Ceci est un article directement inspiré par le dernier livre d’Yves Rémond. S’il vous touche, souvenez-vous qu’Yves sera avec nous à La Bertais très prochainement et que les inscriptions pour participer à son séminaire sont ouvertes. Pour y participer => cliquez ICI

RAMA : Je suis l’Espace vide. Ce qui existe est l’Espace vide. La Conscience est l’Espace vide. Le monde est l’espace vide et l’Espace vide n’est que l’Espace vide. Une fois parvenu à l’unicité de l’espace de la Conscience, adore cet espace du « Un » ! (192.62). Grâce à la connaissance et à l’investigation sur l’espace vide, l’être tout entier devient pareil au ciel…( 195.63)
L’Espace vide dont il est question ici est bien sûr la Conscience, Brahman. Le terme utilisé ici et traduit par « espace vide » est kha. Ce mot neutre signifie en premier lieu un trou, une cavité, une ouverture, puis par extension l’espace vide, l’air, le paradis…
Tout chercheur spirituel devra un jour ou l’autre, plus ou moins progressivement, se retouver face à ce vide. Vide de quoi ? Vide du mental. Cela commence par l’espace vide de pensées discursives. Cette appellation « espace vide » est juste une appellation, un nom donné par le mental à quelque chose dont il est absent. En fait, cet espace n’est pas vide du tout, il est seulement vide du mental. En réalité, cet espace est plein, il est le Plein, plein du Plein, rempli du Brahman.
Purnam adha, purnam idam, purna purnam udacyate, purnasya purnam addaya, purnam evavasisyate » : Ceci est le Plein ; cela est le Plein ; le Plein provient du Plein ; si l’on retire le Plein du Plein, le Plein demeure » dit la Brihadaranyaka Upanishad (V.1.1).
Il faut donc enquêter sur cet espace qui se présente comme « vide » et affronter sa peur du vide. Tant que l’on croit à la réalité du mental et de ses productions, il est nécessaire d’y aller doucement. La perséverance et l’habilleté seront de mise pour ne pas faire lever de trop fortes réactions, mais aussi pour garder son axe et sa détermination. En effet, aux yeux du mental, un espace vidé de lui-même est apparenté à sa propre mort, et il a peur. En fait, c’est lui qui a peur pas nous ; mais tant que nous nous identifions à lui, nous disons et ressentons : « j’ai peur ».
Quand on s’est suffisament accoutumé à cet « espace vide » et que l’on a commencé à goûter, apprécier et reconnaître sa paix, son silence et sa plénitude, commence alors une seconde partie du chemin : l’adoration. « une fois parvenu à l’unicité de l’espace de la Conscience, adore cet espace du « Un » . Le verbe « adorer » peut suprendre dans ce contexte de connaissance, mais c’est pourtant bien le terme choisi par RAMA (bhaja de la racine BhAJ- qui a donné bhakti et qui signifie adorer, prier, pratiquer). Cela montre déjà qu’une fois arrivé à un certain niveau de réalisation, les cloisonnements entre voie de la dévotion (bhakti yoga), voie de l’action (karma yoga), et voie de la connaissance (jnana yoga) n’ont plus vraiment lieu d’être. Il est question ici de libération et il ne s’agit donc pas de s’enfermer dans un dogme de plus, par exemple : la connaissance n’a rien à voir avec la dévotion. De quelle adoration s’agit-il ici ? Un long et magnifique passage du YOGAVASISTHA (VI.I.29.85 à VII. 43.46) détaille sous la forme d’un dialogue entre le sage VASISTHA et le dieu Shiva ce qu’est la véritable adoration: c’est l’adoration du Soi. En voici quelques extraits :
Shiva :
Le Soi est le dieu intime auquel on rend hommage avec les fleurs de la paix du coeur et de la connaissance.Oui, voilà l’adoration! L’adoration de la forme n’est pas l’adoration ( 29.127)
Les gens ont délaissé l’adoration qui passe par la connaissance du Soi. Ils se sont trop longtemps attachés à des idoles factices et maintenant, ils goûtent à la souffrance ( 29.128)
Le seul dieu est le Soi, au plus profond de nous-mêmes. La cause ultime est le Soi. On doit l’honorer sans cesse d’une dévotion envers la Connaissance. (29. 230)
Une fois que l’agitation mentale a cessé, cette adoration de L’Atman peut débuter. C’est une adoration silencieuse, une mise en présence et un ababdon. Adorer de cette façon, c’est s’habituer à demeurer dans ce silence et cette paix, jusqu’à ce que le Soi, si intime, si nature, se révèle, et cela ne dépend pas de nous, mais de Lui. Comme dans l’image chrétienne des vierges folles et des vierges sages, notre part consiste à rester devant le seuil du palais ; la porte s’ouvrira quand l’ordre en sera donné au portier. En attendant, rien ne sert de tempêter de mille et une façons, rien n’y fera ; il vaut mieux rester attentif et prêt au moindre entrebaillement de la porte.
Yves Rémond – « L’éveil dans le Yogavashista » -pp241.242.243