21 Août
« Oui… Le Désir. Le Grand, L’Infini… Voyons, comment était-ce exactement ? Je me levais à l’heure habituelle, vers 6 heures, et il était là, entre éveil et sommeil ; le désir, douloureux et profond comme un coup de couteau. Désir de quoi ? C’était la première pensée de ma conscience éveillée. Réellement, je ne sais pas. Parfois, un profond soupir depuis le fond de mon cœur semblait apaiser la tension; elle était si aiguë et si cruelle. Au tout début, je ne savais jamais où allait ce désir. Confuse, torturée, l’esprit absent, je ne pouvais pas l’analyser. Ce n’était qu’un désir du plus profond de mon cœur, pressentiment poignant d’une félicité disparue.
Au début, ça paraissait n’être qu’un désir en lui-même, pour rien de particulier. Par moments, c’était plus ou moins fort, mais sans disparaître, jamais vraiment; cela palpitait toujours en arrière fond. Parfois, ça pouvait croître tellement que j’en perdais la volonté de vivre. Il doit y avoir une raison à cela; ne dit-il pas qu’il y a une raison à tout ?
J’examinais plus profondément en moi. Toujours plus profond. Il me fallut pas mal de temps, ce matin, pour découvrir qu’il s’agissait en réalité du même désir que j’avais eu toute ma vie, depuis mon enfance. Mais à un degré ultime, désormais. Même lorsque j’étais assez petite, chaque fois que je voyais les nuages cramoisis du coucher du soleil ou bien le ciel très bleu, ou que j’entendais une belle musique, ou voyais des étincelles de lumière qui dansaient sur la surface frémissante de l’eau, chaque fois, j’éprouvais une tristesse infinie; quelque chose se mettait à pleurer en moi.
Souvent je me demandais ce que pouvait bien être ce désir. Je n’ai jamais compris. Était -ce mon hérédité slave ? La tristesse innée du tempérament russe ? Mais ce matin, je savais. C’était le cri de l’Âme emprisonnée pour LUI. L’amant pleurant pour l’Aimé ; le prisonnier aspirant à la liberté. Durant quelques secondes mon cœur sembla se briser. J’en avais des douleurs dans le corps! Puis cela se retira, en laissant la signification de sa vrai nature. C’était si simple. Ce n’était rien d’autre que le cri pour la véritable maison.

Nous le portons en nous dans la vie physique. Nous l’apportons des autres plans de l’être ; il forme une réelle partie de la substance de notre âme ; c’est destiné à nous ramener chez nous. Sans ce désir, qui n’est pas de ce monde-ci, nous – abusés que nous sommes- ne retrouverions jamais le chemin de nos demeures.
Si vous aimez et qu’on vous demande pourquoi, si vous êtes capables de répondre, » j’aime à cause de sa beauté, de sa position dans la vie, son charme ou son bon caractère » – en d’autres mots, si vous pouvez donner les raisons pour lesquelles vous aimez- alors ce n’est pas de l’amour..
Mais si on vous pose cette question et qu’étonné, vous découvrez que vous ne savez pas du tout, que vous ne vous êtes jamais posé la question, que vous aimez, c’est tout…Alors, alors seulement, c’est de l’AMOUR VERITABLE.
Il semblait faible, et faillit s’endormir toute la matinée. J’essayais d’empêcher les mouches de rentrer, en fermant les volets et la porte, et en l’éventant, tandis qu’il était tourné contre le mur. Je rentrai tôt à la maison.
Le soir, il ne sortit pas. J’étais heureuse qu’il se repose ».
Irina Tweedie
L’Abîme de feu ( l’expérience de libération d’une femme à travers les enseignements d’un maître soufi)