Freud : (…) et je souhaiterais connaître la place que vous attribuez au moi dans votre tradition
Satyanarain… : Vous parlez de l’ego, ce que nous nommons ahamkar?
Freud : Probablement!
Sat…Pour le Samkhya, un de nos systèmes de pensées à l’origine du yoga, l’idée de l’ego vient de l’inconscient et le mental en découle : il cherche à s’approprier toute chose. Le mental possède une double nature, à la fois instrument de connaissance et d’action, au service de l’ego. L’ego ne peut fonctionner dans le monde extérieur sans son aide. Pour Yogeshwar, l’ego c’est l’individu, ce qui fait que l’on se sent séparé, coupé, isolé du reste, conscience limitée au corps. C’est la conscience du « je « , cette capacité à s’identifier à ce moi qui doit être modifiée.
Freud : Ne semble-il pas que, dans votre religion hindoue, le moi doive disparaître?
Sat... C’est une façon de perler de cet aboutissement mais Yogeshwar parle plutôt d’élargissement de l’ego dans quelque chose de plus vaste. » L’ego ne doit pas être éliminé. Mais c’est l’idée d’un ego constant, fixe, fini, qui doit disparaître », nous-a-il dit un jour.
Freud : Et quelle est donc la manière appropriée pour atteindre ce but ?
Sat…Nous voulons nous dompter mais Yogeshwar nous propose d’aborder l’ego en souplesse, une sore d’effort sans effort. Il y a une souplesse à avoir, une habileté avec soi-même. Naturellement, adhérer à ce qui est ici et maintenant, je n’y arrive pas tout le temps. Mais la possibilité de recommencer se présente à nous à chaque instant que la vie nous présente. Cette pratique est fondamentale. Yogeshwar nous dit, que d’un certain point de vue, le temps n’existe pas. Nous vivons une infinité d’instants. Chaque instant est nouveau et c’est là que je peux m’y établir et m’y affirmer. Chaque instant est une chance
Freud : Votre professeur vous parle-il de ce qu’il y a de plus élevé dans l’âme humaine, de ce qui s’est formé en chacun en remplacement de la nostalgie du père et qui est le germe de toutes les religions : la conscience morale, l’idéal, le sentiment de culpabilité? Vous parle-il de ce censeur du moi, de son juge éternel, constitué lors du renoncement aux désirs œdipiens, cette intériorisation des interdits parentaux que renforcent les exigences de l’éducation, de la religion et de la moralité? Vous parle-il du surmoi.
Sat…C’est évoqué dans la thèse de psychanalyse qu’il a encadrée mais je n’ai jamais entendu mon maître utiliser ce terme. Il parle parfois de jugements de valeur et de l’idéalisme dont on doit se détacher par le discrimination car ce sont des obstacles à la liberté.
Après un long temps de silence au cours duquel le visage de Freud montre qu’il est en intense réflexion, il lâche :
Freud : Peut-être avez vous raison de ne pas voir dans ces idéaux, l’élévation de l’âme humaine, puisque mon opinion est que l’angoisse de mort se joue entre moi et surmoi.
(A suivre…)