Avec cette série d’articles promis dans mon introduction, j’aborde donc le dernier livre d’Arnaud que je viens de relire et que j’annonçais comme une admirable synthèse de l’enseignement pour une véritable progression sur le chemin.
C’est dire à quel point il m’a touché, remué, brassé même et ainsi permis de m’ouvrir à une compréhension plus large de la Voie de la Connaissance. Il est clair que « Pour une mort sans peur » dépasse largement son simple titre ; ce thème de la mort est spécifiquement abordé dans le chapitre 3.
Nouvelle approche de la souffrance, de la peur et de la mort
D’emblée, le ton est donné avec cette causerie qui est un grand « classique » à la Bertais et qui s’intitule « La seule issue ». J’étais vraiment heureux de la retrouver dans ce livre, l’ayant réentendue avec profit lors d’un séjour en début d’année…
Arnaud nous donne une clé, certainement « LA » clé majeure pour amorcer une vraie transformation de nos vies : « Il est possible de dissocier le fait douloureux et la souffrance elle-même. Là, et là seulement se trouve la réponse. »
Dorénavant, cette parole – que l’on retrouve un peu plus loin – ne me choque plus et ne m’est plus insupportable à entendre : « Vite, vite, une souffrance, pour que ma progression aille vite, pour que je puisse mettre en pratique. (…) Pour le plus vite possible, découvrir le Secret, le Secret de la Conscience, le Secret de l’Être, le Secret de la Réalité, le Secret de la Vie. »
Après la transmission de ce grand secret, Arnaud nous invite à aborder les choses avec un angle d’attaque bien précis : « Vous ne pouvez avoir l’expérience réelle du bonheur que quand la peur a disparu. » Vaste sujet où, j’ai découvert combien la peur est insidieuse dans la mesure où elle est – avant tout – un conflit à l’intérieur de nous-mêmes. Ce qui donne cette parole forte d’Arnaud : « Osez-vous souvenir de cet enseignement révolutionnaire : (…) la peur est une attraction négative. »
Avec le chapitre 3, c’est donc le thème de la mort qui est abordé et justifié d’une phrase percutante : « Il n’y a de spiritualité digne de ce nom que si la mort est totalement acceptée. » Et Arnaud va même beaucoup plus loin en affirmant : « La mort n’est ni un échec ni un scandale. C’est le moment le plus important de la vie. » Et pour se justifier, Arnaud nous rappelle ceci : « Ce n’est pas de mourir qui est terrible, c’est le fait de cesser de vivre quand on porte en soi tant de désirs inaccomplis, de craintes non rassurées, tant de frustrations et de vasanas. »
Notre véritable nature
Après cette entrée en matière très convaincante, c’est un autre versant qui est abordé avec les quatre chapitres suivants intitulés : « Advaïta », « Le réel et l’irréel », « Psychologie et Métapsychologie » et « Du limité à l’illimité ». Celui de notre réalité humaine profonde.
« Le sens d’une vie humaine, c’est cet éveil, cette re-découverte de votre véritable nature » nous dit Arnaud. Oui, d’accord, mais quelle est-elle ? Elle passe d’abord par la reconnaissance d’une dualité en nous et de ce triple constat : « Combien c’est douloureux de vivre dans son monde, deuxièmement combien c’est mensonger, erroné, et troisièmement qu’il est possible de cesser d’y demeurer emprisonné. »
Pour illustrer la réalité, Arnaud s’appuie énormément sur une image très parlante pour lui, l’ancien réalisateur de la télévision, celle de l’écran et du film. Tandis que le film change en permanence au fil des images, l’écran, lui, demeure immuable et non-affecté par la projection des images. En reconnaissant l’immuabilité de l’écran, Arnaud nous assure que : « Le but, le point d’arrivée, est déjà là. Si vous le croyez, si vous en êtes convaincus, vous tenterez cette démarche. »
Et cette démarche s’appuie sur une bonne connaissance de qui nous sommes et aussi sur la tradition : « Revenez à la triade traditionnelle, le corps, l’âme et l’esprit. C’est abusivement simplifier que de distinguer simplement un corps mortel et une âme immortelle. » Pour cela, il faut se méfier de ne pas tomber dans le piège de l’identification. Car, comme nous le rappelle Arnaud : « Je suis une Conscience Témoin, que rien ne peut atteindre, que rien ne peut affecter, libre. »
Autre piège qu’il faut déjouer tout au long d’une sadhana bien menée, c’est celui de la séparation : « La grande illusion, c’est celle de la séparation », insiste Arnaud. Cela passe par une prise de conscience de notre étroitesse, de notre petitesse : « Il faut que (…) vous commenciez à souffrir réellement d’être si mesquin, étroit, rabougri. Devenez plus vaste jusqu’à la vastitude complète qui sera la réalisation du Soi. »
Un chemin vers la Libération
Avec les trois derniers chapitres « La danse de Shiva », « L’enseignement ultime » et « Un chemin concret », c’est un autre versant que nous abordons, celui de la perspective d’un aboutissement pour un travail mené intensément et qui débouche sur la Libération, la grande affaire d’une vie.
Arnaud décortique bien ce qui différencie les approches orientales et occidentales où, dans cette dernière, le Dieu Créateur reste extérieur à sa création. Or, pour les spiritualités orientales : « Dieu créateur disparaît en même temps que sa Création. Si Dieu cesse de créer, le Dieu créateur disparaît. » De même pour le Témoin qui va bien au-delà de cet observateur recommandé pour se distancier de l’ego : « Si vous n’êtes plus conscient que du Témoin, le spectacle s’efface, donc le spectateur s’efface aussi. Seule demeure la Pure Conscience. ». Alors « La Vie, la shakti, l’énergie divine s’exprime à travers vous. (…) L’illusion de l’ego, ahamkar, consiste à oublier que c’est Shiva qui danse en vous et à croire que c’est vous qui dansez. »
Comment faire comprendre ce qu’est la But de ce chemin, c’est l’interrogation d’Arnaud : « Comment essayer de faire pressentir un plan de conscience dépassant l’expérience ordinaire à des êtres qui n’ont pas dépassé cette expérience ? (…) Un Eveil qui, lui, transcendera votre plan de conscience, et c’est cet éveil qui a été appelé très justement : Libération. ». L’occasion pour Arnaud de dire que le cœur de son enseignement spirituel : « C’est la Réalisation. Et seule cette Réalisation vous comblera. (…) Ce à quoi nous aspirons, c’est l’au-delà de tout, l’Absolu. »
Aussi Arnaud termine cette vaste vision panoramique par la proposition d’un chemin concret pour aller au plus près de : « La Libération de tout vous-même. » Pour progresser, il s’agit d’abord de faire grandir une vigilance de chaque instant : « Vous avez un point d’appui pour la vigilance, c’est cette petite émotion, cette petite réaction égocentrique : « ça y est, je viens d’être touché ; ça m’a fait quelque chose. » » Et pour être libre vraiment de « son » monde, il convient de s’appuyer sur une véritable connaissance de soi. Car, comme le dit Arnaud : « Vous êtes prisonnier par manque de connaissance de vous-même, de vos mécanismes et de vos fonctionnements. (…) Et on ne peut pas connaître ce qu’on n’a pas étudié. » Et cette connaissance débouche sur la non-dépendance, seul véritable bien Absolu.
Oui en écrivant « Pour une mort sans peur » Arnaud nous livre une approche vraiment globale et complète de son enseignement qui en brosse tous les grands aspects. C’est une véritable boîte à outils précieuse pour tous les apprentis-disciples que nous sommes. Et cette injonction résonne agréablement à mes oreilles : « Si vous arrivez à comprendre et à voir que la Réponse absolue, la Réalisation et la Liberté suprême, c’est uniquement votre affaire, alors il y a vraiment une espérance. »
Quelques citations
« Il est possible que la souffrance cesse d’être douloureuse et possible que le bonheur soit vraiment heureux. » (page 32)
« Nous avons peur de ce par quoi nous sommes attirés. » (page 37)
« Découvrir peu à peu ce qui est au-delà de ce que nous nommons nous, à tort, la vie et la mort mais qui en vérité est la naissance et la mort, la mort et la naissance, la vie étant le jeu indéfini des morts et des naissances. » (page 80)
« L’existence, minute après minute, consiste à tenter de faire disparaître la dualité et de revenir à la non-dualité. » (page 107)
« Si vous supprimez l’irréel, le Réel subsiste. Tandis que, si vous supprimez le Réel, non seulement le Réel disparaît, mais l’irréel aussi. » (page 122)
« Vous vous laissez prendre complètement par le film de vos existences et vous oubliez l’Essentiel. C’est le « crime contre le Soi ». » (page 129)
« Le péché originel, c’est l’oubli, l’ignorance de cet autre niveau et l’immersion complète dans le domaine psychologique, l’identification » (page 133)
« Vous êtes appelés à cela, à passer de la mesquinerie et de l’étroitesse de votre conscience à l’immensité et à la vastitude de la Conscience. » (page 176)
« Votre vraie réalité c’est cet immuable, absolument pur et dépouillé de tout attribut, de toute qualification. Et c’est cet immuable ou ce non-manifesté qui est appelé atman. » (page 191)
« Ce qui est vu, le fait de voir et celui qui voit sont en vérité Un. (…) La Réalité, au sens oriental du mot Réalité, est véritablement une. » (page 217)
« « C’est ». A partir de là, une réponse peut être donnée, d’instant en instant. Si cette non-dépendance s’est établie, il n’y a plus de crainte pour l’avenir. » (page 245)