Auteur/autrice : Georges Morant

  • Oraison

     Oraison

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     Hier je suis revenu sans vous dire mot
    J’ai mis fin pour toujours
    au duel entre espoir et désolation,
    aux griefs accablants des envies excédées
    Au sombre ciel d’abscence il fait soir.
    Je vous contemple
    vous tiens dans l’infini
    dans l’absolu
    Le cours du monde n’est plus
    ni soleil ni lune
    ni astre ni planète aucune ;
    l’air se tient coi, nul tracé d’arbres
    à l’horizon ne se dessine.
    Point de gens ni de chuchotements,
    le bruit  des pas du temps aboli
    arrêté l’instant inachevé
    dont je ne compte pas les fragments
    N’est plus ni jour ni obscurité –
    ni moi ni attache vous liant à moi.
    Il n’y a ni plaisir ni peine ni crainte,
    Tout désir se trouve éteint –
    une quiétude se sent
    Dans le silence du ciel
    Tout en vous receuilli,
    en vous solitaire-
    dans mon esprit sans moi ne profile
    que l’intime vision de vous

     

     Source : Rabindranath Tagore, l’écrin vert, traduit du bengali, par Saraju Gita Banezjee, Galimard, 2008 

    Né le 7 mai 1861 dans une famille aisée et polyglotte, ami de Gandhi avec lequel il s’est battu pour l’indépendance de l’Inde, Prix nobel de littérature, Tagore mourut en 1941. Sa poésie témoigne de la traversée des ténèbres de l’existence sans jamais se lasser de croire à la lumière. Comme le témoigne ce poème où Tagore se défait de ses désirs, de ses regrets, au profit de ce rien rempli de tout ce que la vie , de temps en temps nous offre.

    (cité dans Ouest-France des 21-22 juin 2008)

  • Du rouge aux lèvres : Haikus de femmes

     

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    On l’appelle haiku. Et c’est le plus petit poème du monde. Trois vers, pour saisir un moment de vie, de préférence avec une notation de saison. Les grands maîtres du genre sont japonais. Ils s’appellent Bashô, Issa, Buson ou Shiki. Tous des hommes. Alors, macho le haiku?

    Pas si sûr, comme le montre ce beau receuil de haikus de femmes dont le titre, Du rouge aux lèvres, est inspiré  d’une auteure du 17è siècle, Chiyo-ni ( 1703-1775).

    "Je bois à la source
    oubliant que je porte
    du rouge aux lèvres"

    Comme les hommes,les femmes japonaises parlent de la vie comme elle va. Avec simplicité, mais sans jamais oublier leur féminité :

    " Après le bain
    je monte sur la balance
    nuit de neige".

    ou leurs drames intimes :

    " Epais brouillard
    je me couche en embrassant mon sein

    ôté demain".

    Une quarantaine de haijins- le nom donné aux auteurs de haikus- font partie de cette anthologie ou transpirent aussi les drames d’Hiroshima et de Nagasaki

    "Ma soeur morte brûlée
    tient toujours à la main
    son ombrelle décorée".

    L’une des perles est ce poème à l’humour décalé :

    " Ma belle mère est morte
    ses grand pieds

    dépassent de la couverture".

    Quand aux hommes, ils apparaissent très épisodiquement et le meilleur regard posé sur eux est, sans doute, ce haiku malicieux :

    " Les fleurs de prunier
    parfument même les hommes
    cassant des branches"

    Pierre Tanguy ( Ouest -France du jeudi 29 mai)

    Du rouge aux lèvres, haijins japonais, traduction de Makoto Kammoku et dominique Chipot, La table ronde 270 pages, 21 euros

  • Il n’y a pas d’issue en dehors de l’acceptation

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    Cette idée d’acceptation, on la retrouve dans tous les enseignements spirituels et elle est généralement mal comprise. Elle correspond à ce que l’on appelait autrefois soumission à la volonté de Dieu. Mais qu’est ce que cette volonté de Dieu? Chacun va l’interpréter à sa façon. La volonté de Dieu, c’est ce qui se produit à chaque instant, c’est tout. Tout le reste est mental et mensonge. Voilà la première vérité qu’il faut entendre, recevoir en pleine figure comme un challenge, un défi à relever ou à ne pas relever. Et, à partir de là, nous pouvons agir. mais ce principe ne supporte pas d’exception.

    – A la recherche du Soi, chap." L’acceptation".

    Deux points doivent être distingués. Premier point : il y a une certaine acceptation, ou adhésion, ou non création d’un autre que ce qui est. Ce premier point n’admet aucune nuance et aucune exception, il doit être tranchant comme une épée aiguisée, dur comme le cristal. Si nous admettons des souplesses, des accommodements, des compromis, c’est fini, le chemin spirituel s’arrête.

    Le deuxième point est beaucoup plus nuancé et ne devient clair que peu à peu, à travers les mois et les années : c’est celui de l’action qui se situe dans un climat de réconciliation, l’action que l’on accomplit à partir de l’attitude fondamentale du oui. Et en ce qui concerne l’action, il est impossible de donner une réponse toute faite, valable pour tous quelles que soient les circonstances.

    L’adhésion qui ne tolère aucune discussion, c’est celle qui s’accomplit ici et maintenant sans aucune considération du futur : c’est, mais uniquement dans l’instant. Et c’est ce " dans l’instant" qui fait toute le différence et nous permet d’accepter que ce qui est soit : immédiatement " oui", et ce oui doit être total. C’est ce oui qui est notre véritable liberté. Notre grandeur, notre dignité, notre espérance, c’est cette capacité que nous avons d’adhérer totalement à l’instant, sans nuance, même si nous nous trouvons dans des circonstances qui nous paraissent peu propices à l’acceptation. mais l’adhésion dont je parle n’implique aucun engagement pour l’avenir.

    – Préface d’Arnaud Desjardins, Anthologie de la non dualité, Véronique Desjardins, Editions de la Table Ronde.

  • Fête de Départ

     

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    Dans les temps anciens, il y avait trois mystiques chinois dont personne ne connaissait le nom mais que les gens appelaient les trois saints rieurs parce qu’ils ne faisaient rien d’autre que rire à longueur de journée. Ils se déplaçaiet d’une ville à l’autre, se tenaient sur la place du marché en rigolant de bon coeur et invitaient à faire de même. Ils se déplaçaient dans toute le Chine simplement pour répandre ce rire contagieux parmi le peuple. Mais un jour, dans un village, l’un des trois saints mourut. Les villageois se dirent : " Maintenant que leur compagnon est mort, ils vont perdre leur entrain et se mettre à pleurer." Ce fut tout le contraire.Ils se mirent à danser et à rire de plus belle. les gens furent offusqués et dirent qu’il était inconvenant de se comporter de cette manière. Alors, ils répondirent : " Vous n’y êtes pas! Nous avons fait tous les trois un pari pour savoir celui qui allait partir le premier. Et il a gagné, nous avons perdu!"

    Quand le moment de brûler son corps arriva, les villageois dirent : " Nous allons lui donner un bain ainsi que le prescrit le rituel." Mais les deux saints s’interposèrent. " Notre compagnon nous a demandé de ne faire aucun rituel, de ne pas le laver ni lui changer ses vêtements et de le déposer tel quel sur le bûcher funéraire."

    Les deux amis appliquèrent ses instructions et, soudain, ce fut la grande surprise. Quand le corps fut déposé dans le feu, le viel homme fit encore une dernière farce. Il avait caché des feux d’artifice sous ses vêtements et ce fut un véritable festival!

    Alors tout le village commença à éclater de rire et ils se mirent tous à danser

    Eric Edelmann : Extrait de son livre : " Plus on est de sages, plus on rit"

  • Quand le brouillard se lève

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    Je rentrais d’une promenade au bord de la mer. Je me suis fait bien arroser par une vague que je n’ai pas vu venir. Mon pantalon,  mes chaussures et chaussettes sont  trempées.
    Je n’ai plus qu’à me changer. J’arrive à la maison. Je monte dans ma chambre et commence à enlever mes chaussettes.

    En un instant, en une fraction de seconde, la chambre est comme remplie de silence. Je reconnais quasi immédiatement cette qualité si particulière de vécu et observe.

    Je me dis que je vais écrire puis je me dis que j’ai déjà écrit assez souvent  la même chose à cybertaisie, que ce n’est peut être pas la peine cette fois ci.

    Finalement, j’écris …

    La pièce est tout à coup comme remplie de silence. Un silence invisible et néanmoins palpable, matériel.

    Cette autre dimension était-elle déjà là avant? A t’elle elle jailli de rien?

    Elle était là avant mais je ne la percevais pas. Normalement,  moi " ordinaire", je ne perçois pas cette dimension, cette réalité. Et quelquefois, comme aujourd’hui, elle survient . Elle se manifeste irrésistiblement.

    Cette réalité différente, de silence plein est très difficile à décrire. Les mots peuvent pointer vers elle mais ne peuvent pas vraiment la cerner totalement. Ils permettent une approche.

    Cette réalité si différente de l’état habituel est bonne. Mais bonne dans un sens très profond qui touche à l’essentiel. Elle est  paix…une paix profonde qui me rappelle la méditation d’hier soir et de ce matin…

    Cette réalité se dévoile. C’est ça. J’y suis : Quelque chose se découvre. Vous voyez. J’essaie avec mes mots maladroits, inappropriés de décrire la situation. Je ne sais pas ce que c’est .

    Est-ce le Soi dont Arnaud dit dans une de ses méditations enregistrées à la bertais qu’Il se révèle?

    Ce qui est curieux dans ces instants, c’est de vivre avec une autre dimension, quelque chose qui auparavant, n’était pas là., du moins je ne vivais pas. Elle était là mais je ne la voyais pas, je ne la percevais pas. Alors que dans de tels moments cette vision s’impose irrésistiblement tout en douceur pleine de silence,  maîtresse des lieus, source de l’espace et  de l’invisible.

    Est-ce de cela dont parlent les mystiques ? Est-ce de cela dont témoigne André Rochette dans ses méditations enregistrées à la Bertais?

    Le plus fort, c’est cette paix ou j’ai  envie de me perdre, de m’y noyer, de m’unir définitivement à elle.

     J’aime rendre compte, tenter d’expliquer  comment çà marche pour moi de tels instants, de telles percées.

    Parce que dans de tels moments, nous sommes au cœur du Sujet.  Alors moi Georges, qui a  pas mal médité depuis assez longtemps, connu  des découragements, des envies fortes de renoncer,  qui  connaît  encore des difficultés,
    quand de tels instants surgissent, je me dis que c’est bon et juste que de le partager avec vous particulièrement, la Sangha. Bien sûr, çà ne veut pas dire que tout est résolu, bien loin de là en ce qui me concerne, mais en tout cas, pour un instant et même plusieurs, çà fait du bien  au moral de chercheur spirituel de longue date d’être de temps en temps non plus chercheur mais trouveur.

    Alors? Et après? Qu’est-ce qui se passe? Qu’est-ce que ça change?

     Le moi ordinaire, l’ego veut garder, se conserver pour toujours dans ces instants. Et bien sûr, c’est impossible puisqu’il n’y a  que changement, changement sauf ce qui ne change pas ( rire)…

     Bon, ça va aller comme ça pour ce matin, je vais maintenant faire des abdos.

  • La vigilance (suite)

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    Formules de Swâmi Prajnanpad commentées par Arnaud Desjardins

    La vigilance (suite)

    "En ce qui concerne la vigilance en prenant appui sur soi même, cette vigilance est active quand vous êtes conscient de ce qui se passe dans votre pensée : vous n’êtes pas absorbé par les pensées, vous êtes le témoin des pensées. Quand vous êtes conscient de ce qui se passe dans votre coeur : tiens, voilà une tristesse, tiens voilà une peur, tiens, voilà une impatience, et que vous n’êtes pas emporté ; et conscient de votre corps : j’ai envie de vomir, j’ai les muscles des épaules contractés.

    La vigilance peut aussi prendre comme point d’appui les situations concrètes dans lesquelles vous vous trouvez, et c’est un point d’appui très efficace. Si vous prenez appui sur le courant de l’existence lui même et que vous vouliez simplement vivre cette existence telle qu’elle est, consciemment, vous y arriverez. Vous arrivez à voir comment vous réagissez aux situations et c’est la vision de vos réactions qui fera grandir en vous la conscience de soi.Vous pouvez, à chaque instant, voir que vous réagissez aux évènements extérieurs, que vous n’êtes pas neutre, que vous n’êtes pas un avec la réalité, que vous n’êtes pas d’accord pour que ce qui est soit. n voyant vos réactions, en essayant de revenir à la réalité, d’adhérer à ce qui est, vous verrez que le déroulement même de la journée va vous ramener à la conscience de vous.

    Le jour ou vous aurez, en tant que chercheur spirituel, la conviction que vous devez être vigilant, vous le deviendrez. Si vous sentez l’importance d’une existence humaine et la gravité de perdre son existence, si vous sentez que la non vigilance est vraiment la mort et que la vigilance est le chemin qui vous conduira au sens même de votre vie, si cette question devient vitale pour vous, vous serez vigilant, c’est certain. Vous aurez le regard sur l’extérieur et l’intérieur, qui est en fait la vraie méditation.

    Dans cette vigilance, nous donnons vie à tout ce qui nous entoure. Nous le laissons être. A notre réel émerveillement, nous voyons que tout devient important, que tout prend une valeur et, surtout, nous reconnaissons chaque élément de la manifestation ou, si vous préférez, chaque objet, dans son unicité.En vérité, si vous êtes vigilant, vous voyez tout à coup le monde entier " être" . Il n’y a plus d’appréciation de valeur qui distingue les moments intenses des moments mornes, les moments importants des moments insignifiants. Chaque instant est parfait, chaque instant est plein.

    Au delà du moi. " La vigilance".

  • Sans titre

     

     

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    Porté par tellement plus grand que lui

    Courageux, vulnérable et audacieux

    Intrépide et déterminé

    Le prix à payer est lui même effacé

     

    Il a le vertige mais veut sauter

    Pour arriver là d’où il n’est jamais parti

     

    Qui atteint l’invincible

    Là, ou il n’y a plus de moi?

     

    Il n’y a plus que lumière

    Il est passé à travers

    Ce n’est plus lui qui voit. Il a disparu. Il ne se reconnaît plus.

     

    Ainsi, c’était simplement un jeu de l’esprit

    Je a fini par céder

    Enfin, il sait maintenant qui il est

     

    Pénétrer par Cela ou le " je" n’est plus

    Sans la moindre trace d’émotions, ni passions

     

    Quelque chose est arrivé qui n’a pas de nom

    Et il se retrouve nu, dépouillé de tout artifice

    Libre de tout pour enfin voir

     

    L’infiniment ouvert

    Tranquille, serein, d’une paix qui défie la compréhension

     

  • La Vigilance

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    Les Formules de Swâmi Prajnanpad commentées par Arnaud Desjardins

    La Vigilance

    Awareness is the very sadhana which will lead you to the goal.

    La vigilance est l’ascèse qui vous conduira au but.

    La vigilance, c’est être parfaitement conscient de ce qui se passe au dehors de nous et au dedans de nous. Au dedans de nous, c’est à dire la façon dont nous réagissons à ce avec quoi nous sommes au contact. C’est à la fois une présence à soi même et une présence à la situation, une prise de conscience de soi et une prise de conscience de la situation. La vigilance vous permet de voir à quel point cet intérieur et cet extérieur sont, en fait, plus liés qu’on ne le croit au départ, combien l’extérieur n’existe que parce qu’il se manifeste en nous sous forme de sensations, d’émotions et de pensées, et combien, inversement, nos pensées sont projetées sur l’extérieur.

    Ordinairement, il n’y a pas vigilance, il y a seulement des fonctionnements, des pensées qui se succèdent selon les chaînes d’actions et de réactions, des sensations, des émotions, mais pas la conscience d’être. Il est indispensable de trouver la possibilité de conserver la conscience de soi tout en étant, en même temps, actif et conscient de ce qui se passe à l’extérieur de vous.

    Si vous êtes attentif, vous verrez que, du matin au soir, vous vous laissez happer par les choses extérieures ou happer par vos rêveries intérieures et que la conscience de soi, la vigilance, a complètement disparu.La vigilance me permet de voir ce qui est au lieu de vivre en aveugle. La vigilance me permet de voir ce qui est au dehors de moi – la circonstance que je rencontre, les conditions dans lesquelles je me trouve- et de voir la façon dont je réagis : je vois une émotion qui se lève en moi, je vois une crainte, je vois un refus, je vois…

    Vous avez en fait deux points d’appui : le point d’appui que vous pouvez trouver en vous même et celui que vous trouvez hors de vous même. Ces deux points d’appui sont utilisables et tous deux se renforcent. Certains atteindront la vigilance, en prenant surtout appui sur ce qui se passe en dehors d’eux mêmes et en le vivant de façon très consciente. D’autres prendront plutôt appui sur la conscience de soi proprement dite telle qu’elle s’affine et s’approfondit dans les moments de méditation.

    A Suivre…

  • La question fondamentale

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    What do you want?

    Que voulez vous?

    Une terrible parole – dont je n’ai absolument pas mesuré le sens-a été les premiers mots de swamiji : " What do you want?"-" Qu’est ce que vous voulez?"

    Est ce que vous voulez vous engager dans une aventure que toute l’histoire de l’humanité vous présente comme la plus grande, la seule qui conduise à la perfection au delà de toute crainte et de toute souffrance, mais qui, comme tout ce qui a une valeur immense, doit être payée très cher? Ou bien est-ce que vous voulez ce rêve de plus en plus généralisé dans lequel, sans avoir à traverser cette crise de mort et cette résurrection, on nous promet je ne sais quels pouvoirs miraculeux, quelle sagesse, quelle conscience supra(normale et autres merveilles? Ce n’est pas parce que le mensonge a pignon sur rue et qu’il est partout répété par les gens cherchant à se rassurer que la vérité pourra être changée.

    Au delà du moi.chap " Le prix de la Liberté"

    " What do you want?" demandait si souvent Swamijii. Que voulez vous? Est-ce que vous le voulez vraiment? Est(ce que vous en ressentez la nécessité impérative? Voulez vous vivre le chemin ou le rêver? Voulez vous oui ou non vous évader de la prison?

    A la recherche du Soi, chap. " Mahakarta, mahabhoka".

    Lors de ma première rencontre avec Swamijii, j’étais à la fois très touché et très dérouté. Confusément, je sentais que quelque chose de tout nouveau allait commencer dans mon existence. Swamijii m’a posé une simple question : " What do you want?" C’est la question la plus simple. Vous êtes venu. Que voulez vous? J’ai répondu " atma darshan", la vision de l’atma, la vision du Soi. J’étais sincère. Depuis quinze ans, je pratiquais des techniques de vigilance et de méditation, depuis six ans je sillonais l’Inde, je venais de vivre plusieurs mois en milieu tibétain, tellement impressioné par les grands rinpoché. Swamiji a souri : " Very nice, très bien." Je n’ai pas vu ce qui était contenu dans ce "very nice" très affectueux. Cinq ans après, je me suis retrouvé assis devant swamiji, les larmes aux yeux. J’ai demandé à Swamiji : " Est ce que Swamiji se souvient de mes premières paroles?" Swamiji se souvenait. Mais cinq ans après, qu’est ce que je voulais? Je voulais si fort, si fort, si fort…quelque chose qui n’avait rien à voir avec la vision du Soi…Cinq ans pour en arriver là.

    Le Vedanta et l’inconscient, chap." L’érosion du désir".

    Citations extraites des ouvrages d’Arnaud Desjardins

  • Quand Cela est là,  » je » s’efface

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    Ce matin, je me promenais au bord de la mer. Puis je me suis assis sur un banc. J’ai regardé le ciel immensément bleu et je me disais : " ça fait quand même un peu peur tout cet espace tellement ouvert" Et en même temps, Cela me renvoyait à : " Il n’y a pas mieux". C’est ce que je veux, c’est là que je veux aller" Comme un miroir. Le miroir d’un intérieur dont les mots ne peuvent pas vraiment rendre compte…Aussitôt qu’il y a un mot posé sur la page, cela restreint, amoindrit la situation, la dénature…

    Même la jouissance sexuelle est inférieure à ce dont j’ai l’intuition en regardant ce ciel. Parce que Cela dont j’écris ne dépend pas de quelque chose de particulier et Est là, tout simplement, installé de façon parfaitement sereine. C’est seulement moi qui l’oublie le plus souvent.

    Cela se rappelle à moi.

    J’en viens maintenant à un second point. L’autre jour, nous discutions avec une amie du personnage mystique. La scène décrite ci-dessus aurait eu lieu il y a quelque années, j’aurais été saisi, pris, emporté par ce personnage mystique car toutes les conditions extérieures ( début de journée extra lumineuse, ciel et soleil réunis, silence devant la mer etc) étaient très favorables à l’éclosion de ce personnage.Il y aurait eu inmanquablement un aspect exagéré, un vertige, une joie extrémiste. La situation m’aurait en quelque sorte englouti.

    Et bien, ce matin, pas du tout, je me sentais parfaitement calme, apaisé, tranquille, analysant même ma situation intérieure et voyant nettement la différence entre un aspect de moi particulier, le personnage mystique, et quelque chose qui dépasse tout, tellement ouvert…

  • Lettre à Roger

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    Bonjour Roger ou plutôt Salut Roger,

    D’emblée, je me permets de débuter ainsi ma lettre, parce que je sens avec vous , dans votre livre, une proximité immédiate. J’ai lu votre livre, votre histoire et en suis sorti ( ? ) ému, assez bouleversé mais aussi très heureux. Vous êtes tout simplement une nouvelle preuve tellement vivante de la possibilité d’émancipation absolue de notre condition d’homme : humain et divin à la fois.

    Dans des conditions d’existence infernales, vous témoignez d’une liberté inouie, souveraine qui dépasse il faut bien le dire, en tout cas pour moi, l’entendement ordinaire. Je ne peux pas ne pas penser à " la joie qui demeure" " une paix qui dépasse tout entendement".

    Je pense assez souvent à vous. Je veux vous offrir, vous donner quelque chose.Alors, une des plus belles choses que je puisse vous donner, partager avec vous aujourd’hui, est le dernier séjour que j’ai fait dans un centre de yoga cher à mon coeur.

    J’ai la chance cette semaine d’avoir participé à un stage très intense avec des compagnons de route sur le chemin de nos vérités respectives. Il faisait très beau, froid sec, soleil éclatant l’après midi, énergie lumineuse.

    Nous commencions nos journées par une méditation collective dans ce que nous appelons la grande salle. Là, le silence est immense, presque palpable et permet et invite chacune, chacun, à  intériorité et  travail sur soi. Ensuite, nous prenons notre petit déjeuner et c’est aussi un grand moment parce que nous amenons à table nos rêves, les examinons pour tenter de voir, souvent avec beaucoup de succès, leur sens. Le plus marrant dans tout çà est que très souvent la personne qui raconte son rêve est souvent la seule qui ne comprend pas bien.

    Une semaine où nous pouvons chacun, chacune, à sa mesure, explorer un peu de nos inconscients et c’est très utile pour mieux comprendre les obstacles qui nous empêchent de vivre l’instant présent., d’être ce que nous sommes vraiment.. Une semaine où nous exerçons notre vigilance et mettons en pratique ce que nous avons compris. Il y a aussi quelques réunions collectives de partage si intenses et authentiques ou chacun, chacune, est invité à faire le point sous le regard bienveillant et l’écoute active et généreuse des autres.Voilà un peu de ce stage que je suis heureux de partager avec vous car je sais que vous apprécierez.

    Vous savez  Roger, je sais un peu de Cela dont tu témoignes. Il m’arrive de temps en temps d’être éclairé par Ce que tu sais et Es. Et bien, même maintenant ( j’ai 57 ans et demi), au bout d’un certain nombre d’expériences concluantes en ce domaine, je n’arrive pas encore à pleinement y croire et surtout à l’incarner. La raison principale de ceci est la très grand influence passée de ma culture judéo chrétienne, pour laquelle, il n’est pas admis en fait de véritable réalisation en Dieu. Réaliser le Mystère de la Foi ne parait pas vraiment au programme.Ceci dit, je ne désespère certainement pas et je continue d’avancer à ma mesure.

    Laissez-moi  maintenant vous offrir les plus belles choses du monde. Celles-ci ne sont pas vraiment d’ordre matériel mais  sont  seulement recouvertes de matière. Paix, silence, beauté, amour, amitié

    Laissez moi aussi vous offrir  des nourritures plus terrestres comme la bonne chair, du vin si vous aimez , beaucoup de douceur et de simple mais si forte chaleur humaine, tout ce que vous n’avez  pas et qui doivent parfois vous manquer si cruellement.

    Bien sûr, je ne peux pas ne pas vous écrire que vous êtes pour moi une source d’inspiration. Comment, en effet, après la lecture de votre livre pouvoir me plaindre de ma vie quotidienne avec ses petits tourments et aléas dérisoires au regard de ce que vous vivez . Pendant que vous êtes  au ciel en vivant l’enfer, comment pourrais je me plaindre ? Non, ce n’est pas sérieux. En fait, je ne peux pas vraiment me rendre compte de votre situation. Je peux seulement imaginer mais c’est si peu. Je vous donne aussi mes promenades au bord de la mer, les ciels si riches et changeants de la Côte d’Emeraude. J’habite en Bretagne West of France. 

    Je vous souhaite très fort de sortir de votre prison extérieure. Pour le reste, vous êtes vraiment bien parti ou arrivé d’ailleurs ( rire).

    Votre  vie est une lumière dans la nuit, la preuve que c’est possible d’incarner une réalité d’un autre ordre, non dépendante et bienheureuse. Vous êtes un frère de plus d’Etty Hillesum et de bien d’autres.

    Quelque chose m’a aussi particulièrement touché, c’est le fait de me sentir immédiatement proche de vous. Une proximité d’évidence difficile à expliquer. Votre simplicité déconcertante entre directement dans mon coeur. Pas de théorie, rhétorique, mots savants, rien que de l’humain et la grâce qui dépasse l’humain. L’incarnation de la croix : horizontal et vertical.

    Une des questions les plus importantes me semble celle ci : comment est-ce que je puis mettre en pratique, m’inspirer de votre expérience? Et bien, je tente le plus souvent possible et j’oublie aussi très souvent de me souvenir de vous et vos conditions de vie. Par exemple, si je sombre un peu dans une espèce de routine somnolente, mécanique ou quand j’ai quelque ennui. Je me souviens parfois de votre réussite spirituelle souveraine en plein coeur de l’enfer. Je me dis : " pense à roger". Imagine un peu de ce qu’il vit et lui, est le plus souvent heureux, rempli d’un sentiment de gratitude par rapport à toutes les épreuves qu’il traverse. Une compréhension non ordinaire qui m’aide à me dépasser, à ne pas m’apitoyer, me plaindre.

    Allez, Salut Roger, très bon courage pour vous et vos  amis…Et si un jour, vous venez  en France, je vous invite dès maintenant à venir me voir et je vous montrerai ma famille et mes amis les plus chers.

    Je ne sais pas si j’envoie cette lettre. Ce n’est pas si important que çà. Car cette lettre, je vous l’envoie dès maintenant de coeur à coeur à travers l’espace infini dont vous avez bel et bien trouvé la clé.

    Amitié fraternelle soutenue

    Georges.

    ( pour plus d’informations, vous pouvez lire son livre évoqué dans un précédent message de ce même blog ou visiter le site officiel qui lui est consacré)

  • Vivre

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    La mort est tout ce qui donne vraiment son sens à la vie

    Tout le mystère ne vient il pas de ce que nous allons mourir

    Grâce à  la mort certaine qui nous attend tous,

    mille occasions nouvelles nous sont données

    pour avancer sur un chemin de transformation,

    de connaissance de soi

     

    Chaque jour permet de mesurer l’immense chance, opportunité d’être vivant

    Chaque jour permet de sentir son cœur qui palpite

    Chaque jour permet de voir à l’œuvre tous ces sens

     

    Quel extraordinaire miracle que vivre : respirer, marcher, sentir, aimer

    Etre, se sentir être, être en vie

    Merci

  • Pâques

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    Editorial de Pâques par François régis HUTIN dans Ouest France du 23 mars 2008.

    Pâques, c’est l’espérance, l’espérance comblée. Pâques, c’est ce qui est espéré qui se trouve réalisé. C’est le retour, le resurgissement de la vie dans la toute puissance de l’élan vital. Pâques c’est le passage de l’hiver au printemps.

    C’est dans ce moment de passage que les chrétiens célèbrent la résurrection de ce condamné abominablement exécuté qui s’appelle Jésus. Evénement incroyable, provoquant certes, mais qui projette vers l’avenir par toutes les questions qu’il soulève, à commencer par celle qui se pose sur le sens de la vie, de notre vie…

    C’est là que survient l’espérance. L’espérance que notre vie ait un sens.

    " Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne.
    ça c’est étonnant,que ces pauvres enfants voient comment tout ça se passe.
    Et qu’ils croient que demain ça ira mieux, qu’ils voient comment ça se passe aujourd’hui.
    Et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin.
    ça c’est étonnant et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce et j’en suis étonné moi-même..
    C’est l’espérance, c’est elle, cette petite qui entraîne tout…
    Une force unique, une fraîcheur, comme l’aube.
    Une jeunesse, une ardeur,
    Un élan
    La petite espérance est celle qui toujours commence…" (1)

     …Et recommence comme le printemps revient toujours après l’hiver, comme une promesse tenue, comme un élan qui toujours se renouvelle.

    (1) Charles Péguy  Le porche du Mystère de la deuxième vertu.

  • Vigilant

     

     

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    Quand tu ne veux plus rien

    Tu es simplement témoin

    Alors, s’ouvre un sentiment de plénitude

    Sans aucune raison particulière

     

    Tu jouis de l’être pur

    Sans entraves, nul lien

     

    Tu es une conscience à double visage

    Celle qui voit, touche, ressent

    Celle qui permet de voir, toucher, sentir

    Tu es deux qui ne font qu’un

     

    Goûter de tels instants de présence

    permet de se relier au mystère

    Apprécier cette simple joie d’être

     

    A force de ne rien attendre du tout,

    le moi finira bien par céder,

    lâcher prise

     

     

  • Messages de vie du couloir de la mort

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    Tel est le titre de l’incroyable et bouleversant livre de Roger W.McGowen.

    Après une telle lecture, un tel choc qui j’espère durera, je suis plutôt sans mot pour l’instant. Aussi, je préfère vous écrire ce qui est  écrit sur la couverture de ce si  etonnant livre

    "Né dans le pire guetto de Houston, Texas, Roger W.McGowen, devenu citoyen modèle, est depuis 16 ans dans le " couloir de la mort" pour un crime qu’il n’a jamais commis. Cet autodidacte de la spiritualité est un esprit universel qui sait rassembler, là ou tout devrait diviser.

    Ce livre est un témoignage poignant et étonnant sur la résilience de l’être humain. C’est un cantique à la grandeur d’un individu qui a su et qui sait encore grandir, partager, aimer, pardonner dans un enfer carcéral dont chaque dimension est faite pour écraser l’homme. Mais c’est aussi un regard lucide et sans détours sur un des systèmes carceraux les plus inhumains de la planète, le couloir de la prison de Livingston, au Texas (Etats Unis).

    Certains détenus deviennent littéralement fous. D’autres, bien plus rares, deviennent de grands sages. Roger W.Mcgowen, lui, a choisi, dans cet enfer, de devenir totalement responsable de sa vie, d’oser l’amour et le pardon.

    Un témoignage unique et bouleversant de sincérité et de vérité profonde!"

     

    " Je te mets en garde, lecteur ! Le choc de ce texte est imparable, l’ébranlement qu’il cause profond et durable. Dans une cellule de deux mètres sur trois où la lumière coule par une meurtrière (!)  large comme la main, Roger, noir américain, incarcéré pour meurtre, condamné à mort et innocent, nous enseigne la liberté." Christiane Singer

    (…) Je crois que nous sommes tous un, que nous sommes un avec tout et tous sont un avec nous. Il n’y a plus de toi ou de moi, nous sommes le tout et le tout est en nous. C’est pour cela que lorsque je vois des choses dont je sais qu’elles ne sont pas justes, cela me fait mal, parce que ce qui est fait à une seule personne est fait à nous tous. Nous sommes tous enfants de Dieu et en même temps nous sommes Dieu parce que nous sommes une partie de Lui. Quand nous nous faisons du mal les uns aux autres, c’est en fait à nous mêmes que nous faisons du mal. Tout ce qui existe est Dieu. Il est tout et tout est Lui. Quand nous méditons, nous nous ressourçons pour un instant dans notre origine, et nous ressentons ce que nous sommes vraiment, et c’est l’amour, parce que l’amour est tout, l’amour est Dieu. Nous sommes tout et nous ne sommes rien. Jésus a dû mourir et devenir rien pour devenir quelque chose."

    Roger W.McGowen