08/12/2012
    Nathalie Crom – Telerama n° 3282»

  • Les humains – 2

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Les humains – 1

     

    Il m’est toujours plus facile de prendre en photo des paysages, des animaux, des fleurs, des natures mortes,

    mais ici, en conscience, j’ai essayé de saisir quelques humains, quelques regards, quelques sourires,

    de communier.


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Haïku – filiation



    de l’amour enfoui

    à la lisière de mes rêves 

    une poussière d’or

     


  • Des yeux d’or – Christian Bobin

     

     

            Deux choses importantes sont arrivées aujour­d’hui. J’ai tout de suite su qu’il n’y en aurait pas d’autres. À deux heures de l’après-midi c’était plié. Deux émerveillements c’est beau­coup pour un seul jour, non ? Le premier mira­cle c’était la tête du cheval brun chocolat enfoncée dans l’herbe haute noyée de boutons d’or. L’animal mangeait, éclaboussé d’or et d’émeraude. Manger est un travail sérieux. Sérieux et rêveur à la fois. J’étais si heureux de le voir. Allons, le ciel ne s’effondrerait pas encore ce jour-là puisqu’un sage à tête de cheval mâchait la lumière verte mouillée de pièces d’or. Cette vision avait quelque chose de religieux. La vie banale était tranquillement soulevée au-dessus d’elle-même. Il y a dans la nature les fragments d’un alphabet ancien, des morceaux de lettres capitales, des ruisselets d’italiques, de grands espacements bleus de silence. Et parfois, par on ne sait quelle grâce, plusieurs lettres s’assemblent, des mots apparaissent avec ce qu’il faut entre eux de silence respirant — une phrase est tracée. Vous la voyez, vous la lisez, elle ne reste pas en place, elle s’efface très vite. Le cheval brun, sa tête plongée dans l’or et les herbes dociles, composait une phrase infiniment rassurante sur la vie. Vous voyez, cet attendrissement qu’on a devant la naïveté d’un tout petit enfant, cette sorte de courant d’air qui traverse le cœur à la vue de l’enfant confiant — eh bien l’ange à crinière et grand appétit d’or, sa vision engendrait dans mon cœur le même genre de brise. Je ne contem­plais — entendons-nous bien — qu’un cheval lourd, mastiquant de l’herbe engraissée par des jours et des jours de pluie. Mais, et le miracle est là, dans la même vue je découvrais un ange mangeur d’étoiles, un moine des heures oisi­ves, la preuve que la vie n’était pas fâchée avec nous, qu’elle n’avait jamais été aussi proche, immatérielle, impalpable, verte et jaune avec son portier nonchalant à tête de cheval. Vous savez, des fois je me demande si je suis normal. La réponse est non. Mais la réponse ne m’in­quiète pas. Ce qui compte c’est la puissance de la joie qui éclate à la vitre de nos yeux. Une apparition, une seule, et tout est sauvé. Alors, pensez, deux. Car il y a eu, après la paix fabu­leuse incarnée par le cheval mâchant, une deuxième rencontre : un bouquet de pois de senteur sur la table. Des fleurs bleues et rosés, une haleine divine, des fantômes aristocrates, la légèreté d’un chagrin d’amour. Le miracle, met­tons cette chose au point, est toujours en deux temps : d’abord il y a la vie plate, incontestable. Ces pois de senteur, je les avais ramenés moi-même à la maison. Je trouvais leurs fleurs belles, mais sans plus. Le miracle arrive dans un deuxième temps, quand s’éveille ce qui dormait sous nos yeux, quand ce qui surgit de la vie crève nos yeux et les remplace par des yeux d’or. Ils s’ouvrent et d’un seul rayon brûlent les apparences de la vie comme celles de la mort. Enfin on voit, enfin on sait même s’il est très difficile de dire ce que l’on sait, ce que l’on voit, cheval ou pois de senteur. Je précise ceci au sujet des fleurs bleues et rosés : je les ai sou­dain connues si délicates que je n’ai pu les regarder en face très longtemps. La pureté est un soleil plus dur que le soleil. Il n’y a pas de jour où je ne reçoive une leçon merveilleuse­ment éprouvante. Des yeux d’or poussent sous mes paupières. Je regarde à travers eux, très vite, ça ne dure pas. Le cheval redevient cheval et la fleur fleur. Les yeux d’or se fanent ou me sont enlevés — comme on enlève les yeux de billes de la tête d’un baigneur. Reviennent les yeux de chair et la vie normale. Normale ?

    l’homme-joie   –  Christian Bobin  (L’Iconoclaste)

     

     

  • Mandalas – 2 & 3

     

    Voici, dans un premier temps, les mandalas du samedi d’Anne-Marie de décembre.

    Nous avions comme consigne de n’utiliser que deux couleurs.

     

     

     

     

     

     

     

    Et voici ceux du samedi de janvier.

    Le premier a été réalisé par le groupe.

    Les suivants sont les mandalas individuels, sur la base d’un motif identique.

    La consigne était de n’utiliser que des crayons de couleur. (pas de feutre)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • L’homme-joie – Christian Bobin

     

     

              Partons de ce bleu, si vous voulez bien. Partons de ce bleu dans le matin fraîchi d’avril. Il avait la douceur du velours et l’éclat d’une larme. J’aimerais vous écrire une lettre où il n’y aurait que ce bleu. Elle serait semblable à ce papier plié en quatre qui enveloppe les dia­mants dans le quartier des joailliers à Anvers, ou Rotterdam, un papier blanc comme une chemise de mariage, avec à l’intérieur des grains de sel angéliques, une fortune de Petit Poucet, des diamants comme des larmes de nouveau-né.

              Nos pensées montent au ciel comme des fumées. Elles l’obscurcissent. Je n’ai rien fait aujourd’hui et je n’ai rien pensé. Le ciel est venu manger dans ma main. Maintenant c’est le soir mais je ne veux pas laisser filer ce jour sans vous en donner le plus beau. Vous voyez le monde. Vous le voyez comme moi. Ce n’est qu’un champ de bataille. Des cavaliers noirs partout. Un bruit d’épées au fond des âmes. Eh bien, ça n’a aucune importance. Je suis passé devant un étang. Il était couvert de len­tilles d’eau — ça oui, c’était important. Nous massacrons toute la douceur de la vie et elle revient encore plus abondante. La guerre n’a rien d’énigmatique — mais l’oiseau que j’ai vu s’enfuir dans le sous-bois,  volant entre  les troncs serrés, m’a ébloui. J’essaie de vous dire une chose si petite que je crains de la blesser en la disant. Il y a des papillons dont on ne peut effleurer les ailes sans qu’elles cassent comme du verre. L’oiseau allait entre les arbres comme un serviteur glissant entre les colonnes d’un palais. Il ne faisait aucun bruit. Il était aussi simplement vêtu d’or qu’un poème. Voici, je me rapproche de ce que je voulais vous dire, de ce presque rien que j’ai vu aujourd’hui et qui a ouvert toutes les portes de la mort: il y a une vie qui ne s’arrête jamais. Elle est impossi­ble à saisir. Elle fuit devant nous comme l’oiseau entre les piliers qui sont dans notre cœur. Nous ne sommes que rarement à la hau­teur de cette vie. Elle ne s’en soucie pas. Elle ne cesse pas une seconde de combler de ses bienfaits les assassins que nous sommes.

              L’étang fleurissait sous le ciel et le ciel se coif­fait devant l’étang. L’oiseau aux ailes prophéti­ques enflammait la forêt. Pendant quelques secondes j’ai réussi à être vivant. J’ai conscience que cette lettre peut vous sembler folle. Elle ne l’est pas. Ce sont plutôt nos volontés qui sont folles. Je veux ici parler simplement de ce qu’on appelle une «belle journée», un «ciel bleu». Ces expressions désignent un mystère. Un couteau de lumière dont la lame fraîche nous ouvre le cœur. Nous sommes enfouis sous des milliers d’étoiles. Et parfois nous nous en apercevons, nous remuons la tête, oh juste quelques secondes. C’est ce que nous appelons du «beau temps».

              J’imagine quelqu’un qui entre au paradis sans savoir que c’est le paradis. Il a des inquié­tudes, des projets. Il est très occupé. Un bruit de fer, un cliquetis d’épées l’accompagne. C’est si banal, la guerre. Et puis tout d’un coup il y a une lumière de neige sur un étang, et un oiseau aux ailes d’or fracasse les murailles du monde. C’est quelque chose d’inespéré. Quelques secondes suffisent, n’est-ce pas, pour vivre éternellement. «Nous sentons et nous éprouvons que nous sommes éternels » : cette pensée de Spinoza a la douceur d’un enfant endormi à l’arrière d’une voiture. Nous avons, vous et moi, un Roi-Soleil assis sur son trône rouge dans la grande salle de notre cœur. Et parfois, quelques secondes, ce roi, cet homme-joie, descend de son trône et fait quelques pas dans la rue. C’est aussi simple que ça.

              Je n’aime que les livres dont les pages sont imbibées de ciel bleu — de ce bleu qui a fait l’épreuve de la mort. Si mes phrases sourient c’est parce qu’elles sortent du noir. J’ai passé ma vie à lutter contre la persuasive mélancolie. Mon sourire me coûte une fortune. Le bleu du ciel, c’est comme si une pièce d’or tombait de votre poche et qu’en l’écrivant je vous la ren­dais. Ce bleu en majesté dirait la fin définitive du désespoir et ferait monter les larmes aux yeux. Vous comprenez ?

    l’homme-joie – Christian Bobin (L’Iconoclaste)

     

     

    « J’essaie de vous dire une chose si petite que je crains de la blesser en la disant. »

    Il y a quelques jours, ce mouton et ces feuilles ont été pour moi l’oiseau et les lentilles d’eau de Christian Bobin.

    Il me semble que les mots et les images ruissellent, tels de purs diamants, de la plume et du coeur de cet homme.

    Noël

     

  • Des chats et des hommes

     

     

    Attrapez un chat, il s’en va, ne vous en occupez pas, il saute sur vos genoux.

    Tout désir est un frein à l’obtention de ce désir, c’est ce qu’enseignent la Bhagavad-Gîta… et les chats.

     

    Edito – Léo Lechat  /  Infos Yoga nov-déc 2012

     

     

     

  • Rester conscient dans la tempête – Véronique Desjardins

    Ce texte est la transcription du témoignage de Véronique Desjardins, donné lors du forum Terre du Ciel « Rester debout dans la tempête » en novembre 2012. Il est paru dans le dernier numéro de la revue Source, actuellement encore en vente et aussi disponible à La Bertais…

     


    Rester conscient dans la tempête

    par Véronique Desjardins

    En ce qui me concerne, la tempête n’est pas quelque chose qui appartient au passé, je suis encore dedans. Une personne m’a demandé : « Votre deuil est-il terminé ? » Non. Une autre, ce matin, m’a posé cette question : « Êtes-vous encore dans la tempête ? » Oui. Mon témoignage va donc être un peu particulier, parce que je ne parlerai pas d’une étape révolue, comme si je pouvais vous dire : « Voilà comment on chemine et voilà comment on en sort». Mon propos sera plutôt : « Voilà comment je traverse ce deuil. » J’ai connu Arnaud Desjardins à l’âge de vingt-et-un ans. Je me suis adressée à lui en tant que maître spirituel et, treize ans plus tard, notre relation a changé de nature : nous sommes devenus compagnons, puis mari et femme. Comme le disait tout à l’heure Alain Chevillat, j’ai en effet été très proche d’Arnaud pendant vingt-cinq ans et je redoutais beaucoup sa disparition, parce que vivre avec quelqu’un de l’envergure d’Arnaud, c’est recevoir une nourriture quotidienne extrêmement particulière, dont je me suis trouvée brutalement sevrée. Si l’on ajoute à cela que ma mère était morte un an auparavant et que mon père est mort quinze jours après Arnaud, que je n’avais donc plus de parents, plus de conjoint, ni frère ni sœur, et pas d’enfant, on com­prendra que je me suis retrouvée brusquement dans un désert affectif. De plus, dans mon his­toire personnelle, la faille majeure, ce sont les abandons de ma petite enfance. Cela vous donne un panorama de l’épreuve que j’ai eue à traverser.

    ( crédit photo : http://path-of-transformation.com – conférence en 2008 )

    Qu’est-ce qui m’a aidée ? En tout premier lieu, c’est l’intention. J’ai un souvenir très précis à cet égard. Quand Arnaud était à l’hôpital, à un moment où il y avait une très grande incerti­tude quant à sa survie, je me suis approchée de la fenêtre de sa chambre et j’ai pris la décision que je traverserais l’épreuve, décision que j’ai eu à renouveler plusieurs fois par la suite. Comme de nombreuses personnes, je suis alors entrée assez vaillamment dans le deuil. Il y avait aussi une continuité à assurer. Arnaud avait beaucoup préparé ce qu’il appelait lui-même « l’après-Arnaud ». Il avait formé autour de lui plusieurs personnes pour prendre la relève, dont moi, et nous nous sommes donc mobilisés pour que ceux qui avaient fait appel à Arnaud ne soient pas laissés dans le vide, puissent continuer d’être accueillis et de recevoir une aide dans ce lieu qu’il avait investi de son énergie. Et donc, au milieu des grandes tempêtes émo­tionnelles du deuil, je suis restée à peu près debout pendant neuf mois. Et puis, suite à un voy­age en Chine que j’avais fait pour me faire du bien, je suis tombée malade dès mon retour ; une pneumopathie, affection des poumons, maladie de la tristesse. Et là j’ai vécu un « effon­drement salutaire », c’est-à-dire que j’ai vraiment atterri dans le deuil, toute l’intensité du deuil. J’ai aussi été acculée à prendre une décision que je n’avais pas encore prise. Jusque-là, j’avais continué sur la lancée dans le centre fondé par Arnaud à Hauteville. J’avais assumé, avec d’autres, tout ce qui était en mon pouvoir afin que l’héritage spirituel d’Arnaud soit disponible pour ceux qui continuaient de frapper à notre porte et de nous faire confiance. Et là, justement, je ne pouvais plus assumer, j’étais malade, et cela m’a obligée à admettre ce que je sentais depuis la mort d’Arnaud ; il fallait que je trouve ma propre forme, c’est-à-dire la manière dont j’allais à présent vivre, témoigner, avec ma voix propre. Une très grande demande pour, peut-être, devenir encore plus moi-même, terminer ce qui n’avait pas pu l’être d’un certain processus d’individuation.

    J’ai dû aussi traverser ce que Swâmi Prajnânpad, le maître d’Arnaud, appelait le « maillon faible ». Il disait : « Aucune chaîne n’est plus forte que le plus faible de ses maillons. » Même si une chaîne est très solide, si elle a un maillon faible, c’est là qu’elle va casser. Eh bien, avec le deuil d’Arnaud, j’ai été précipitée dans mon maillon faible. On peut appeler cela la part d’ombre mais, quel que soit le nom qu’on lui donne, j’ai la conviction que tout cheminement authentique, à un moment ou à un autre, va nous confronter à ce que nous n’avons pas encore pu assumer en nous, là où nous ne voulons surtout pas aller.

    Qu’est-ce qui m’a aidée à traverser ce désert aride ? Bien sûr, tout ce que j’avais engrangé pen­dant trente-sept ans de cheminement intérieur auprès d’Arnaud Desjardins. J’aurais aimé pou­voir vous dire : « Grâce à ces trente-sept années, le deuil d’Arnaud est passé comme une lettre à la poste. » Non, cela n’a pas du tout été le cas. Au contraire. Je crois aussi que l’inconscient, ou tout ce qui n’est pas traité en nous, ne se révèle que peu à peu. Et sans doute le maillon le plus faible attend-il son heure, attend qu’on soit suffisamment solide, qu’on ait suffisamment de points d’appui intérieurs pour se révéler. Comment ai-je traversé ? Eh bien, en mettant en pratique le ban et l’arrière-ban de ce que j’avais appris. Cela n’a certainement pas été facile. J’ai connu des moments d’intense désespoir, de perte de sens, des traversées de l’absurde. On sait que le deuil suscite aussi beaucoup de désorientation, de perte de repères. C’est une mise à nu, un véritable décapage. On est vraiment confronté à soi-même. C’est aussi un excellent moment de connaissance de soi. Là, on ne peut plus se mentir. Tout ce qui n’avait pas été traité remonte à la surface. Qu’est-ce qui monte à la surface ? Des émotions, des émotions ex­trêmement intenses – peur, désespoir, frustration, colère.

    Ce qui m’a aussi aidée, c’est une parole du dalaï-lama, parmi bien d’autres. Il a dit, paraît-il : « On peut vivre sans religion, on peut vivre sans méditation, mais on ne peut pas vivre sans affection». Cette parole m’a soutenue parce que j’aurais pu être tentée de traverser l’épreuve de façon un peu solitaire et héroïque, mais là j’avais été tellement laminée que j’ai été aussi acculée à prendre conscience de l’intensité de ce besoin d’affection que nous portons tous dans le cœur. Quand tout va bien, quand on est bien entouré, c’est peut-être moins évident, mais quand justement on est dans une période d’intense solitude, là les choses deviennent vraiment claires. Et cette parole m’a permis de reconnaître que je n’étais pas uniquement forte, solide, mais que je pouvais être profondément démunie, dépendante, criant mon besoin d’affection. et que cela ne faisait pas de moi quelqu’un de disqualifié pour la pratique intérieure, que la pra­tique consistait justement à m’accompagner.

    D’ailleurs, plutôt que de dire « rester debout dans la tempête », parce que je crois qu’on peut être littéralement terrassé -je me suis, quant à moi, retrouvée alitée, malade, sans aucune én­ergie-, je préfère dire « rester conscient dans la tempête ». Très exactement comme le marin qui, en pleine tempête, surtout dans un petit voilier, va affaler les voiles, parfois même lâcher la barre et rentrer dans son cockpit ; mais il y a toujours quelqu’un qui est conscient à l’intérieur de l’habitacle. II y a aussi un titre de film qui pointe dans la même direction : Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Pour moi, c’est cela qui nous est demandé, parce que la vie peut toujours nous surprendre, on va se croire plus fort qu’on ne l’est, on va avoir certaines illusions sur soi-même. En fait, ce qui nous est demandé, debout ou pas debout, c’est très exactement de nous accompagner là où nous sommes, et nulle part ailleurs, d’admettre de traverser notre plus grande faiblesse, d’y consentir et de rester les yeux ouverts.

    Sources  – n°21 – janvier/février/mars 2013

  • haïku – cet hiver

     

     

    une fleur un oiseau

    dans la douceur de l’hiver

    un courant de vie

     

  • Bertais d’automne

     

    Voici quelques photos prises à la Bertais à la fin du mois d’octobre, lors du premier gsmp de cette saison 2012/2013.

    Vous trouverez une photo de la nouvelle pensionnaire de de la Bertais. Quel est finalement son petit nom ? Qui peut nous dire ? Yann ? Anne-Marie ?

    J’ai mis aussi une photo de la recette de la célèbre soupe de potimarron de la Bertais, « dans son jus » pourrait-on dire, version 1996 retouchée.  Ma variante, c’est : de la coriandre fraîche à la place du persil, dont une grande partie à rajouter pendant la cuisson ; très peu, voir pas de poireaux ; et des champignons de Paris à la place des pommes de terre. Et vous, quel est votre recette de soupe au potimarron ? à mettre en commentaire…