Auteur/autrice : Georges Morant

  • L’égo

     

    (…) L’égo n’est pas un objet; c’est plutôt un processus qui accompagne la propension à l’emprise et encourage à s’accrocher à des idées et à des identités fixes. Ce que nous appelons égo est en réalité une perception perpétuellement mouvante et, bien qu’il occupe une place centrale dans notre histoire narrative, ce n’est pas une chose. Aussi ne peut-il pas réellement mourir, ni être tué ou transcendé. Cette tendance à se cramponner se manifeste quand nous interprétons de façon erronée le flux constant de notre corps et de notre esprit et le prenons à tort pour un moi solide, immuable. Nous n’avons pas besoin de nous défaire de l’égo- ce sentiment du moi, immuable, solide et malsain – pour la bonne raison qu’il n’ jamais existé. Le point à retenir est qu’il n’y a pas d’égo à tuer. Ce qui meurt, c’est la foi en un moi durable, qui ne change pas, Le terme d’égo peut tout de même apporter une référence utile, mais il faut veiller à ne pas engager de  bataille contre quelque chose qui n’existe pas. Paradoxalement, quand nous combattons l’égo, nous renforçons les illusions du moi, rendant contreproductifs nos efforts pour accéder à l’Eveil.

    L’égo étant fréquemment identifié en termes négatifs, surtout dans les milieux bouddhistes, mon père prenait soin de me rappeler que nous possédons aussi un ego sain- ou un sentiment sain du moi. Il s’agit d’aspects du moi qui savent intuitivement distinguer le bien du mal, faire la distinction entre protection et tort, connaître instinctivement ce qui est vertueux et salutaire (…)

    POUR  L’AMOUR DU MONDE –  page 68 – Yongey Mingyour rinpotché – Editions Fayard

  • This is the Way

     

    (…) Tout le chemin spirituel pourrait se résumer au fait de se qualifier pour être en mesure de se laisser absorber par un niveau supérieur. Ce n’est pas à la vague d’accueillir l’océan. L’accueil pour la vague, c’est de se laisser accueillir par l’océan. Le chemin ne consiste donc pas à continuer à se prendre pour une vague pour ensuite vouloir « se donner » à Dieu.

    Swami Randa disait : (…) Il ne s’agit pas de se donner à Dieu, mais plutôt d’entrer  dans un profond silence pour entendre Dieu nous dire : « Tu m’appartiens ».

    Eric Edelmann dans son livre : ‘Dans la splendeur du vrai » page 203

     

  • Tranquille

     

    « Sri Ramana Maharshi utilisait deux citations de la Bible, et disait qu’il y a là deux énoncés qui sont purement védantiques.

    Ces deux citations viennent, le premier de Exodus chapitre 2, quand Dieu révèle son nom à Moise : Je Suis celui qui Suis. Être absolu

    La seconde citation vient d’un psaume qui est la plus belle prière de la tradition juive. « Soit tranquille et sache que je suis Dieu ». C’est ce que le prophète Elijah a expérimenté un jour. Ceci est en fait le cœur de l’enseignement de Bhagavan Ramana Maharshi

    Sois silencieux. Quand vous êtes ce Silence antérieur avant toute pensée. Ce n’est pas l’absence de pensées, ce n’est pas l’interruption des pensées ; qui serait une sorte de silence artificiel. Le vrai Silence est toujours présent. Même quand vous cessez les pensées, ce Silence était déjà là. Vous ne pouvez pas le créer, le forcer ; Il est toujours présent, naturel, spontané.

    Quand vous demeurez dans ce Silence intérieur naturel, vous vous reliez avec le Cœur, et vous recevez la transmission du maître, du Guru, du Cœur. Ceci est l’enseignement le plus haut, le langage du Silence, sans un seul mot, de cœur à cœur.  La Présence sous la forme du Guru, du cœur du Guru, Présence dans le cœur du chercheur, il n’y a nul besoin de mots. Les mots sont seulement quand vous n’arrivez pas encore à vous relier à votre Soi le plus profond. »

    Satsang avec Swâmi Atmananda : « Seul le Silence entend le Silence » 23. 10.18 Ajatananda Ashram Rishikesh

  • Méditer

    « …L’étymologie du mot « méditer », du latin mederi, signifie justement » prendre soin » et dans sa forme fréquentative, meditari, prendre soin souvent, régulièrement.

    Statue du Bouddha dans le temple de la Mahabodhi – Bodhgaya – Inde

    Le fait de s’accorder un moment pour s’asseoir et faire retour en soi-même est une prise en compte à la fois respectueuse et bienveillante de ce que nous sommes à tous les niveaux, du plus grossier au plus subtil. Une telle observation de soi correspond à un assentiment profond, un accueil impartial et enveloppant qui permet une transition de « ma vie » à la Vie. Le sentiment de véritable affirmation qui en résulte provient non pas du fait de prendre, mais de lâcher prise. On en arrive à l’opposé de l’expérience courante qui considère que l’affirmation ne peut passer que par les anciens reflexes : vouloir tout fixer retenir ou arrêter le courant. Au contraire, on ouvre la main pour laisser passer l’eau ou le sable. La main représente ici une attitude intérieure d’ouverture à l’immédiateté de l’instant. On joue de tout son être le jeu du changement en cessant de s’agripper à quoi que ce soit. Ce qui émerge à la fine pointe de cette impression de fluidité est la présence d’une constance, la permanence de la vigilance. La trame du moi se desserre peu à peu et nous fait sentir de plus en plus transparent, laissant la place à un silence vivant, vibrant. Tel un bourdonnement silencieux, une qualité énergétique s’intensifie, mais il ne faut pas se l’approprier. A l’image d’un morceau de sucre qui fond dans un verre d’eau, les limites artificielles et conditionnées perdent momentanément de leur consistance… »

    Eric Edelmann dans son dernier livre : La SPLENDEUR DU VRAI page 200, 201

  • Toute la voie consiste à passer de l’extérieur vers l’intérieur…

     » La vie est si curieuse, si surprenante si nuancée, et chaque tournant du chemin nous découvre une vue entièrement nouvelle. La plupart des gens ont une vue conventionnelle de la vie, or il faut s’affranchir intérieurement de tout, de toutes les représentations convenues, de tous les slogans, de toutes les idées sécurisantes, il faut avoir le courage de se détacher de tout, de toute norme et de tout critère conventionnel, il faut oser faire le grand bond dans le cosmos : alors la vie devient immensément riche, elle déborde de dons, même au fonds de la détresse.
    Etty Hillesum, Une Vie bouleversée, journal 1941- 1943, Seuil, 1981, page i56

    Tout d’abord enfermée dans un camp de transit pour être ensuite déportée à Auschwitz, cela ne l’a pas empêché de constater :  » Chez moi, tout va de l’intérieur vers l’extérieur, non en sens inverse. Généralement, les mesures les plus menaçantes- et elles ne manquent pas en ce moment- viennent se briser sur ma certitude intérieure et ma confiance et, ainsi filtrées en moi, perdent le plus clair de leur caractère menaçant. »

    Eric Edelmann dans son dernier ouvrage : LA SPLENDEUR DU VRAI page 43, 44

    La richesse du monde intérieur d’Etty Hillesum se révèle à la mesure de la perte du pouvoir qu’exercent sur elle les circonstances extérieures. D’où cette instruction que j’ai reçu de la part d’Arnaud ;

    En arriver à la décision radicale : je ne veux plus que l’extérieur ait pouvoir sur moi.

    Le programme devient beaucoup plus clair, concret- et difficile.

    Toute la voie consiste à passer de l’extérieur vers l’intérieur. Elle consiste en exactement tout le contraire de ce à quoi nous sommes habitués.

    ARNAUD

  • La relation entre le penseur et les pensées

    Marari – Kerala – India – 04-02-2018

    (…) Il n’y a un penseur que quand il pense et les pensées sont un flux, une succession, un changement incessant. Le penseur proprement dit n’est donc en rien un « je suis » permanent. Mais ce courant, cet engrenage, est sous-tendu par une Conscience immuable.

    CHIT en sanscrit désigne cette Conscience

    En soi, CHIT n’est impliqué ni dans le temps, ni dans l’espace, ni dans le jeu des causes et des effets, ni dans la mesure (quelle que soit l’unité de mesure), ni dans l’attraction et la répulsion. C’est cette Conscience supra-individuelle qui se laisse entrevoir dans « l’intervalle entre deux pensées » sur lequel aussi bien le yoga que le védanta ont tant insisté.

    (…) Elle est, c’est tout, SAT (l’Etre) et CHIT (la Conscience), infinie et éternelle. Tout le voyage se déroule à l’intérieur de la Conscience, dans le champ de la Conscience. La Conscience ne se déplace pas. Certes, le corps physique est toujours situé en un point de l’espace  et en un point du temps mais le temps et l’espace apparaissent dans l’infini de la Conscience. Ce n’est pas « vous » au sens ultime de « Je » ou « Je suis », qui accomplissez le voyage, c’est en Vous que le voyage s’accomplit.

    (…) Cette Conscience infinie a été évoquée de différentes manières dans des langues différentes mais toutes pointent vers l’ultime profondeur en nous-mêmes, vers la Source divine ou métaphysique de notre conscience d’être individuelle soumise à la souffrance et la peur. C’est l’ignorance de cette vérité sur vous-mêmes, ou quant à vous-mêmes, qui est la cause de toutes les frustrations et de toutes les angoisses. Eradiquer la cause pour éradiquer de nos cœurs la souffrance, c’est se délivrer de la conscience limitée à l’égo par l’égo.

    ARNAUD

    LA PAIX TOUJOURS PRESENTE : Chapitre 1 : Guérir de la souffrance, pages 38, 39, 40

     

  • Un poème de Tagore

    Les douleurs qui se balancent dans le sang

    En deçà de la conscience

    Ne sont que des bulles dans le flux de la pensée

    Sans identité fixe…

    Ce dont l’intelligence se moque en le traitant de faux

    C’est cela la racine du vrai

    La sève qui secrètement le nourrit

    S’épanouit dans les fleurs et les fruits.

    Derrière le sens, l’absence de sens

    Distribue son ombre colorée :

    La réalité forge nos chaînes

    L’illusion nos jouets

    Rabindranath Tagore

  • A NOUS DEUX SOUFFRANCE

     

    C’est la possibilité même de souffrir qui peut être extirpée d’une existence humaine.
     Voilà une première façon bien concrète de comprendre ce qu’est la Libération. A défaut d’être une approche complète, c’est en tout cas une approche parfaitement exacte, qui ne vous induit pas en erreur et que vous reconnaîtrez comme vrai si un jour cet Eveil intérieur se produit pour vous (…)

    (…) Quand la souffrance est présente, souvenez-vous que cette souffrance, aussi répandue soit-elle, est un phénomène anormal, pathologique, mais que cette maladie peut être guérie.

    Quelle que soit votre souffrance, quelle que soit la situation, souvenez- vous : un sage, à votre place, exactement dans les mêmes conditions extérieures que les vôtres, ne souffrirait pas.

    Tout l’édifice du chemin et de la Libération qui est au bout du chemin repose sur cette simple affirmation.

    Ne l’oubliez pas. Ne niez pas la souffrance ; vous ne pouvez pas la nier, elle est là. Mais n’en soyez pas dupes non plus en la considérant comme une manifestation inévitable dans les circonstances où vous vous trouvez. Ce fonctionnement que nous appelons techniquement le mental réussit à vous prouver que, dans les situations où vous êtes, on ne peut pas ne pas souffrir. Et c’est à vous d’être plus habiles que le mental (…)

    Je peux vous donner la clé qui ouvre la porte de la prison. C’est cette affirmation : il vous est tout à fait possible de dissocier la souffrance elle-même de la situation douloureuse.

    (…) Ce que je vous propose, est une certitude, quelque chose qui « marche » à tous les coups, donc qui a une valeur absolue, donc qui est la seule réponse à ce caractère en vérité absolu de tout désir et de toute peur.

    (…) Et pour l’instant, vous ne vous occupez pas de la cause de la souffrance, vous vous occupez uniquement de la souffrance elle-même.

    Donc, toute situation dans laquelle vous vous trouvez, au lieu de la voir seulement comme pénible ou affreuse, voyez-la comme un échantillon grandiose : « C’est à moi que cela arrive, mais là je suis au cœur de mon esclavage. Tout autre que moi, à ma place, souffrirait ; et tous les hommes souffrent autour de moi- sauf, justement les sages »

    (…) Les émotions imposent des idées noires, des pensées inquiétantes : « qu’est -ce qu’il faut faire, je n’y arrive plus, c’est trop difficile » avec tout le vocabulaire de l’émotion : « Si, seulement…si seulement…

    (…) Il faut impérativement que vous échappiez à l’obsession de ces pensées, puisque ces pensées nourrissent l’émotion, que l’émotion sécrète à son tour de nouvelles pensées et que les pensées attisent encore l’émotion. C’est très exactement un cercle vicieux (…)

     (…) Eh bien, voici le secret tout simple : sur quoi pouvez-vous le plus facilement concentrer votre attention pour ne plus penser lorsque vous souffrez ? A la souffrance elle-même ! C’est une manière très concrète de comprendre la parole que j’ai souvent citée : « Comment échapper à la fournaise de l’enfer ? Sautez dans les flammes là où elles sont les plus hautes »

    (…) Vous concentrez tout votre intérêt dans la souffrance elle-même pour la ressentir, la connaître, la vivre consciemment, l’apprécier, en avoir l’expérience. Et vous allez faire cette extraordinaire découverte : il est très facile de se concentrer dans l’émotion douloureuse et, du coup, de ne plus penser. Vous ressentirez donc l’émotion en tant qu’émotion, la souffrance en tant que souffrance, mais il n’y aura plus les pensées. Et c’est le but à atteindre coûte que coûte.

    (…) Il suffit d’un échantillon, un seul, de souffrance pour faire cette découverte fondamentale : il est possible de disjoindre la situation et l’état intérieur. C’est une expérience inoubliable ; toute la souffrance vient de cette non-dissociation et toute la libération vient de cette dissociation.

    (…) C’est possible de ne plus souffrir

     Arnaud Desjardins

    « La voie du cœur » extrait du chapitre 8

  • LA NATURE DE L’ESPRIT

    Elle est simplement notre conscience claire, parfaite, de l’instant présent, cognitive et vide, nue et éveillée.

    Dudjom Rinpoché (photographié par Arnaud Desjardins)

    Dudjom Rinpoché écrivait :

    « Aucun mot ne peut la décrire

    Aucun exemple ne peut la désigner

    Le samsara ne peut la dégrader

    Le nirvana ne peut l’améliorer

    Elle n’est jamais née

    Elle n’a jamais cessé

    Elle n’a jamais été libérée

    Elle n’a jamais été victime de l’illusion

    Elle n’a jamais exsité

    Elle n’a jamais été inexistante

    Elle ne connaît aucune limite

    On ne peut la ranger dans aucune catégorie ».

    Et Nyoshul Khen Rinpoché disait d’elle :

    « Profonde et tranquille, libre de toute complexité,

    Clarté lumineuse, non composée,

    Par- delà l’esprit conceptuel;

    Telle est la profondeur de l’esprit des Victorieux.

    En Elle, rien à enlever,

    Nul besoin de rien ajouter.

    C’est simplement l’immaculé

    Contemplant sa propre nature ».

    In « LE LIVRE TIBETAIN DE LA VIE ET DE LA MORT »

    de Sogyal Rinpoché, Chapitre 4 : La nature de l’esprit, pages 81,82

  • LA REPONSE ABSOLUE

    LA RÉPONSE ABSOLUE

    (…) Essayez de comprendre que l’essentiel est une Conscience qui ne réfère plus ni à la situation dans l’espace ni à la situation dans le temps, ni à aucune cause ne produisant aucun effet et que cette Conscience mérite de s’appeler « absolue.

    Si je peux faire silence, ne pas être identifié, laisser les pensées venir, partir, inévitablement cette Conscience se révèle, parce qu’elle est la seule réalité immuable.
    Elle a toujours été là, seulement, vous ne l’avez pas réalisée, vous ne vous y étiez pas éveillés, vous viviez prisonniers du relatif comme un enfant qui, en regardant un film, croirait que c’est vrai et serait terrifié, alors qu’en fait, un film n’est pas réel, c’est un film !

    Cette Conscience en vous, n’a pas de limites. Les phénomènes ont lieu à l’intérieur de cette Conscience. Elle n’est pas affectée mais compatible avec tout.

    La Conscience Est. C’est tout ce qu’on peut en dire.
    Et, « toi aussi tu es Cela »

    « Tat tvam asi,
    Cela (l’absolu) tu l’es »

    Chandogya Upanishad

    C’est la seule réponse absolue.
    C’est une Conscience qui n’est reliée à rien ou en relation avec rien. C’est cette absence de relation que souligne aussi le mot sanscrit « kaivalya » qu’on a traduit par « solitude » ou « esseulement » et qui est pratiquement synonyme de « libération ».

    Est-ce que cette Conscience peut être définitivement révélée, définitivement établie ?
    Si cette Conscience est à jamais en plénitude, c’est le degré suprême de la réalisation ou de la libération.
    Mais l’expérience a montré qu’entre le sommeil de l’identification complète et la plénitude de cette Conscience absolue, il y a (et là, nous sommes encore dans le relatif, les degrés, les niveaux) des moments de Conscience, des aperçus qui sont de nouveau voilés comme un soleil de demi-saison.
    Il y a une éclaircie, un petit coin de ciel bleu apparaît. Le ciel bleu et le soleil, ils ont toujours été derrière les nuages.
    Le ciel bleu et vide est l’image la plus universelle de l’absolu, et les nuages sont les images le plus souvent utilisées pour pointer dans la direction d’une compréhension nouvelle de nos limitations et de nos formes changeantes de conscience. » (…)

    Arnaud Desjardins, dans son livre : « TU ES CELA »
    Extraits du chapitre 1 : pages 19 à 28

  • Resurrection

    plage du Vauvert - St Jacut de la mer- 24.03.21
    plage du Vauvert – St Jacut de la mer- 24.03.21

     

    Pâques aux tisons

    Toutes et tous

    Nous savons

    Au-delà de toute raison

    L’illusion de séparation

    Dans nos cœurs

    Au plus profond

    L’Eveil, l’illumination

    Reste à actualiser

    Ce potentiel d’infini

    Remonter à la source

    D’où nous ne sommes jamais partis

    Au Royaume du Non né

    Dont nous avons les clés

    Il est grand temps d’ouvrir

    Sans nulle identité

  • Kaivalya Upanishad strophe 24

    samastasâkshim sadasadvihînam

    prayâti shuddham paramâtmarûpam

    Le Témoin de toutes choses,

    Au-delà de l’être et du non être,

    Celui-là accède à la pure nature

    Du Soi suprême

    iti pratamah khandah

    Ainsi se termine la première partie

     

    …Le Soi, Témoin suprême

    …Il n’est plus que le témoin (sâkshin), inaffecté par le spectacle de l’univers. Les notions d’être et de non être, d’existence ou de non existence, n’ont plus aucun sens pour lui, le Soi suprême qui reconnaît sa vraie nature…


    Ceci est le dernier article de la série consacrée à cette magnifique Upanishad.

    N’hésitez pas à lire ou à relire les strophes précédentes déjà publiées sur notre blog :

    • Strophe 17 (article du 2 mai 2019)  :  ICI
    • Strophe 18 (article du 22 mai 2019)  :  ICI
    • Strophe 19 (article du 11 juillet 2019)  :  ICI
    • Strophe 20 (article du 27 juin 2019)  :  ICI
    • Strophe 21 (article du 10 octobre 2019)  :  ICI
    • Strophe 22 (article du 30 janvier 2020) : ICI
    • Strophe 23 (article du 25 juin 2020) : ICI
  • Christian Faure :  » Lumières d’exil » 3

    Freud : (…) et je souhaiterais connaître la place que vous attribuez au moi dans votre tradition

    Satyanarain… : Vous parlez de l’ego, ce que nous nommons ahamkar?

    Freud : Probablement!

    Sat…Pour le Samkhya, un de nos systèmes de pensées à l’origine du yoga, l’idée de l’ego vient de l’inconscient et le mental en découle : il cherche à s’approprier toute chose. Le mental possède une double nature, à la fois instrument de connaissance et d’action, au service de l’ego. L’ego ne peut fonctionner dans le monde extérieur sans son aide. Pour Yogeshwar, l’ego c’est l’individu, ce qui fait que l’on se sent séparé, coupé, isolé du reste, conscience limitée au corps. C’est la conscience du « je « , cette capacité à s’identifier à ce moi qui doit être modifiée.

    Freud : Ne semble-il pas que, dans votre religion hindoue, le moi doive disparaître?

    Sat... C’est une façon de perler de cet aboutissement mais Yogeshwar parle plutôt d’élargissement de l’ego dans quelque chose de plus vaste.  » L’ego ne doit pas être éliminé. Mais c’est l’idée d’un ego constant, fixe, fini, qui doit disparaître », nous-a-il dit un jour.

    Freud : Et quelle est donc la manière appropriée pour atteindre ce but ?

    Sat…Nous voulons nous dompter mais Yogeshwar nous propose d’aborder l’ego en souplesse, une sore d’effort sans effort. Il y a une souplesse à avoir, une habileté avec soi-même. Naturellement, adhérer à ce qui est ici et maintenant, je n’y arrive pas tout le temps. Mais la possibilité de recommencer se présente à nous à chaque instant que la vie nous présente. Cette pratique est fondamentale. Yogeshwar nous dit, que d’un certain point de vue, le temps n’existe pas. Nous vivons une infinité d’instants. Chaque instant est nouveau et c’est là que je peux m’y établir et m’y affirmer. Chaque instant est une chance

    Freud : Votre professeur vous parle-il de ce qu’il y a de plus élevé dans l’âme humaine, de ce qui s’est formé en chacun en remplacement de la nostalgie du père et qui est le germe de toutes les religions : la conscience morale, l’idéal, le sentiment de culpabilité? Vous parle-il de ce censeur du moi, de son juge éternel, constitué lors du renoncement aux désirs œdipiens, cette intériorisation des interdits parentaux que renforcent les exigences de l’éducation, de la religion et de la moralité? Vous parle-il du surmoi.

    Sat…C’est évoqué dans la thèse de psychanalyse qu’il a encadrée mais je n’ai jamais entendu mon maître utiliser ce terme. Il parle parfois de jugements de valeur et de l’idéalisme dont on doit se détacher par le discrimination car ce sont des obstacles à la liberté.

    Après un long temps de silence au cours duquel le visage de Freud montre qu’il est en intense réflexion, il lâche :

    Freud : Peut-être avez vous raison de ne pas voir dans ces idéaux, l’élévation de l’âme humaine, puisque mon opinion est que l’angoisse de mort se joue entre moi et surmoi.

    (A suivre…)

     

  • En compagnie de Swami Chidananda…

    « Une vie sans éveil spirituel n’est pas une vie du tout. C’est une sim­ple existence. C’est une vie où le corps physique sera très dynami­que, toujours en progrès, où le mental se développera beaucoup, accomplira tous ses désirs et tra­vaillera sans cesse.

    Mais sachez que votre personnalité physique et psychique n’est pas votre person­nalité véritable. Ce ne sont que des instruments que vous possédez, qui vous sont donnés à titre tem­poraire et sont superposés à votre être essentiel.

    Une vie caractérisée par une activité intense sur le plan physique et psychique n’est pas une vie véritable parce que là n’est pas votre vie réelle, qui n’est ni ce corps physique ni ce phénomène mental. Tant que vous ne serez pas réellement « éveillé », la vie n’aura pas vraiment commencé pour vous. En tant qu’être hu­main, vous pouvez exister sur le plan du monde, mais cette exis­tence-là ne peut pas être appelée la vie réelle, car sa dimension n’est qu’horizontale, et non pas ascen­dante et verticale.

    C’est seulement lorsque vous êtes éveillé sur le plan intérieur et spirituel que vous commencez à vivre vraiment. Le plan de la vie véritable est celui de l’évolution spirituelle, un proces­sus d’évolution qui s’achève dans l’épanouissement spirituel.

    A cet instant où vous croyez être monsieur Untel ou madame Unetelle, où vous êtes assis dans cette salle, en vous il y a le poten­tiel caché de la perfection totale. Ceci est le fait unique, essentiel et caché de votre vie. Toutes les au­tres choses changeront et dispa­raîtront. Le bébé se change en en­fant, l’enfant en adolescent, puis il entre dans le domaine de la jeu­nesse et se transforme jusqu’à l’âge mûr et la vieillesse. Sur tou­te la surface de la Terre, il n’y a pas une chose qui ne soit sujette à la naissance, à la croissance, à la dé­cadence et à la mort. Cela est cer­tain, inévitable. Au milieu de toutes ces choses changeantes, une seule ne change pas, c’est le fait de votre perfection essentielle et per­sonnelle.

    Vous êtes parfait, divinement. Vous êtes un rayon lumi­neux de cette éternelle lumière de lumière. C’est pourquoi on dit qu’en vous est le royaume de Dieu. Vous êtes une vague au mi­lieu de l’océan infini de cette exis­tence éternelle. Vous êtes une parcelle de cette réalité infinie et éternelle. C’est à ce fait que vous devez vous éveiller. »

    (Revue « Source » n°7, septembre/octobre 1986)

     


    Swâmi Chidananda Saraswati (1916 –2008) fut le disciple puis le successeur de Swâmi Sivananda à la tête de l’ashram appelé « Divine Life Society » à Rishikesh, dans le quel Arnaud séjourna un temps, au début de sa propre quête. Comme son maître dont il a continué l’oeuvre, il a été l’un des témoins majeurs de la spiritualité de l’Inde moderne et a eu de nombreux disciples influents, dont certains, tel le canadien Swâmi Muktananda, continuent aujourd’hui à porter  haut et fort le flambeau.

  • Christian Faure :  » Lumières d’exil » 2

    Cet article fait suite à celui dans lequel a été présenté l’ouvrage de Christian, notre frère en Arnaud,  à relire ici !


    La rencontre de Satyanarain avec Freud

    (…) Freud : Si je vous comprends, Swâmiji, c’est une sorte de Socrate indien!

    Socrate, un sage grec ? C’est bien cela ?

    Satya : Oui, un philosophe grec, le père de la maïeutique.

    Freud : La quoi ?

    Satya : La maïeutique ou l’art de faire accoucher l’autre de lui-même

    Oui, c’est exactement ce que fait Yogeswar avec nous!

    Freud : Socrate a enseigné à Platon qui lui même a été le professeur d’un autre philosophe grec célèbre en Europe, Aristote. Sa pensée était tellement puissante et globale qu’elle a donné deux courants de pensées. La pensée platonicienne, tout d’abord, qui parle beaucoup par symbole, par image, aujourd’hui est tombé quelque peu en désuétude. La psychanalyse, pour une part, est fille de Platon avec le travail sur l’interprétation des rêves, par exemple. Et, en second, la pensée aristotélicienne, la logique rationnelle, mathématique, fille d’Aristote.

    Satya : Yogeswar parle beaucoup par image, comme nous le faisons beaucoup en Orient mais il nous fait également travailler de manière extrêmement logique pour déjouer le mental et voir la Réalité telle qu’elle est.

    Freud ( étonné et quelque peu admiratif)  : Comme s’il associait les deux?!

    La psychanalyse utilise aussi les deux modes de pensée. Sa base théorique est tout à fait logique et basée sur l’observation, et l’association libre est plutôt platonicienne. D’ailleurs je ne serais pas étonné que chacun de nos deux hémisphères cérébraux corresponde plutôt à chacun de ces modes de pensée…je me demande si votre professeur ne relève pas également de la pensée présocratique. Votre professeur me fait penser à Héraclite.

    Satya : Héraclite ?

    Freud : Encore un philosophe grec qui a dit, notamment :  » il faut s’étudier soi-même et tout apprendre par soi-même ». Héraclite affirme en quelque sorte que les choses ne peuvent point demeurer ce qu’elles sont et que tout passe en son contraire.  » A ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux » dit encore le Grec.

    La loi du changement : un renouvellement constant des choses que nous ne pouvons considérer comme stables et sa conséquence, l’absence de sécurité pour la personne. Mais nous refusons le changement, croyant qu’il est possible que la réalité ne bouge pas. Nous recherchons une sécurité impossible.

    S’il y a le jour, il y a la nuit, l’inutile en contrepoint de l’utile, le haut et le bas, le commencement avec la fin et ainsi de suite. Mais il ne les oppose pas, il dit qu’ils ne font qu’un.

    Satya : Ce sont les paires d’opposés, les dvandvas, issus d’un mot sanscrit qui signifie couple. Nous devons intégrer les contraires, faire en sorte qu’il n’y ait pas deux, comme le dit l’Advaita Vedanta.

    Freud : Il vous demande de mettre en œuvre cet accord des dyades ?

    De le rechercher!

    Satya : Advaita Vedanta signifie la culmination de la connaissance, c’est à dire quand on accepte qu’il n’y ait pas deux, que la dualité n’existe pas et que seule l’unité est présente. Et cela doit faire l’objet d’une expérience, l’Advaita Vedanta doit être vécu, expérimenté.

    Freud : Un avec quoi ?

    Satya : Un avec ce qui se présente. Un avec l’autre, la personne avec laquelle nous sommes en relation à ce moment-là, avec chaque situation, avec chaque objet, avec la nature. Il parle aussi de neutralité, que tout est neutre.

    Freud : Neutre ?

    Satya : Oui, »  tout est neutre, c’est vous qui qualifiez de bon ou de mauvais » dit-il. C’est à dire être sans jugement, sans comparaison, dans la non-séparation. Ensuite il nous dit :  » maintenant vous partez dans la vie, vous mettez en pratique et vous voyez ce qui se lève » . Et c’est face à nos impossibilités de mettre en pratique, à être un avec ici et maintenant, que nous pouvons découvrir les obstacles inconscients et comprendre ce qu’est notre difficulté.

    Freud : Il s’agit bien là de l’insu de l’âme humaine!… Comme le psychanalyste il écoute sans contredire…il a développé là un art véritable et lui aussi sans guide.

    Satya (en monologue avec lui-même):
    Il est étonnant de constater comment, peu à peu, Freud devient admirateur de Swamiji. Il y a une compréhension du parcours de ce dernier qui semble faire écho au chercheur autrichien. La passion de la vérité est palpable. En quelque sorte, l’admiré devient admirateur. Tous deux ont avancé seuls face à eux-mêmes, sur des chemins bien différents, certes : l’Himalaya et le bureau d’un cabinet de médecine à Vienne.