Mireille et moi, au nom de toute la sangha, nous vous souhaitons de bonnes fêtes de fin d’année 2018 et
une belle, heureuse, joyeuse année 2019.

Et même, s’il est plus que probable que nous sommes à la lisière de périodes troublées, nous pouvons au moins être sûrs d’une chose, c’est que s’il y a bien une chose qui est indestructible, c’est le silence.
Ce silence, dernière porte avant le Mystère, est en chacun(e) de nous. A nous de jouer, à nous de pratiquer. J’espère que je ne vous ai pas ennuyé avec ce court à propos
Maintenant, place à l’article que nous vous proposons pour cette fin d’année.
(…)Si vous cherchez de plus en plus profondément à l’intérieur de vous, vous découvrirez le Sujet ultime qui ne peut devenir objet de conscience pour rien, l’ultime conscience qui peut percevoir des phénomènes, mais qui, elle, ne peut être perçue par rien. On ne peut pas aller plus profond. Ce Sujet est conscient et, si ce Sujet n’est pas conscient de quelque chose, n’est pas conscient d’un objet, il est conscient de lui-même, conscient tout court. C’est une conscience non dualiste, qui dépasse la distinction du sujet et de l’objet et qui dépasse les trois termes : le connaissant, le connu et l’acte de connaissance qui les réunit. Si j’ai connaissance du micro, il y a le micro qui est connu, il y a moi qui suis le connaisseur et il y a une certaine relation entre nous qui est la connaissance. Il y a donc trois termes. Mais, s’il n’y a que le connaisseur ou que le Sujet, ces trois termes sont dépassés à l’intérieur de nous, c’est-à-dire que demeure seulement la conscience, l’ultime Sujet, dont on ne peut rien dire, sauf « est ».

L’erreur commune est de confondre le Sujet avec une réalité dont on peut dire quelque chose, notamment : » Oui, le sujet c’est moi . » Tout est dans ce « moi ». Si on peut dire quoi que ce soit de ce moi, il peut être encore un objet de connaissance. « C’est moi », et quand vous avez dit « c’est moi », toutes les définitions sont déjà incluses. Je suis jeune, je suis vieux, je suis un homme, je suis une femme j’ai tout réussi, j’ai tout raté, je suis en bonne santé, je suis malade, je vis seul, je suis marié, et tout ce qui viendra si vous poussez un peu plus loin l’énoncé de ce que vous ressentez quand vous dites : » C’est moi » Le Sujet ultime ne se confond pas avec ce qu’on appelle ordinairement « moi » et c’est le point essentiel sur lequel je voudrais insister. Ce n’est pas si compliqué et, un beau jour votre vie en sera complètement transformée. Vous confondez ce qu’on a appelé en anglais The Self, « le Soi » , et en sanscrit âtman, avec votre expérience habituelle qui vous fait dire moi. Et vous ramenez la Conscience à ce qui est encore un objet dont un sujet pourrait prendre conscience.

Ce sujet, il est parfois appelé d’un mot très utile : le témoin (sakshin). Un témoin n’est vraiment un témoin que s’il n’est pas du tout impliqué, s’il est complètement neutre. Si vous prenez position,vous n’êtes plus un témoin. C’est vrai concrètement et c’est vrai dans le chemin. On vous demande d’être témoin d’un accident de voiture qui a eu lieu entre un ouvrier et un bourgeois. Si vos sympathies vont à l’ouvrier ou si vos sympathies vont au bourgeois, vous ne pouvez plus être témoin dans cet accident. Malgré vous, et peut-être pas du tout malgré vous, vous allez déformer les faits, prendre parti. Un témoin doit être absolument neutre. Le témoin parfait, c’est le miroir. Si on met sous les yeux du miroir une rose ou un crapaud, pour parler le langage des contes de fées, le miroir reste neutre. Il réfléchit sereinement et parfaitement l’un et l’autre.Il est témoin serein de l’un et de l’autre. Qu’on place devant un miroir le visage de la plus pure jeune fille ou un chancre syphilitique, le miroir reste neutre. Il n’est ni attiré ni repoussé. Le miroir échappe à la loi fondamentale de l’attraction et de la répulsion, de la distinction entre ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. C’est pourquoi le miroir, ou une autre surface réfléchissante pure, sans tâche, a toujours été utilisé comme exemple pointant dans la direction de ce témoin en nous.

Qu’est-ce qui , en vous, est Conscience absolument neutre et non affectée? Cela seul mérite de s’appeler le sujet ou le témoin. Et toute modification, toute »forme » de cette conscience devient un objet dont il est possible de prendre conscience en se situant plus profondément en soi même. Si vous aimez, le seul fait que vous aimiez est une émotion dont le pur témoin pourrait prendre conscience. C’est ce témoin véritablement digne du nom de témoin que vous pouvez aussi appeler le spectateur qu’on discrimine du spectacle. Le spectateur est indescriptible et, si vous ramenez le spectateur à une réalité que vous puissiez décrire, ce n’est pas le spectateur. Cette réalité qui peut être décrite, le spectateur peut en prendre conscience et en être le témoin.Toutes les définitions, tous les conditionnements, tous les attributs, toutes les déterminations, toutes les relativités sont encore des phénomènes qui ne s’appliquent nullement au témoin. Ne ramenez pas cette pure Conscience, que vous pouvez appeler aussi le pur ‘je suis » ‘par opposition à « je suis moi ») à quoi que ce soit dont vous ayez l’expérience, à moins que vous n’ayez vécu des états de conscience réellement transcendants. Vous ne pouvez pas dire : » J’ai bien compris ce que Arnaud appelle le témoin ou le spectateur, c’est moi, Jean-Pierre, c’est moi Suzanne, je suis le témoin de ce qui se passe, je suis le spectateur de ce qui se passe autour de moi et dont je prends conscience. » Non. Moi, moi et un prénom, c’est fini. Il existe en vous la possibilité d’une Conscience dont on ne peut rien dire, rien, qui est simplement : la Conscience. On ne peut lui attribuer aucun attribut, aucune qualification.
Même dire que la réalité suprême est sat, chit, ananda, c’est déjà trop. C’est la tentative la plus parfaite qui ait été accomplie pour pouvoir en dire quelque chose, pour qu’un doigt pointe dans une certaine direction. Mais tous les mots ne sont que des doigts qui pointent dans une certaine direction, tous, même les plus sacrés du vocabulaire sanscrit. Rappelez-vous la parole du zen : « Un doigt pointe vers la lune, tant pis pour ceux qui regardent le doigt. » Tous les mots pointent vers Cela (tat) qui est indicible et pourtant qui est la Conscience transcendante suprême.

Si vous comprenez que ce spectateur ne fait partie du spectacle à aucun titre, à aucun égard, en aucune façon, vous allez pouvoir comprendre un second point : le spectateur n’est pas « un autre » que n’importe quel élément du spectacle. Le spectateur n’est pas un autre. Si on pouvait dire quelque chose du spectateur, alors il y aurait deux : un élément du spectacle dont je peux dire quelque chose. Il y a deux. S’il y a moi, Arnaud, du sexe masculin, qui a beaucoup voyagé en Asie, et le micro avec lequel nous enregistrons cette réunion, il est évident qu’il y a deux : Arnaud d’un côté, le micro de l’autre. S’il y a seulement la Conscience, cette Conscience n’est pas un autre.(…)
Arnaud Desjardins
Le Vedanta et l’inconscient : page 69, 70, 71, 72