Auteur/autrice : Noël Frot
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Haïku – pranam
sous une pluie d’été
la rose trémière elle se courbe
une prosternation
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Idée d’exercice pour l’été
Voici quelques extraits d’un article de Psychologies Magazine du mois de juin. Il s’agit d’un article sur un de nos petits exercices préférés ;-)) Mais cet exercice n’est pas réservé à la voie de Swâmiji, loin s’en faut. J’ai choisi pour vous le début et la fin de l’article, ainsi que deux encadrés. A vous de lire, ici et en vous procurant le magazine, puis à vous de jouer cet été, au bureau, sur la plage en maillot de bain ou dans le jardin pendant l’apéro avec les amis ou la famille. Vous pourrez bien sûr pour vous aider en relisant un peu d’Arnaud ou de Daniel Roumanoff.
J’ai essayé de ne plus juger
Par Flavia Mazelin Salvi – Illustrations : Sophie Ladame
Critiques, moqueries, comparaisons… Nous passons notre temps à juger. Les situations, les autres, nous-même. Le plus souvent pour nous rassurer et pour fuir la réalité. Notre journaliste a tenté de mettre en pratique le non-jugement, un principe au cœur de la plupart des traditions spirituelles.
[…]
Sans nul doute, lorsque l’attention est totale, c’est-à-dire quand l’esprit est tout à fait conscient, alerte, vigilant, il n’y a ni bien ni mal – rien qu’un état de veille. » Je ressens profondément cet état chaque fois que je médite. En m’immergeant dans la réalité telle qu’elle est, je ne pense plus de manière binaire, mon mental s’apaise, mon esprit s’agrandit, ma pensée n’est plus parasitée par les « j’aime/j’aime pas ». Je sens et ressens en profondeur. Sans jugement, en étant dans l’acceptation de l’autre et de ce que je suis, je me sens plus présente, plus vivante, comme unifiée en moi-même, en paix.
Comment étendre les bienfaits de la méditation à tous les domaines de ma vie? Sans doute en gardant la vigilance en éveil, en prenant conscience du rétrécissement intérieur qui se produit après chaque jugement ou critique stérile, mais aussi en « entrant en amitié avec soi-même », pour reprendre l’expression de la moniale bouddhiste Pema Chôdrôn.
Une valeur œcuménique
De la vibrante injonction de l’Évangile (« Méjugez pas afin que vous ne soyez jugés », Matthieu, chapitre 7, verset 1) aux exhortations bouddhistes à la non-discrimination (« Les choses ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles sont ») et à l’équanimité (parfaite égalité d’humeur), sans oublier le Coran (« Ne vous dénigrez pas », sourate 49, verset 11) ni le Talmud (« Méjuge pas ton prochain avant de te trouver à sa place »), le principe du non-jugement est partagé par la plupart des traditions spirituelles. D’abord parce qu’il est un ferment de paix sociale (ne pas juger, c’est accepter la différence, donc vivre en bonne intelligence avec l’autre), et ensuite parce qu’il est une invitation à dépasser la peur pour gagner en tolérance, en gratitude et en amour. Trois valeurs majeures communes aux différentes traditions spirituelles.
QUESTIONS À…
Patrice Courrier*, prêtre et psychologue
« Le non-jugement est une clé pour aimer »
Psychologies : L’Évangile est parsemé d’exhortations au non-jugement, comment les entendre?
Patrice Courrier : II faut les lire comme les corollaires du deuxième commandement, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il s’agit à la fois de ne pas juger l’autre et de ne pas se juger soi-même. Le jugement naît toujours de la peur. Or, on ne peut être à la fois dans la peur et dans l’amour, et tout le message de l’Évangile tient dans ses mots : « Aimez-vous les uns les autres. » Le non-jugement est une clé pour mieux aimer et mieux s’aimer.
Quels sont vos outils pour y parvenir?
P.G. : Je pratique la méditation de la pleine conscience. En revenant par le corps, par les sens, dans l’instant présent, on fait l’expérience de l’unité de la vie. Lacan disait que l’esprit humain est toujours partagé entre réel, imaginaire et idéal. Le plus souvent, nous tournons le dos au réel pour vivre dans l’idéal et dans l’imaginaire. En revenant dans son corps, on revient au réel, à son intériorité, on quitte les idées reçues, les a priori, la peur. Dans l’Evangile, Jésus dit : « Ne jugez pas. » Et aussi : «Asseyez-vous, regardez, écoutez… » II nous invite à faire silence en nous, pour nous rendre disponible aux autres, à Dieu, c’est cela le non-jugement.
Propos recueillis par Flavia Mazelin Salvi
1. Patrice Courrier, auteur deCuré, qui es-tu ? Plaidoyer pour un nouveau visage du prêtre, entretiens avec Elisabeth Marshall (Presses de la Renaissance, 2010).
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Haïku ? A vous !
le chant des grenouilles
la douceur d’un soir de juin
Vénus au couchant
Bon, maintenant, à vous !
Oui oui, vous avez bien lu, à vous !
Voici ma proposition pour l’été : à vous de vous y coller !
Mais ne le prenez pas comme un atelier d’écriture littéraire ou poétique
Prenez le comme un exercice de mise en pratique
Pour vous avant tout
Ne vous focalisez pas sur les règles d’écriture du haïku
Partez tout simplement sur trois petites phrases très courtes
C’est tout
Vous pouvez n’en n’écrire qu’un pendant tout l’été
Ou deux, ou trois, ou plus…
Mais mettez y toute la densité de votre vie
Toute votre sincérité, tout votre « être » du moment
Dans l’instant
Complètement
Ici et maintenant
Prenez conscience de l’instant
Goûtez !
Sentez !
Vivez !
Intensément
Une couleur, un parfum, un goût, un contact, un son
Une odeur iodée sur la plage
La fraîcheur d’une brise de fin de soirée
La piqûre d’une ortie
Un abricot sucré
La cloche d’une vache dans un pâturage de montagne
Une peau douce et chaude
Sa main dans votre main
Le rouge d’une pastèque
Le bourdonnement d’une guêpe
Le parfum des herbes dans l’arrière pays provençal
Votre pied blessé par un éclat de verre
Le goût du sang
Votre main qui s’enfouit dans le sable brûlant
Vos lèvres au contact d’un rosé glacé
Un coucher de soleil
Le chant d’un grillon
Une nuit étoilée
Goûtez la vie !
Goûtez la vie dans l’instant !
Ne soyez que cet instant
Puis posez quelques mots sur cette expérience
Il ne s’agit pas de « savoir » ou de « ne pas savoir » écrire
Juste vos mots à vous
Simplement
Sans inquiétude d’un quelconque jugement
Trois petites phrases
Une photo de l’instant
Un haïku
Vous aurez envie de le partager ?
Alors vous le partagerez !
Vous aurez envie de le déchirer ?
Alors vous le déchirerez !
Vous aurez envie de le garder caché ?
Alors vous le garderez caché !
Vous aurez envie de le chuchoter, de le lire dans votre tête, de le crier ?…
Alors vous le chuchoterez, vous le lirez dans votre tête, vous le crierez !
Dans votre lit, face à l’océan, dans votre voiture, dans une oreille attentive, devant une assemblée
No problem
A vous !
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Swâmi Prajnanpad – L’art de voir
J’ai en ma possession une version anglaise des lettres de Swâmiji à ses disciples. Mais je ne suis pas bilingue, même si je maîtrise l’anglais, donc certaines lettres me restent difficilement compréhensibles. Alors il y a peu, j’ai acheté les deux premiers tomes de ces lettres en français. Ouf !
Je vous propose une lettre à Sumongal Prakash, extraite du premier tome « L’art de voir » qui contient des lettres aux disciples français et des lettres à trois disciples indiens. J’ai choisi celle-ci car elle me touche par son thème et par la citation poétique de Tagore.
Anandkuti, le 7 Décembre 1943
Bénédictions,
Ce que vous avez décidé est juste. Vous avez tous deux retrouvé votre présence d’esprit. C’est ce que l’on attendait de vous. Ceci étant, essayez de voir que le côté pratique de la vérité se présente sous un double aspect dont les éléments sont inséparables l’un de l’autre : le positif et le négatif, le plaisir et la peine. Le flot de la vie ne s’écoule qu’à travers ces deux aspects. Vous pouvez comparer cela au pois chiche qui a deux parties cachées sous son enveloppe ; on n’en voit qu’une de l’extérieur ; mais quand elle germe, deux feuilles apparaissent et la pousse sort entre les deux, c’est la tige principale. De la même manière, la vie dépend de la « dualité ». Chaque aspect de la vie contient « deux ». Il est impossible pour l’énergie ou pour quelque mouvement que ce soit de se manifester à partir de « un » seulement. C’est toujours « deux ». Chaque phénomène a deux aspects : la naissance et la mort, le plaisir et la peine, l’union et la séparation, le bon et le mauvais, toujours « deux », nulle part il n’est possible de n’en trouver qu’un seul. C’est seulement en gardant à l’esprit ce principe, en acceptant « deux » que votre vie pourra se remplir de force, de courage, de joie et de paix. Dans une langue poétique, voyez ce qu’écrit Rabindranath Tagore :
Ce jeu qui est le tien
C’est de nous balancer
Au rythme d’une mélodie silencieuse
De nous balancer sur ta balançoire
Tu nous fait monter jusqu’à la lumière
Et brusquement tu nous précipites
Au fond des ténèbres.
Quand la balançoire remonte,
Ce sont des rires joyeux
Quand elle redescend, ce sont des cris de peur.
Ce trésor qui est le tien
Tu le fais passer de ta main droite
A ta main gauche
Et de ta main gauche à ta main droite
Et encore et encore.
Assis dans la solitude,
Tu rassembles les soleils et les lunes
Et tu les fais tourner sans cesse
Tu les dévoiles et ils sont nus ;
Puis tu les habilles d’un voile
Qui nous les cache.
Croyant que les trésors de notre coeur
Nous ont été arrachés,
Nous pleurons des larmes inutiles.
Mais tout est plein et complet
Rien n’a été perdu.
Et il n’y a que la balançoire,
Sans cesse, qui va et qui vient.[Utsarga 38]
Prajnanpad.
(Rabindranath Tagore 1864-1941)
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Allen Ginsberg, Poète et bodhisattva Beat
A l’occasion de la venue de Gilles Farcet à la Bertais, Catherine, ma compagne, a acheté et lu un de ses livres qui s’appelle « Allen Ginsberg. Poète et bodhisattva Beat ». Je l’ai lu aussi et je trouve que c’est un beau livre, extrêmement vivant, d’une écriture fluide, sur Ginsberg, personnage central de la Beat Generation, sur le poète, le bouddhiste et sur la rencontre de Gilles avec cet homme.
Je vous livre ici, pour vous mettre peut-être l’eau à la bouche, un extrait du préambule de Gilles, puis un extrait autour d’un poème de Ginsberg qui m’a beaucoup plu, In My Kitchen In New York (Dans ma cuisine à New York), sur la méditation, la conscience et l’activité mentale :
« Il m’a donc été donné d’un peu connaître Allen Ginsberg, après l’avoir, comme tant d’autres, lu dans mon adolescence et m’être, en partie grâce à lui, ouvert à des chemins jusque-là insoupçonnés. Je ne saurais prétendre avoir été de ses intimes, ni même l’avoir « bien connu » ; je n’en ai pas moins eu le privilège de le côtoyer dans des circonstances privilégiées, de le voir vivre et travailler au quotidien, de longuement dialoguer avec lui ainsi que de faire la connaissance de plusieurs de ses compagnons de route.
Bien qu’il contienne nombre d’éléments biographiques, le présent livre ne se veut pas une biographie de Ginsberg. Quoique ses textes y soient abondamment cités, il ne s’agit pas non plus d’un essai à propos de son œuvre. J’ai plutôt voulu me souvenir et, puisant dans la matière forcément subjective et sélective de ma mémoire, rédiger un récit qui tiendrait à la fois du reportage, de l’hommage et de l’évocation d’un personnage exceptionnel. Ces pages mêlent donc dialogues sur le vif, réflexions, instantanés, portrait de l’artiste au quotidien en gestionnaire et parfois prisonnier de sa propre légende, rencontres avec les protagonistes d’une aventure américaine… C’est ainsi qu’entre Québec, New York et Paris, on y croise, outre bien sûr Ginsberg lui-même, Peter Orlovsky, Gregory Corso, Gary Snyder, Lawrence Ferlinghetti, Michael Mc Clure ou le beat québécois Denis Vanier… sans oublier les spectres de Jack Kerouac et Neal Cassady ainsi que la figure hors norme de Chogyam Trungpa Rinpoché, maître tibétain, poète et incarnation de la « folle sagesse ».
etc… »
Fléchir les genoux, passer d’un pied sur l’autre –
L’autoportrait de Picasso en tête de mort bleue
sur la porte du frigidaire –
C’est le seul endroit dans l’appartement
assez grand pour faire du tai-chi –
Redresser le pied droit et le soulever-je me demande
si je n’aurais pas dû pousser le seau à ordures —
Lever les mains et les ramener vers
les épaules – Serviettes et pyjamas
sèchent sur une corde dans le couloir –
Pousser les mains vers le bas et saisir la queue de
l’oiseau –
Ces cartons pleins de poches en papier
bloquent la porte —
Se tourner vers le nord—je devrais accrocher
toutes les casseroles qui sont sur la cuisinière –
Est-ce que je tiens le monde comme il faut ? – Cette
peinture hopi sur le mur est pleine
de pluie et d’éclairs –
Se tourner vers la droite de nouveau — derrière la porte,
Seigneur
mon coin bureau, une pagaille de
photos, de courrier en retard —
Tourner à gauche sur les hanches — Dieu merci Arthur
Rimbaud
me regarde par dessus l’évier —
Simple fouet — le piano est dans la pièce, bon
Steven et Maria vont enfin déménager
la semaine prochaine ! Ses pantalons
sont encore là et Julius a pris son lit —
Ce geste est le contraire du Saint François
en Extase de Bellini — moi
je baisse les mains —
Je ferais mieux de me concentrer sur ce que je fais —
poids dans le ventre, bouger à peine à partir des
hanches —
Non, ça c’était le simple fouet – ce tablier
est accroché au mur nord depuis un an
je ne l’ai pas utilisé une seule fois
Sauf pour m’essuyer les mains – la Grue blanche
déploie ses ailes – est-ce que j’ai payé
la note d’électricité ?
Jouer de la guitare – ai-je assez de dollars
pour payer le loyer quand je serai
en Chine ?
Brosser les genoux – c’était un bon
halva, graines de sésame pilées,
au frigidaire depuis une semaine –
Reculer et pousser-je devrais
trouver un loft ou un séjour immense —
les spéculateurs ont acheté
tous les mètres carrés de Manhattan
ça a commencé avec les Indiens –
Croiser les mains -je devrais écrire
une lettre au Times pour dire
que c’est immoral.
Se mettre au repos les mains s’abaissent sur les genoux
se redressent -je me demande comment
va mon foie. Pas mal ce soir
je crois, j’ai arrêté de fumer la semaine
dernière. Je me demande s’ils feront
éclater une bombe H ? Sans doute pas.
Et maintenant, explication de texte par le poète consentant.
Enfin, explication… voilà qui est vite dit. Un texte ne s’explique pas davantage que l’univers. Tout au plus constate-t-on qu’il est, après quoi l’on s’essaie à en mettre au jour quelques ressorts, butant toujours sur l’inexplicable source : pourquoi diable y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Dieu seul le sait et le dit, parce qu’au commencement est le verbe…
Plus que quiconque conscient du mystère qui préside au poème, Allen se lance dans une tentative de commentaire qui ne taise point le texte mais le fasse un peu plus encore parler.
— Dans ce poème, j’essaie de restituer le processus par lequel les pensées, l’activité interfèrent avec la conscience de l’exercice. Je pratique le tai-chi tout en étant conscient de l’environnement, de l’espace alentour ; et voilà que par le biais des associations d’idées, je pars dans une rêverie ; puis je reviens à l’exercice. Tout cela est finalement très whitmanien : Whitman, passant d’une rive à l’autre sur le Brooklyn Ferry, commence à songer à tous ceux qui ont emprunté ce bateau dans le passé et l’emprunteront dans l’avenir. S’ensuit un long catalogue de toutes les pensées que les passagers pourraient avoir, et l’on en arrive au motif universel de la conscience, puis le poète revient au fait qu’il se trouve là, sur le ferry…
— Oui, mais – objecte Yves à qui ces histoires de méditation
ne disent rien qui vaille – votre poème a ceci de particulier
qu’il souligne une incompatibilité entre les pratiques
orientales et l’existence quotidienne, la difficulté de faire
coexister les deux…Allen se récrie :
—Non, non ! Ce que vous dites me semble découler d’une
vision faussée de la méditation. En fait, si la méditation nous
enseigne quelque chose, c’est bien qu’il est impossible
d’arrêter l’activité mentale ! D’ailleurs, est-on supposé
l’interrompre, est-ce là le but ? Je ne crois pas. La méditation a pour objectif de nous faire observer l’activité mentale. Parvenir à l’observer me paraît tout aussi intéressant que de la stopper.—À condition – dis-je alors, trop heureux de mettre mon
grain de sel en appelant à la rescousse mon expérience
pratique de la méditation – de l’observer sans s’y identifier,
sans se laisser absorber par elle…—Voilà ! – opine Allen. Une pensée suit l’autre, et moi, j’observe ce ballet pour ainsi dire de l’extérieur. Voilà ce qu’est, pour moi, la méditation : non l’élimination de toute pensée, mais la conscience de la pensée ; non l’élimination de l’espace alentour mais la perception de cet espace. L’erreur occidentale consiste à croire que la méditation devrait nous projeter dans un vide, une sorte de nirvana… Mais le nirvana, où est-il, sinon ici même ? Seule la conscience de se trouver là, ici et maintenant, confère a l’ici et maintenant sa dimension sacrée. C’est le fait d’être à l’écoute, conscient de ce qui se passe en nous, qui sacralise notre esprit. Les Orientaux pas plus que les Occidentaux ne sont capables de mettre un terme aux pensées. Simplement, il est vrai que si l’on pratique assidûment la méditation, si l’on fait des retraites, on en arrive à apaiser quelque peu l’esprit. Mais je vois plutôt cela en termes de transparence. L’esprit devient de plus en plus limpide.
— Donc – m’empressais-je de renchérir -, lorsqu’on réalise
qu’on est en train de penser à autre chose, on revient à
l’exercice…— Oui, car les pensées jaillissent et éclatent comme des bulles
de savon.etc…
(Allen Ginsberg with Chögyam Trungpa Rinpoche – Spring 1973)
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Haïku – la vague
la vague me soulèvela vague m’emporte et me porteun avec la vaguec’est beau, hein ?…l’océan, la vague, l’unité, tout ça…j’espère que ça vous plaitmoi je trouvais ça très beauj’étais bien dans l’eauune eau pas trop froide pour un début juincool, détendu, après un bon repas de crustacésà distance de toute espèce de soucisça allait même nous faire un beau p’tit haïku, tout ça !ça s’était le samedile lendemain, rebeloteje ne vais pas bouder mon plaisir tout de mêmel’océan, le soleil, la plage, la baignade…un peu plus de ventles rouleaux qui claquent sur le sableune belle vague qui vous fait bien sentir la puissance de l’océanet une belle entorse du genou !saloperie de vague !saloperie de nature !saloperie de loi du changement !bon bon, je me reprends…un belle occasion de pratiquer, bien sûr… glurps…saloperie de… bon je me reprends…je n’ai plus qu’à chercher un beau haïku sur la force de l’océan, la puissance de la nature, l’inconscience du baigneur par grand vent ou les entorses du genou…saloperie…bon… -
« Dharma et créativité » – Chögyam Trungpa
Sur ma voie d’apprenti disciple, la facette « créativité » se révèle être un passage obligé d’introspection. Aussi mon attention a été retenue par le livre de Chögyam Trungpa qui s’intitule « Dharma et créativité » (collection de poche Points – Sagesses). Je vous livre ici deux extraits de cet ouvrage : un extrait de l’introduction de l’éditrice Judith Lief et un extrait du chapitre intitulé « Les horizons perdus ». Peut-être percevrez-vous comme moi, dans ce second extrait, une résonance forte avec l’enseignement de Swâmiji.
« Dans ce livre, le Vidyadhara, le Vénérable Chôgyam Trungpa Rinpoché initie le lecteur à un ensemble d’enseignements sur la méditation, la perception et l’expression artistique, qu’il appelle art dharma. Le mot dharma signifie « norme » ou « vérité ». Dans le contexte de l’art, il désigne « l’état avant de toucher le pinceau, l’argile, la toile — un état ordinaire, paisible, une fraîcheur, dénuée de névroses ». Le mot art, quant à lui, renvoie à toutes les activités de la vie, y compris toute discipline artistique. Ce n’est pas une occupation, c’est tout notre être. »
Introduction de l’éditrice – Judith Lief
« Nous sommes extraordinairement féconds, notre potentiel est immense, pourtant nous ne voulons pas vraiment nous engager. Nous préférons nous laisser vivre, nous lover dans nos névroses et rester là, à demeure, comme un ongle incarné. Parfois, quand l’ennui se pointe, on cherche à se divertir. Mais on reste trop poli, trop enfant, qu’on aille au cinéma ou dans un bon restaurant, qu’on prenne quelques verres entre amis ou qu’on parte pour l’Asie ou l’Europe, si on en a les moyens. On fait des milliers de trucs, mais ce ne sont pas des trucs réels. Ce n’est pas vraiment ce qu’il faudrait faire.
Il se peut qu’on se voie comme une personne directe qui ne mâche pas ses mots, mais on reste encore trop poli. Il se peut qu’on balance ses névroses un peu partout et n’importe comment – crier ou hurler après les gens, se bagarrer et tuer, faire l’amour – mais on n’en est pas moins à la case départ. On est tellement lâche. C’est si gênant qu’on n’ose ni en parler ni même y penser. À quoi servent tous ces petits secrets, ces petites manigances ? On a l’air d’en raffoler. Une journée finit, une autre commence et tout reste au beau fixe. Au fond, on a si peur de la lumière qui vient vers soi, de l’expérience pénétrante qu’est la vie, qu’on ne parvient même pas à fixer les yeux sur quelque chose.
Nous sommes effrayés et nous ne voulons pas vraiment entrer en relation avec quoi que ce soit. Nous nous sentons empotés. Parfois, nous nous occupons de notre maladresse en professionnels, comme lorsque nous parlons au policier qui nous arrête sur la route. À d’autres moments, nous nous en chargeons en faisant comme si nous parlions à nos gosses. Pourtant, ni l’une ni l’autre de ces tactiques ne marche. Ces simulacres de stratégies professionnelles ne font pas le poids. À ce stade, nous ne voyons, n’entendons, ni ne disons rien. Nous sommes aveugles, sourds et muets. C’est le processus fondamental que nous suivons et il ne faudrait pas en rester là. Il est primordial d’agir parce que nous ne sommes pas complètement paralysés. Il y a encore beaucoup d’énergie. Nous pouvons vraiment commencer à faire face à la réalité telle qu’elle est. Je n’y vois aucun problème.
La difficulté c’est que nous refusons de vivre la réalité au sens plein du terme. Nous essayons toujours de proposer une réalité de remplacement. Par exemple, si nous constatons que notre enfant ne répond pas à nos attentes, nous pensons : « Un jour cet enfant va retrouver la raison et finira par revenir. » Ou si nous vivons une peine d’amour : « Tôt ou tard il me reviendra et il comprendra mes véritables sentiments à son égard. » Même quand nous perdons un animal de compagnie, un chien ou un chat, nous espérons qu’il reviendra et qu’il nous reconnaîtra. Ces petits gestes ont quelque chose de lamentable et n’ont pas grand sens. Lorsque son premier trip de LSD – ou toute autre expérience de drogue – est affreux, on voudrait que le suivant soit plus réussi, c’est pourquoi on en consomme à nouveau : « À mon cinquième trip, j’étais sur le point de découvrir quelque chose. Peut-être que je devrais en faire un sixième. » Cette approche se perpétue sans trêve, sans jamais que le poisson ne tombe dans le filet. Dans le monde de l’art, on peut adopter la même méthode superficielle, où tout est très intéressant, magnifique, puis soudain, un jour, tout est fini. Le souvenir de ce que nous avons vécu ne fait même plus partie de nos rêves. Tout est oublié, l’horizon est perdu. »
Extrait « Les horizons perdus » – Chögyam Trungpa
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Au printemps… oser !
Aux 5 coinsOser et faire du bruitTout est couleur mouvement explosion lumièreLa vie fleurit aux fenêtres du soleilQui se fond dans ma boucheJe suis mûrEt je tombe translucide dans la rueTu parles, mon vieuxJe ne sais pas ouvrir les yeux ?Bouche d’orLa poésie est en jeufévrier 1914Blaise CendrarsOui, c’est exactement ça« Oser et faire du bruit »« Tout est couleur mouvement explosion lumière »« La vie fleurit aux fenêtres du soleil »« Je suis mûr »« La poésie est en jeu »Oui, c’est çaC’est exactement çaC’est ce que je ressensC’est ce que je veuxC’est çaExactementOserOser faire, oser dire, oser vivreOser êtreEtre tout simplementEtre complètementEtre moiEtreOuiOseravril 2010Noëlles photos ont été prises le même jour, dans la même heure, sur le même lieu
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Printemps
un rayon timide
une éclosion de couleurs
le goût du printemps
les photos ont été prises le même jour, dans la même heure, sur le même lieu
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Mandalas
Voici des mandalas mis en couleurs par les participants et participantes aux « samedis d’Anne-Marie » (veille de GSMP). Il s’agit ici des réalisations du samedi 6 mars 2010.
J’apprécie beaucoup cette pratique. Au delà des plaisirs ludiques et artistiques qu’elle m’apporte, le résultat est généralement très révélateur de mon ambiance émotionnelle du moment, de mon état intérieur. C’est une sorte de photo intérieure. Et cela se passe de façon tout à fait inconsciente, car je reste en général très concentré sur les aspects ludiques, graphiques et artistiques de la chose qui me plaisent beaucoup. Certaines fois, pendant la réalisation, percevant dans l’organisation des formes et couleurs de mon mandala une interprétation qui ne me plaisait pas, j’ai essayé de modifier ou de stopper l’orientation de mon dessin, mais cela n’a pas eu le résultat escompté, l’ambiance non souhaitée est restée présente dans le mandala terminé. Le mandala n’est pas toujours une partie de plaisir. Certaines fois, en fonction de mon état intérieur, de mes refus, de ma fatigue physique ou psychique, c’est un vrai pensum. Le résultat est alors tout aussi parlant et intéressant que dans le plaisir. J’ai aussi remarqué que lorsque Catherine, ma compagne, et moi nous réalisons des mandalas simultanément et sans nous concerter, ceux-ci se retrouvent souvent très synchronisés au niveau des couleurs.
une carte sensibleun oracle des couleursle monde intérieurPeut-être que les participants et participantes aux « ateliers mandala » d’Anne-Marie pourront partager en commentaire quelques unes de leur impressions personnelles ?
Donc à vos pinceaux, crayons ou feutres, pour partager les plaisirs et déplaisirs d’une introspection graphique haute en couleurs !
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Une balade au Mont Saint-Michel – 2ème et dernière partie
une vaste étendue
l’eau, le sable et la lumière
je me sens poussière
le souffle et la note
pour une harmonie des cœurs
une vie en accord
un rayon bleuté
le silence et le froid
je me sens en paix
dans un goutte à goutte
je me nourris à la source
le cœur et la joie
et puis pour finir
la possibilité d’une île
la photo souvenir !
Noël
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Une balade au Mont Saint-Michel – 1ère partie
Il fait beau et froid.
Le soleil brille.
Profitons.
Filons vers le Mont Saint-Michel.
En cette saison, après les fêtes, il ne va pas y avoir grand monde.
Nous sommes sur la route.
A l’horizon une barre nuageuse.
Merde. Il faisait tellement beau…
Le ciel bleu se transforme en un océan gris très dense.
C’est raté le Mont au soleil.
Et si je faisais demi-tour ?…
Nous continuons.
C’est parti.
Il neige à très gros flocons.
En trois minutes, les champs sont blancs.
Je ne pense plus au Mont.
C’est beau la neige.
Je voudrais être à la montagne.
Encore trois minutes et c’est fini.
Il ne neige plus.
Le ciel s’éclaircit.
Nous approchons.
L’océan gris se déchire.
Le ciel est bleu.
Au loin le Mont. Ensoleillé.
Sa silhouette unique.
Les parkings sont pleins.
Beaucoup de monde.
Merde. Moi qui croyais…
Nous grimpons.
Une odeur de friture.
Les magasins de souvenirs. Des objets improbables.
Les cartes postales.
Le temple du tourisme.
La foule. Dense.
Des japonais, des allemands, des français, des anglais.
Des russes, des espagnols…
Je suis dans la tour de Babel.
Je voudrais un Mont Saint-Michel sans touriste.
Mais moi… Je suis un touriste.
Un escalier sur la gauche.
Brusquement le calme.
Une petite chapelle.
Des bougies.
Sainte-Anne.
Puis un cimetière.
Des tombes d’enfants.
Je grimpe.
Une terrasse de pierre.
Au loin la baie.
Des reflets sur le sable humide.
Le jeu de la lumière.
Des escaliers encore.
La crypte des gros piliers.
Une jeune femme prend des poses devant un vitrail.
Sa mère la photographie.
Une femme imite le cri du fantôme.
Nous ressortons à l’air libre.
Soleil et vent froid.
Nous croisons la foule qui afflue.
Nous repartons.
Sur la route, un coup d’œil en arrière.
Une silhouette unique.
Pendant quelques heures,
plaisir et déplaisir,
calme et agitation,
amusement et agacement,
laideur et beauté.
Encore bien loin du un sans un second.
Mais dans la vie.
Emerveillement, découverte, partage et beauté.
Dans un lieu poétique et magique.
Un lieu unique.
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Haïku – communion
dans une eau profonde
au delà des différences
être en communion
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Haïku – iris
une couleur profondele velouté d’un pétalemon coeur ébranlé