Une italienne qui séjournait à Kopan Gompa ( Monastère de Lama Thubten Yeshe et Lama Zopa rinpoché au Népal) décida de se rendre à Katmandou. Comme elle s’y ennuyait un peu, elle invita un groupe de touristes italiens fraîchement débarqués « à rencontrer un authentique lama tibétain ».
Cela se passait au début de Kopan, quand Lama Yeshe était encore disponible sans difficulté. De retour avec ses touristes en remorque, l’italienne vit lama Yeshé et lui expliqua qu’elle les avait invité pour le thé. « D’accord, allez y , faites le thé », lui répondit le lama sans faire le moindre geste en direction du groupe. Il savait que la vie spirituelle n’intéressait pas ces gens et il ne se sentait pas préparé à servir de » lama témoin ». A présent embarrassée, l’italienne lui demanda s’il ne pourrait pas les rejoindre pour un moment. Il dit qu’il pouvait leur consacrer une heure (un très court moment pour lama Yeshe).
Il les rejoignit en effet, s’assit au milieu des touristes et demanda poliment à son voisin d’où il venait. » Milan », répondit le touriste. » Ah », dit le lama, tandis que son visage s’épanouissait: « Le risotto à la milanaise ! j’adore ça ». L’homme, plutôt ahuri qu’un lama puisse connaître le joyau culinaire de la couronne milanaise, se redressa. Lama Yeshe poursuivit en détaillant la meilleure façon de réaliser le risotto à la milanaise.
Les italiens étaient en extase. Le lama prenait peu à peu son rythme. » Et vous savez, ce petit restaurant derrière le Dôme, ça, c’est le meilleur risotto de tout Milan ». L’homme était muet d’admiration. « Et vous ? continua lama en souriant à une femme du groupe, d’où venez vous ? – De Rome, lui répondit elle ». Lama s’exclama : « C’est à Rome qu’on mange les meilleurs spaghetti à la carbonara ». Et il expliqua comment il fallait les préparer, quel piment et quel fromage utiliser.
L’italienne qui avait invité le groupe n’en croyait pas ses oreilles. Lama n’était allé qu’une seule fois en Italie, pour un voyage éclair de dix jours. Elle ne comprenait pas du tout comment il avait pu apprendre autant de choses sur la cuisine italienne. Lama s’adressa à chaque membre du groupe en exploitant le même sujet et ne cessa de montrer une profonde connaissance de tous les plats régionaux. Les touristes étaient complètement captivés, car, pour les italiens, un homme peut bien être un as de la chirurgie du cerveau, s’il n’apprécie pas la cuisine, il reste un âne. Ce lama était clairement digne de respect. Cinquante cinq minutes s’écoulèrent ainsi. Lama Yeshe s’absorba alors dans un de ses profonds silences. Pendant deux minutes, personne ne dit un mot, puis, dans le silence, la voix du premier homme à qui il avait parlé s’éleva : « Est ce que c’est vrai, ce qu’on raconte sur l’illumination ? » Le barrage avait été rompu. Un torrent de questions déferla, sur le potentiel spirituel de l’homme, le Tibet, le bouddhisme. Le lama consulta sa montre : » Je suis désolé, mais je n’ai plus le temps maintenant. Mais si vous voulez en savoir plus sur ces questions, je serai en Italie l’année prochaine. Vous pourrez avoir toutes les informations utiles auprès de votre compatriote. »
Extrait du livre d’Eric Edelmann : « Plus on est de sages, plus on rit »
NB : Ce qui m’a particulièrement motivé et rendu heureux de mettre ce post sur le blog est le fait que Mireille et moi avons eu le privilège de connaître et de suivre d’un peu près l’enseignement de Lama Yshé et de Lama Zopa rinpoché