"On rêve avant de contempler. Avant d’être un spectacle conscient, tout paysage est une expérience onirique. On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages qu’on a d’abord vus en rêve"
Gaston Bachelard
La lumière du jour me réveille. Le soleil apparaît. J’entends Mohamed et Nassé parler.
Sous la tente, mes compagnons commencent à bouger. Jean-François dort encore profondément.
J’ai envie de me lever mais…il fait très froid ! Oh ! que c’est dur de sortir de son duvet bien chaud et de devoir s’habiller ! Et la toilette ? Pas de salles de bains, ni de toilettes, ni d’eau dans le désert. Celle que les chameliers transportent dans des jerricans est réservée à la cuisine. Donc, nous nous servons de petites lingettes humidifiées pour nous nettoyer et pour les "pipis": derrière les dunes (Il y a le choix pour s’isoler !)
Avec courage, je procède donc à tous ces actes héroïques de toilette et habillage par 0°. Mais la récompense m’attend : debout devant la tente touareg, je contemple cette nature démesurée, ces dunes si belles dont j’ai si longtemps rêvé.
Oui, mon rêve est devenu réalité.
Des brindilles crépitent dans le feu préparé par nos amis pour le petit déjeûner. "Salam Aleikoum" ! (Salut à vous) nous crient-ils et nous voilà tous réunis autour d’un thé ou d’un café bien chauds à déguster le pain cuit sur les braises que nous agrémentons de confiture.
Mais il ne faut pas trop traîner car aujourd’hui nous allons entamer notre première marche dans le désert.
Vite, il faut démonter la tente, plier les bagages, les charger sur les dromadaires et à 9H30, c’est le départ.
Rémi, Françoise, Nassé et ses 2 dromadaires :
Lasfar et Frica
Jean-François, Viviane, Mohamed et ses 2 dromadaires : Nani et Saline (un peu cachée)
Nous quittons rapidement les petites dunes pour marcher au travers d’une steppe aride et caillouteuse. Le soleil luit mais le vent souffle fort. Le paysage de petites dunes réapparaît au bout d’un peu plus d’une heure, pour faire place bientôt aux grandes dunes. Nous sommes dans le grand Erg Oriental (étendue de sable et de dunes).
Mais le vent souffle de plus en plus fort, nous l’avons de face. J’ai du sable plein les yeux et il commence à faire très chaud. Le groupe avance vite et j’ai peine à suivre le rythme. Je m’enfonce dans le sable et ai peine à marcher.. Je voudrais enlever un pull, boire une gorgée d’eau, mais ma gourde est dans le sac que je porte sur le dos et si je m’arrête je vais prendre encore plus de retard. La caravane est de plus en plus loin de moi, alors je continue et essaie d’accélérer la cadence, mais je m’épuise.En haut d’une dune, j’aperçois Jean-François qui m’attend. Il me crie en riant : "Tu l’as voulu !" Moi, je n’ai pas envie de rire, je n’en peux plus, mais je tiens bon. Oui, je l’ai voulu ! Je suis là où je dois être, même si c’est dur. Pas besoin de chercher à "faire un" avec la situation. Il n’y a pas le choix, ça s’impose à moi. Au bout de trois heures et demi de marche (avec une courte pause de dix minutes), les chameliers s’arrêtent.
Ouf ! Ils font baraquer (s’accroupir) les dromadaires et les déchargent. "Gazous, Gazelles (c’est comme ça qu’ils nous appellent), le bois !"
Et nous voilà à la recherche de branches sèches que nous ramassons dans les épineux parsemés dans cette mer de sable. Le feu allumé, nous épluchons les légumes pour le couscous de Nasé pendant que Mohamed prépare le pain.
Après le repas, nos amis nous annoncent que nous avons quartier libre. Quartier libre dans le Sahara !!! Tout un programme.
Nous décidons Jean-François, Françoise et moi d’aller explorer les dunes, pendant que Rémi va méditer auprès d’un arbre mort, isolé dans cette nudité et qui visiblement l’attire fortement.
Nous sommes émerveillés par la diversité et la beauté des sculptures réalisées par le vent dans ces sables dorés. C’est un grand artiste et ses oeuvres méritent bien qu’on les prenne en photos.
La veillée qui va clore cette première journée d’itinérance saharienne et d’exploration du milieu marquera le début d’une relation très profonde entre nous quatre, mais aussi avec Mohamed et Nassé. Jean-François, inspiré par "l’arbre de Rémi" se met à conter sur ce thème. Nos deux amis, dans un premier temps ne semblent pas trop comprendre son intervention (je rappelle qu’ils ne connaissent pas bien le français) et continuent à discuter entre eux. Mais, lorsqu’après nos applaudissements, Jean-François introduit Mohamed et son pain délicieux dans un nouveau conte, leur attention est attirée et ils écoutent l’histoire. Ils applaudissent à leur tour et Mohamed invite Jean-François à venir s’asseoir près de lui et à partager son burnous. Ils se mettent ensuite à chanter à leur tour en duo en tapant des percussions sur la bassine en aluminium qui sert à laver les légumes et à préparer le pain. La chaleur ne se dégage pas que du feu dont les flammes dansent au gré du vent saharien mais encore plus de nos coeurs qui vivent un moment très fort.
Dans le ciel, des étoiles filantes s’amusent au milieu des milliers d’astres qui, avec la complicité du croissant de lune d’une brillance éclatante, éclairent cette belle nuit.
"Leila Saïda" ! (bonne nuit), nous allons nous coucher dans la beauté.