Auteur/autrice : Georges Morant

  • Monsieur Gurdjieff (3)

     » Une telle prépondérance du savoir sur l’être peut être constatée dans la culture actuelle. L’idée de la valeur et de l’importance du niveau de l’être a été complètement oublié. On ne sait plus que le niveau du savoir est déterminé par le niveau de l’être. En fait, à chaque niveau d’être correspondent certaines possibilités bien définies. Dans les limites d’un « être » donné, la qualité du savoir ne peut pas être changée, et l’accumulation des informations d’une seule et même nature, à l’intérieur de ces limites, demeure la seule possibilité. Un changement dans la nature du savoir est impossible sans un changement dans la nature de l’être.

    Pris en soi, l’être d’un homme présente de multiples aspects. Celui de l’homme moderne se caractérise surtout par l’absence d’unité en lui-même et de la moindre de ces propriétés qu’il lui plaît spécialement de s’attribuer : la « conscience lucide » , la « libre volonté », un « Ego permanent » ou « Moi », et la « capacité de faire ». Oui, si étonnant que cela puisse vous paraître, je vous dirai que le trait principal de l’être d’un homme moderne, celui qui explique tout ce qui lui manque, c’est le sommeil.

    •  » L’homme moderne vit dans le sommeil. Né dans le sommeil, il meurt dans le sommeil. Du sommeil, de sa signification et de son rôle dans la vie, nous parlerons plus tard. A présent, réfléchissez seulement  à ceci : que peut savoir un homme qui dort? Si vous y pensez, en vous rappelant en même temps que le sommeil est le trait principal de notre être, aussitôt il deviendra évident pour vous qu’un homme, s’il veut réellement savoir, doit réfléchir avant tout aux façons de s’éveiller, c’est-à-dire de changer son être.
    •  » L’être extérieur de l’homme a beaucoup de côtés différents : activité ou passivité ; véracité ou mauvaise foi ; sincérité ou fausseté ; lâcheté, contrôle de soi, dévergondage ; irritabilité, égoïsme, disposition au sacrifice, orgueil, vanité, suffisance, assiduité, paresse, sens moral, dépravation ; tous ces traits et beaucoup d’autres, composent l’être d’un homme.
    • Mais tout cela chez l’homme est entièrement mécanique. S’il ment, cela signifie qu’il ne peut pas s’empêcher de mentir. S’il dit la vérité, cela signifie qu’il ne peut pas s’empêcher de dire la vérité- et il en est ainsi de tout.
    • Il y a cependant des limites. En règle générale, l’être d’un homme moderne est d’une qualité très inferieure. D’une qualité si inferieure parfois qu’il n’y a pas de changement possible pour lui. Il faut ne jamais l’oublier. Ceux dont l’être peut encore changer peuvent s’estimer heureux. Il y en a tant qui sont définitivement des malades, des machines cassées dont il n’y a plus rien à faire. C’est l’énorme majorité. Rares sont les hommes qui peuvent recevoir le vrai savoir ; si vous y réfléchissez, vous comprendrez pourquoi les autres ne le peuvent pas : leur être s’y oppose.
    • En général, l’équilibre de l’être et du savoir est même plus important qu’un développement séparé de l’un ou de l’autre. Car un développement séparé de l’être ou du savoir n’est désirable en aucune façon. Bien que ce soit précisément ce développement unilatéral qui semble attirer plus spécialement les gens.

    Roger LIPSEY : « GURDJIEFF », Pages 96-97


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  • Monsieur Gurdjieff (2)

    LE COEUR DE SA PENSEE

    •  » Le développement de l’homme, disait-il, s’opère selon deux lignes :  » savoir et être ». Pour que l’évolution se fasse correctement, les eux lignes doivent s’avancer ensemble, parallèles l’une à l’autre et se soutenant l’une l’autre. Si la ligne du savoir dépasse trop celle de l’être, ou si la ligne de l’être dépasse trop celle u savoir, le développement de l’homme ne peut se faire régulièrement; tôt ou tard, il doit s’arrêter.

     

    •  » Les gens saisissent ce qu’il faut entendre par « savoir ». Ils reconnaissent la possibilité de différents niveaux de savoir : ils comprennent que le savoir peut être plus ou moins élevé, c’est-à-dire de plus ou moins bonne qualité. Mais cette compréhension, ils ne l’appliquent pas à l’être. Pour eux, l’être désigne seulement « l’existence » , qu’ils opposent à la « non-existence ». Ils ne comprennent pas que l’être peut se situer à des niveaux très différents et comporter diverses catégories. Prenez par exemple, l’être d’un minéral et l’être d’une plante. Ce sont deux êtres différents. L’être d’une plante et celui d’un animal, ce sont aussi deux êtres différents. L’être d’un animal et celui d’un homme, également. Mais deux hommes peuvent différer dans leur être plus encore qu’un minéral et un animal. C’est exactement ce que les gens ne saisissent pas. Ils ne comprennent pas que le savoir dépend de l’être. Et non seulement ils ne le comprennent pas,  mais ils ne veulent pas le comprendre. Dans la civilisation occidentale particulièrement, il est admis qu’un homme peut posséder un vaste savoir, qu’il peut être par exemple un savant éminent, l’auteur de grandes découvertes, un homme qui fait progresser la science, et qu’en même temps il peut être, et a le droit d’être, un pauvre petit homme égoïste, ergoteur, mesquin, envieux, vaniteux, naïf et distrait. On semble considérer ici qu’un professeur doit oublier partout son parapluie. Et cependant, c’est là son être. Mais on estime en occident que le savoir d’un homme ne dépend pas de son être. Les gens accordent la plus grande valeur au savoir, mais ils ne savent pas accorder à l’être une valeur égale, et ils n’ont pas honte du niveau inférieur de leur être. Ils ne comprennent  même pas ce que cela veut dire. Personne ne comprend que le degré du savoir d’un homme est fonction du degré de son être.

     

    •  » lorsque le savoir surclasse l’être par trop, il devient théorique, abstrait, inapplicable à la vie ; il peut même devenir nocif parce que, au lieu de servir la vie et d’aider les gens dans leur lutte contre les difficultés qui les assaillent, un tel savoir commence à tout compliquer ; dès lors, il ne peut plus apporter que de nouvelles difficultés, de nouveaux troubles et toutes sortes de calamités, qui n’existaient pas auparavant. la raison en est que le savoir qui n’est pas en harmonie avec l’être ne peut jamais être assez grand ou, pour mieux dire, suffisamment qualifié pour les besoins de l’homme. Ce sera le savoir d’une chose lié à l’ignorance d’une autre ; ce sera le savoir du détail lié à l’ignorance du tout : le savoir de la forme, ignorant de l’essence »(…)

     

    Roger LIPSEY : « GURDJIEFF » pages 94-95

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  • GURDJIEFF : Un regard nouveau, sa vie, son oeuvre, sa transmission, par Roger Lipsey

    Préface de Gilles Farcet :

    (…)  » Je me sens encore, écrivait Desjardins en 1992, de plus en plus proche de cet homme que je n’ai pourtant pas connu au sens habituel du mot et de plus en plus admiratif des idées ou des vérités qu’il nous a transmises… Les années passent et j’oserai dire que dans mon existence Gurdjieff est toujours aussi présent…Chaque fois que j’ai eu l’occasion de lire (ou de relire et relire encore) un document, qu’il soit en français ou en anglais, témoignant du message de George I. Gurdjieff, j’y ai toujours trouvé un aspect ou un autre d’une extraordinaire somme particulièrement cohérente de connaissances à mettre en œuvre pour cette structuration qui est garante de liberté… Parmi les photos des maîtres et des sages dont la rencontre a jalonné et orienté mon existence, il y aura toujours deux ou trois portraits de Gurdjieff. Il m’arrive de les regarder longuement comme si je voulais, au-delà du temps, approfondir encore ma relation avec un homme dont je n’ai jamais été le disciple direct et qui, cependant, a tant compté pour moi. « 
    ( « Hommage à Gurdjieff »,  »  Les dossiers H, l’Age d’Homme)
    pages 10-11

    (…) Si l’on n’avait pas la certitude documentée que Swami Prajnanpad n’a appris l’existence de Monsieur Gurdjieff et n’a eu accès à certains de ses textes qu’au soir de sa vie, par plusieurs de ses élèves français passés par les Groupes, on pourrait presque par moments croire au plagiat, tant, sur certaines notions, les formulations sont proches, quasi identiques.
    La  » mécanicité » de l’homme qui croit faire alors qu’en lui « tout arrive » ; le fait que toutes ses pensées, sentiments, convictions, opinions, habitudes sont les résultats des influences extérieures ; la nécessité de la connaissance de soi comme condition d’une possible liberté ( » quand une machine se connait, elle a cessé dès cet instant d’être une machine… »), la nécessité de faire cristalliser en soi un « agissant »; la distinction entre la ligne du savoir et celle de l’être ; celle entre « essence et personnalité » ( « l’essence dans l’homme est ce qui est lui. La personnalité dans l’homme est ce qui n’est pas lui »), dont découle l’impératif de ce que Swamiji appelle la « dés éducation »…
    Ces fondements sont communs et souvent exprimés dans les mêmes termes. Au point que Swami Prajnanpad lui-même manifesta pour Gurdjieff une curiosité de sa part fort rare et peu caractéristique. Sur le point de venir à Paris séjourner auprès de ses élèves français, il confia à l’un d’eux que si Monsieur Gurdjieff avait été encore vivant, il aurait souhaité qu’une rencontre soit organisée…
    page 12 

    (…) » Enfin et surtout, Lipsey fait vivre Gurdjieff sous nos yeux au fil des pages. Le tour de force de l’auteur est qu’il parvient à mettre l’érudition, l’abondance des citations, la rigueur de l’universitaire, au service dune évocation, je dirais même plus d’une invocation. Car la présence de Monsieur Gurdjieff imprègne ses pages du début à la fin, donnant l’impression d’une nouvelle rencontre avec lui. Aussi ce livre, tout en constituant une manière de somme, peut-il très bien servir d’introduction à l’enseignement de Gurdjieff…
    page 17 

  • Osons, Osons OUI

    Please, Oh Please

    Monsieur l’imposteur

    Joue un autre air

    Je commence à craquer

     

    A force d’entendre la même chanson

    J’suis prêt de péter les plombs

    Please, Oh Please

    Monsieur l’hypnotiseur

    Cesse donc de nous bercer

    Dans ton sommeil de plomb

    Au moment de partir

    Tout se met à vaciller

    Pas facile de mesurer

    L’aube d’un dernier voyage

    A moins de vouloir de toutes ses forces

    Dépasser les frontières

    Défaire les liens

    Dénouer les nœuds

    Brûler le mental

    Brûler le mental

    Jusqu’à la moelle

    Libération libération

     

     

    Osez, osez

    Osez oui

    La lumière brille dans la nuit

     

    Au plus profond de l’être

    Des ombres et des lumières

    En paix ou en colère

    Des fées et des monstres

    Dansent le bal de l’illusion

    Au cœur de l’univers

    Au plus profond d’être

    L’ego n’existe pas

    Vouloir toucher les étoiles

    Sans jamais vraiment se rendre

    Continuer à rêver encore et encore

    C’est croire au père Noel

    Brûler le mental

    Brûler le mental

    Jusqu’à la moelle

    Libération, libération

    Osez osez

    Osez Oui

    La lumière brille dans la nuit

  • Mathieu Ricard : Plaidoyer pour le bonheur

    (…) Mon troisième livre, « Plaidoyer pour le bonheur », naquit lui aussi d’un concours de circonstances lié à ce qui me semblait relever d’un malentendu sur la notion de bonheur. En effet, « l’Art du bonheur », dialogue entre le Dalai Lama et Howard Cutler particulièrement éclairant qui connut un succès mondial, fut ignoré par la critique française et quelque peu malmené par certains penseurs par ailleurs brillants et cultivés. La notion de bonheur ne semblait guère avoir les faveurs des intellectuels de l’Hexagone…

    Le bonheur, tout le monde ou presque s’y intéresse. Mais qui s’intéresse à l’Eveil? Ce mot semble bien exotique, vague et lointain. Pourtant, le seul bonheur véritable est celui qui accompagne l’éradication de l’ignorance, donc de la souffrance. Le bouddhisme appelle Eveil un état de liberté ultime qui va de pair avec une connaissance parfaite de la nature de l’esprit et celle du monde des phénomènes. Le voyageur fourbu s’est éveillé du sommeil léthargique de l’ignorance et les déformations du mental ont laissé la place à une vision juste de la réalité. Le clivage entre un sujet et un objet doté d’existence propre s’est évanoui dans la compréhension de l’interdépendance des phénomènes.

    (…) Le sage se rend compte que tous les êtres ont le pouvoir de s’émanciper de l’ignorance et du malheur, mais qu’ils l’ignorent. Comment n’éprouverait-il pas alors une compassion infinie et spontanée pour tous ceux qui ; trompés par les sortilèges de l’ignorance errent dans les tourments du samsara?

    Bien que cet état puisse paraître très éloigné de nos préoccupations ordinaires, il n’est assurément pas hors d’atteinte… Le lait est l’origine du beurre, mais il ne produit pas de beurre si on l’abandonne simplement à son sort ; il faut en baratter la crème. Les qualités de l’Eveil se manifestent au terme de la longue transformation que constitue le chemin spirituel. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille souffrir le martyre jusqu’à ce qu’un jour lointain et improbable on atteigne soudain la béatitude de la terre promise. En vérité, chaque étape est une avancée vers la plénitude et la satisfaction profonde. Le voyage spirituel revient à voyager d’une vallée à l’autre : le passage de chaque col dévoile un paysage plus magnifique que le précédent… Au sein de l’Eveil, au-delà de l’espoir et du doute, le mot « bonheur » lui-même n’a plus aucun sens. Les ombres des concepts se sont évanouies au lever du jour de la non-dualité…

    Celui qui a réalisé la nature ultime des choses est comme le navigateur qui aborde une île entièrement faite d’or fin ; même s’il cherche des cailloux ordinaires, il n’en trouve pas.

    Mathieu Ricard : Carnets d’un moine errant : Mémoires

    Chapitre 53, pages 667, 668

     

     

  • Rencontre avec Niralamba Swâmi (2)

    …Nous en étions restés à la question de Yogeshvar : Quel est le chemin de la délivrance?

    Niralamba Swâmi : Il n’y a rien à faire, ou plutôt fais deux choses seulement… Deux choses si tu peux. Et alors tu seras libre.

    Yogeshvar : Quelles sont -elles ?

    D’abord, essaie de distinguer entre ce qui est permanent et ce qui est impermanent. Ensuite essaie de discerner entre le Soi et le non-Soi. Si tu peux discerner de manière continue, vigoureusement, ces deux aspects, alors tu seras libre

    (…) Yogeshvar commença par buter sur une difficulté, car pour lui la distinction entre Soi et non-Soi, entre ce qui est permanent et ce qui est impermanent, manquait de clarté. Pour distinguer le Soi et le non-Soi, il faut connaître le Soi. Or Yogeshvar qui n’était pas encore Swâmi Prajnanpad  constatait qu’il ne connaissait que le non-Soi. Il se posa alors cette question, typique de son approche scientifique  fondée sur l’expérience : qu’est-ce qui prouve que le Soi existe?

     » Il faut partir des faits. Pourquoi devrais-je supposer qu’il existe quelque chose de permanent? Pourquoi devrais-je supposer qu’il y a quelque chose comme le Soi? Pas de jugement à priori. Pour un esprit scientifique,  pas de jugement à priori. Je dois partir des faits. Qu’est-ce que je vois? Voyons, ceci est-il permanent? Non. Et cela? Non. Ainsi tout ce que je connais …Qu’est-ce qui est permanent? Rien de permanent »

    Il retourne alors auprès de Niralamba Swâmi :

    Yogeshvar :  » Swâmiji, voici comment je vois les choses. Rien n’est permanent. De même pour le Soi et le non-Soi. Le Soi est impérissable, inaltérable, absolu. Je ne le connais pas. Je ne le trouve pas. Alors pourquoi devrais-je supposer son existence? Je vois que tout est destructible, que tout est relatif. Comment peut-on dire que tout est absolu? Où est l’absolu? Non, il n’y a d’absolu nulle part. Je ne comprends pas »

    Niralamba Swâmi :  » Pour un esprit scientifique comme le tien, c’est le chemin pratique. Très bien, continue ainsi. » Au lieu de distinguer entre Soi et non-Soi, entre ce qui est permanent et ce qui ne l’est pas, Yogeshvar suit une nouvelle piste : réaliser que tout est impermanent, que tout est le non-Soi. Cette approche ne contredit pas la précédente. C’est plutôt une reformulation dont les effets sont loin d’être négligeables.

    (…) Et cette vision est déjà acceptation de ce monde tel qu’il est. Vouloir que les choses ne changent pas est vain. L’erreur est d’attendre une permanence de ce qui n’en possède aucune. Comprendre cela aide à se réconcilier avec le changement, la perte, le deuil.

    Dernier point, c’est cette acceptation de l’impermanence qui ouvre une voie vers la découverte de l’Absolu et du Soi. Supprimons tout ce qui est changeant, que reste-il? Ce qui est permanent. A force de regarder la réalité relative dans son impermanence, on perd toute fascination, toute complaisance, toute illusion vis à vis d’elle et l’Absolu peut se révéler. C’est un aspect essentiel de ce qui sera plus tard son enseignement : qui cherche le silence doit d’abord s’intéresser au bruit. Faire disparaître le bruit et le silence se révélera; qui cherche le bonheur doit d’abord s’intéresser à la souffrance; le bonheur se révélera par la disparition de la souffrance. Et ainsi de suite.

    Emmanuel Desjardins : VIVRE – La guérison spirituelle selon SWÂMI PRAJNANPAD

  • Rencontre de Swâmi Prajnanpad avec Niralamba Swâmi (1)

     » Swâmi Prajnanpad a reçu de Niralamba Swâmi trois enseignements trois seulement. A partir de la là le jeune homme (32 ans) se mit au travail et tout le reste s’ensuivit. D’abord il lui demanda :

    Le maître de Swâmiji : Niralamba Swâmi (1877-1930)

    Swâmiji, qu’est-ce que la liberté?

    Niralamba sourit et dit :

    La délivrance n’est rien d’autre que d’être libre des samskaras…

     » La signification exacte de samskara est : préjugé mental, jugement de valeur. Aussitôt le jeune homme se dit :  » Qu’est-ce que ceci? Délivrance des jugements de valeur, c’est-à-dire du bien et du mal? On doit donc renoncer non seulement au mal, mais au bien également. Comment peut-on renoncer au bien? Pourtant Niralamba Swâmi a bien dit : être libre de toutes les valeurs mentales! Voyons. Il n’y a donc rien de bien, rien de mal, rien d’agréable, rien de désagréable… il en est ainsi pour tout. C’est la même chose qui est considérée comme agréable par l’un et désagréable par l’autre. La chose est ce qu’elle est en elle-même. Le monde, le monde objectif est considéré comme agréable, comme une source de gloire, etc, pour celui qui s’intéresse à la vie mondaine, qui recherche les biens de ce monde…la prospérité. Il apparaît comme désagréable et pénible pour celui qui sent la vanité de la vie mondaine. Il n’y a donc rien de bien, rien de mal. Cela ne fait qu’apparaître ainsi ».

    Niralamba n’en dit pas davantage. Et le jeune homme ne lui demanda aucune explication supplémentaire. Il se mit au travail et continua encore et encore.

    – En est-il bien ainsi Swâmiji? Il n’y a donc rien de bien, rien de mal?

    – Tout à fait, répondit Niralamba Swâmi. Cela apparaît comme bien…

    Ce fut tout. Ce fut le deuxième enseignement.

    La troisième question du jeune homme fut :

    – Quel est le chemin de la délivrance?

    (A suivre….)

     

  • Mathieu Ricard : Carnets d’un moine errant(2) Mémoires

    Au service des plus démunis : Karuna-Shéchen

    En l’an 2000, les droits d’auteur du Moine et le Philosophe coécrit avec mon père et la rencontre d’un philanthrope me permettent d’entreprendre une quarantaine de projets humanitaires au Tibet, au Népal et en Inde. Ces actions nous mènent, en 2004, à la fondation de l’association Karuna-Shéchen

    (…) Durant les quatre premières années de nos activités, nous pûmes ainsi réaliser quarante projets au Tibet : la construction de vingt dispensaires et autant d’écoles. En revanche, nous ne nous attendions pas à devoir construire des ponts, rôle dévolu normalement au gouvernement. Cependant, face aux demandes répétées et insistantes des villageois, qui revenaient vers nous année après année, nous en édifiâmes dix-huit ! Les ponts améliorent considérablement la vie quotidienne des populations locales. En 2005, par exemple, nous construisîmes un pont suspendu de quatre-vingts mètres de long sur le Yang Tsé (qui s’appelle Drichou au Tibet) dans une région où il n’y avait aucun franchissement possible du fleuve sur près de soixante kilomètres. L’été, les riverains traversaient ses flots tumultueux sur de frêles embarcations et, chaque année, des vies humaines étaient ainsi emportées. Un groupe de villageois nous apprit que trois enfants avaient trouvé la mort l’hiver précédent, lorsque la glace qui recouvrait la rivière devant leur village s’était rompue sous leur poids. Trois ponts suspendus sur le Dzachou (Mékong) furent également érigés ainsi que de nombreux ouvrages plus modestes qui enjambaient des ravines et des gorges périlleuses. Pour arriver, à pied, au monastère de Tsédron, par exemple, où nous avons construit une école et une clinique à vingt kilomètres à vol d’oiseau de la route principale, un petit chemin serpentait dans des gorges abruptes qu’enjambaient neuf passerelles et petits ponts en bois. Plusieurs d’entre eux menaçaient de s’effondrer, et ce malgré les efforts répétés des populations locales pour les solidifier. Sans ces ponts, il fallait marcher une journée entière par les crêtes pour arriver à Tsédron, un itinéraire périlleux qui ne pouvait être emprunté ni par les chevaux ni par les yaks qui transportent les marchandises. Nous avons donc construit cinq ponts dont les tabliers de bois reposent sur de solides piliers de béton, la population locale se chargeant d’aménager le chemin. Aujourd’hui, il ne faut que quatre heures de route à  cheval ou en moto pour rejoindre Tsédron depuis la route principale située au nord du fleuve Drichou.

    Au Tibet, les trajets sont évalués en heures et non en kilomètres, car tout dépend de l’état des routes. Celles-ci ont été améliorées au fil des ans, mais bien souvent encore, on ne peut parcourir plus de trente kilomètres par heure, sur des pistes chaotiques ou des routes sommairement goudronnées, criblées d’ornières.

    (…) Au Népal, outre la clinique qui soigna pendant vingt ans près de 40.000 patients chaque année, nous entreprîmes une multitude de projets parmi lesquels la création de neuf écoles entièrement construites en bambou, capables d’accueillir mille à mille cinq cents enfants chacune, et placées sous l’égide d’Uttam Sanjel, un personnage ingénieux, débrouillard et passionné. Le coût de la scolarité défiait toute concurrence : les parents pauvres ne payaient qu’un euro par mois et par enfant.

    (…) En Inde, les projets se développèrent considérablement sous la conduite experte et créative de Shamsul Aktar, et continuent de se diversifier dans les deux états les plus pauvres du pays, le Bihar et le Jharkhand. Nous établîmes des centres médicaux à partir desquels des cliniques mobiles rayonnent dans des villages éloignés où viennent se faire soigner des patients de plusieurs centaines de villages voisins. En 2019, plus de cent mille patients bénéficièrent de ces services. En 2020 et 2021, nous vînmes en aide à plusieurs dizaines de milliers de personnes fragilisées par la pandémie du Covid 19, personnes âgées, handicapées ou en situation de pénurie alimentaire…

    Matthieu Ricard – Memoires – Carnets d’un moine errant – Chapitre 50. Au service des plus démunis

  • MATHIEU RICARD Carnets d’un moine errant (1)

    J’ai reçu à Noel en cadeau ce livre de Mathieu Ricard . C’est un pavé qui fait 7oo pages plus le glossaire et les notes. Ce livre est d’une richesse inouïe et témoigne d’un parcours remarquable, exceptionnel. Je me suis dit je vais certainement écrire des posts pour le blog. Mais comment faire, comment choisir?

    Une courte présentation

    Pendant trois décennies, la vie à la fois simple et extraordinaire de Mathieu Ricard alterne retraites méditatives dans les lieux les plus inaccessibles et voyages fascinants au Bhoutan, au Népal et au Tibet. Puis, en 1997, le Moine et le philosophe, coécrit avec son père, le philosophe Jean-François Revel, paraît. Son succès international inattendu plonge le paisible moine dans un maelstrom d’interviews et de conférences à travers le monde. De livre en livre, il met alors son travail d’auteur et ses talents de photographe au service de son message d’amour altruiste.

    Ses carnets racontent une vie de moine errant, sans attache matérielle ou géographique, toujours en chemin vers la liberté intérieure et le bien d’autrui.

    (…) A un moment, mon maître Khyensé Rinpoché baissa les yeux vers moi et me demanda :  » As-tu appréhendé rigpa, le présence éveillée? » Je répondis timidement que oui, j’entrevoyais parfois cette présence éveillée, la conscience pure. Je n’étais évidement pas en position de pouvoir affirmer que j’avais vraiment et pleinement réalisé le caractère lumineux de l’esprit, mais pour répondre sincèrement à mon maître, je ne pouvais pas non plus prétendre ne pas savoir du tout de quoi il s’agissait. Khyensé Rinpoché fit ce commentaire :  » C’est bien cela. Tu n’as pas à chercher autre chose. » Selon ma modeste compréhension de cet épisode, Khyensé Rinpoché tenait à me montrer que rigpa était d’une extrême simplicité, toujours présente, même si on l’oublie, derrière l’écran des pensées, comme le soleil et le ciel immaculé restent présents, inaltérés, derrière les nuages qui les voilent momentanément. Si le méditant l’appréhende dans un moment d’ouverture intérieure, il ne doit pas chercher « ailleurs », ou s’attendre à « autre chose » que cette nature inaltérable de son propre esprit, la conscience pure libre de toute fabrication mentale. Khyensé Rinpoché exprime ce point de manière lumineuse dans ses explications du Trésor du cœur des êtres éveillés :

    « L’esprit n’a ni forme, ni couleur, ni substance ; voilà pour son aspect vide. Mais il peut connaître les choses et percevoir une variété infinie de phénomènes ; c’est son aspect lumineux, c’est-à-dire connaissant. L’union inséparable de ces deux aspects -vacuité et luminosité- constitue ce que l’on appelle l’esprit originel immuable.

    Pour le moment, la carté naturelle de votre esprit est voilée par vos égarements. Mais au fur et à mesure que ces voiles se dissiperont, vous commencerez à découvrir la radiance de la conscience éveillée, jusqu’au moment où vos pensées se libéreront à l’instant même où elles apparaîtront, comme un trait sur l’eau disparaît dès qu’on le trace. Quand on reconnaît directement la nature de l’esprit, c’est ce que l’on appelle le nirvana. Quand elle est voilée par la méprise, c’est ce que l’on appelle le samsara. Mais le samsara comme le nirvana n’ont jamais été distincts du continuum de la nature absolue. Quand la conscience éveillée atteint son degré de plénitude, les remparts de la confusion mentale s’écroulent et la citadelle de l’absolu, au-delà de la méditation, peut être conquise une fois pour toutes ».

    Mémoires : Allary Editions – Chapitre 23 : Au quotidien auprès de mon maître page 238, 239

  • Happy – JOYEUX NOEL

    Je voyage loin en rêve

    J’ouvre la porte du ciel

    Une troupe de comédiens joue à merveille

    Toutes les facettes de la vie

    Quand le maître fait son entrée

    Je me retrouve en plein banquet

    Avec des anges qui rient, des enfants qui dansent

    Au son d’une musique hypnotique, enivrante

     

    Je ne me suis jamais autant senti, aimé, ébloui

    Je ne me suis jamais autant senti, aimé, ébloui

    Toute peur s’est évanouie

    Tout brille d’un éclat surnaturel

    Je n’en crois pas mes yeux

    J’ai peur que ça s’arrête

    Je prie de tout mon cœur

    La joie, au cœur de l’être

    Une musique joue dans ma tête

    Je me rappelle les paroles du maître

    Je les sais vraies, authentiques

    Je me rappelle les paroles du maître

    Je les sais vraies, authentiques

     

    Je me réveille en sursaut au milieu de l’océan

    Avec le chant des mouettes et des goélands

    Les comédiens, les anges, jouent, crient ensemble, au milieu des vagues

    Je n’ai jamais vu, ressenti, une telle beauté

    Nue, incandescente, irréelle

    Nous ne cessons jamais d’être digne d’une telle invitation

    Nous ne cessons jamais d’être digne d’une telle invitation

    A condition d’entretenir le feu Foi-Esperance

    Jusqu’à se consumer

    Et au moment de partir

    Cela, dévoilé

    Dans des trous de Lumière

    Brûlera l’identité

     

     

  • Question : Comment vais-je atteindre le Soi?

     

     

    Ramana Maharshi 29 septembre 1936

    T. 251

    (…) On n’atteint pas le Soi. S’il fallait l’atteindre, cela voudrait dire que le Soi n’est pas toujours ici et maintenant, mais qu’il doit être obtenu comme quelque chose de nouveau. Ce que l’on obtient comme quelque chose de nouveau sera aussi perdu ; ce sera donc impermanent. Ce  qui n’est pas permanent ne mérite pas d’être recherché. C’est pourquoi je dis que l’on atteint pas le Soi. Vous êtes le Soi. Vous êtes déjà Cela. Le fait est que vous ignorez votre état de Félicité. L’ignorance survient et étend un voile sur la pure Félicité. Les efforts servent uniquement à dissiper cette ignorance. L’ignorance consiste en une fausse identification du Soi avec le corps, le mental… Cette fausse identification doit disparaître. Il ne restera alors plus que le Soi.

    Extrait de l’enseignement de Ramana Maharshi, nouvelle édition intégrale, trad. de Talks with Shri Ramana Maharshi par Eleonore Braitenberg, Paris (Albin Michel), 2005

  • Au cœur de la métaphysique (2)

    (…) Swamiji m’a fait remarquer un jour que l’expression :  » faire silence » était inexacte. On ne peut produire le silence. Le silence ne peut être que le fruit de la cessation des bruits. Quand tous les bruits s’arrêtent, le silence est là, identique à ce qu’il était il y a deux mille ans, parfait, vierge. C’est donc sur les bruits qu’il faut faire porter nos efforts et non sur la recherche d’un silence que nous pourrions produire.

    Une autre image va dans le même sens : nous sommes déjà nus sous nos vêtements. Si nous voulons pratiquer le naturisme, nous n’avons pas à produire la nudité mais simplement à enlever ce qui la recouvre, ce qui la voile, c’est-à-dire tous nos vêtements, les uns après les autres. Et la nudité qui était là, voilée par ces revêtements, se révèle. Nous ne sommes pas plus ou moins nus -s’il reste une chaussette à un pied, nous ne sommes pas nus- mais nous sommes plus ou moins habillés.

    Ceci peut être déroutant car d’un côté les enseignements spirituels nous parlent de pratique, de chemin, ce qui suppose des actions précises, des efforts, et de l’autre, nous entendons dire que ce que nous cherchons est déjà présent en plénitude, que nous le sommes déjà.

    (…) Si la Réalité primordiale ne dépend pas de nous, en revanche ce qui dépend de nous est d’enlever ce qui la recouvre, ce qui crée l’impression de l’ego individualisé, de la séparation, de la limitation.

    Encore une image : la nappe d’eau est là, à quinze mètres de profondeur. Pour la rejoindre, il est nécessaire de creuser un puits ou de faire un forage. Et si ensuite, je peux arroser mon jardin, ce n’est pas par la grâce de mon forage mais par la grâce de la nappe d’eau…

    Le travail qui nous incombe consiste à creuser le puits pour atteindre la nappe d’eau qui nous attend dans la profondeur. C’est un vaste programme, différent pour chacun, car nous avons tous nos taches particulières qui se surajoutent à la propreté en nous. Nous avons tous nos bruits personnels qui viennent recouvrir le silence …

     

    ARNAUD, dans son livre : La TRAVERSEE  VERS L’AUTRE RIVE page 48

  • Au coeur de la métaphysique (1)

    (…) Comme l’a dit le Bouddha : « Tout ce qui est composé sera un jour décomposé ».  Tout ce qui est produit est un jour détruit, même le calme et la souplesse que j’ai obtenus grâce à la pratique du yoga…

    De tout ce que j’ai pu acquérir, que ce soit le pouvoir, la richesse ou le calme né de la pratique du yoga, qu’est-ce qui subsistera après ma mort?

    Les enseignements traditionnels affirment qu’il existe une réalité que rien ne peut détruire. Cette réalité, le Bouddha l’a appelée le  » non né, non-fait, non-devenu, non-composé ». Cela implique que cette réalité n’a pas eu un commencement dans le temps. Or, rien de ce que nous pouvons observer ne mérite de s’appeler le « non né » : tout est né, a été fait produit, que ce soit par la main de l’homme ou par la nature. Ce châle est né un jour, les plants de coton dont sont issus les fils qui le composent sont nés un jour. Il n’y a pas une réalité dont nous puissions prendre conscience qui ne soit pas le produit de quelque chose d’autre. Tout ce qui relève de notre expérience courante est composé, fût-ce composé d’atomes (ou de cellules en ce qui concerne notre organisme). Tout ce que nous voyons à tous les niveaux, dans tous les domaines, est observé dans le temps. Tout a une histoire, un devenir, que ce soit l’Empire romain, les objets qui nous entourent ou nous-mêmes. Et tout est sujet au changement. C’est le changement qui fait le temps. S’il n’y a aucun changement d’aucune sorte, le temps s’arrête et nous entrons dans le domaine du non né, non fait, non devenu, non composé. Et «  s’il n’existait pas un non né, non fait, non devenu, non composé, a précisé le Bouddha, il n’y aurait aucune évasion possible hors du né, du fait, du devenu, du composé« .

    Là, nous sommes au cœur de la méta-physique, au-delà de la nature. C’est cette réalité ultime que les hindous appellent âtman. Voici une parole étonnante pour ceux qui sont formés à l’approche chrétienne classique :  » S’il y a quelque chose après la mort, c’est qu’il y a quelque chose avant la naissance ». Ce « quelque chose », nous pouvons l’appeler la Vie éternelle, la Conscience ultime, une réalité qui ne dépend pas du tout de nous, qu’aucun effort aussi intense ou persévérant soit-il ne peut produire, ce qui correspond à l’idée que Dieu est infini et éternel et qu’en même temps nous pouvons en avoir l’expérience intime en nous-mêmes.

    La grand affirmation de tous les enseignements spirituels est que la voie consiste non pas à produire mais à découvrir une réalité qui est déjà là, qui n’a pas commencé à un certain moment, donc qui ne finira pas à un certain moment. C’est la vérité essentielle, fondamentale…

     

    Arnaud, page 44-45 de son livre : LA TRAVERSEE VERS L’AUTRE RIVE

  • En compagnie de Maurice Zundel

    En compagnie de Maurice Zundel (prêtre et théologien catholique, 1897-1975)…
    « Quand j’essaye de me demander: “Qui suis-je?”, je bute constamment contre des préfabrications.
    Qui suis-je? Mais je suis un donné, un résultat, un réseau de nécessités, je porte une hérédité que je n’ai pas choisie, j’ai été élevé dans un milieu que je n’ai pas choisi, j’ai “absorbé” un langage et une culture que je n’ai pas choisie, je suis arrivé à une époque que je n’ai pas choisie, je suis enveloppé par des mouvements d’intelligence, de volonté, je suis pris dans un réseau d’aspirations collectives, je suis victime d’une histoire dont je ne suis pas l’auteur : où situer ce je et moi qui s’affirme avec tant de passion pour défendre son inviolabilité? Où le situer?
    Faire de moi un surhomme, grimper par-dessus ma tête, adopter une morale de maître qui vaut pour quelques-uns, ça n’empêchera pas d’être sujet à la mort et d’être contesté par les autres qui prétendent, eux aussi, à la maîtrise et à la suprême grandeur.
    La passion avec laquelle nous affirmons notre autonomie et notre inviolabilité n’a pas de fondements : pourquoi est-ce que je me crisperais sur mon moi puisque je n’en suis pas le créateur? Pourquoi est-ce que je me crisperais sur cet individu, moi-même, devant lequel je me suis trouvé un jour sans y être pour rien? Pourquoi est-ce que j’exhiberais devant les autres ma propre histoire dont je ne suis pas l’auteur?
    Ce qui est justement si pathétique, et ce qui nous rend sensible la différence entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et le passage transcendant qu’il faut opérer de l’un à l’autre, c’est que, tandis que dans l’Ancien Testament le péché suprême, le péché originel, c’est de vouloir être comme Dieu, dans le Nouveau, c’est cela même qui est l’unique nécessaire.
    On lit dans l’Ancien Testament: “Vous serez comme Dieu, ayant la connaissance du bien et du mal”, c’est ainsi que se formulait la tentation dans la perspective de l’auteur de la Genèse. Mais dans le Nouveau Testament on est appelés à être comme Dieu, c’est même cela qui est l’unique nécessaire: être comme Dieu! “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.”
    Il s’agit d’être comme Dieu! Et, au fond, cette intuition nietzschéenne, cette volonté d’être Dieu, de ne supporter aucun Dieu en dehors de soi, est l’ébauche d’une vocation authentique. Mais attention!
    Oui, être comme Dieu, mais après avoir reconnu en Dieu justement la désappropriation infinie, la pauvreté suprême, le dépouillement translucide!
    Si Dieu est ce Dieu là, s’il est dans notre cœur une attente infinie, être comme Dieu, maintenant cela veut dire nous désapproprier fondamentalement de nous-mêmes pour que notre vie s’accomplisse comme la sienne dans un don sans réserve ».
    Maurice Zundel, « Le Problème que nous sommes », Le Sarment, Fayard, pp 39-42

    NB : Pour en savoir plus sur cet homme remarquable, n’hésitez par à relire ce que nous en a appris Michel Fromaget lors de sa première venue à La Bertais en mars 2016. C’est passionnant et disponible en cliquant ICI

  • Quand la mort est une bonne nouvelle

    (…) Si je suis sur le point de mourir, à quoi est-ce que j’aspire ? La mort physique offre la meilleure possibilité d’illumination ; et l’illumination offre la meilleure possibilité d’aider les autres. C’est ce que mon père disait souvent : Pour le yogi, la maladie est un plaisir, et la mort une bonne nouvelle.

    (…) la dégénérescence organique du corps mourant apporte une occasion unique de reconnaître le vrai esprit. Au moment où la demeure de chair et de sang de l’esprit s’effondre, les couches fabriquées de l’esprit se décomposent elles-aussi. L’esprit conditionné par des perceptions erronées et façonnées par des tendances routinières se détache. La confusion qui a obscurci notre clarté originelle et innée perd sa vitalité en même temps que les couches de peau qui recouvrent notre corps. Grâce à la dissolution de la confusion, la sagesse rayonne, comme dans le processus de méditation.

    (…) quand tous les cycles du corps et de l’esprit cessent de fonctionner, il ne reste que la conscience elle-même, l’espace ouvert non conditionné de la connaissance pure ; mais cette connaissance n’a plus d’objet. Voilà ce qui fait la singularité de la mort : il nous offre l’occasion la plus précieuse qui soit. A l’instant critique entre la vie et la mort, alors que le corps vacille au bord même de l’existence, l’absence de confusion permet l’expérience de la vacuité lumineuse.

    C’est le même aspect de l’esprit que celui qui se révèle chaque fois que nous reconnaissons un interstice dans l’esprit conditionné, que les nuages de la confusion se dissipent et permettent une expérience de conscience non conceptuelle. Ce n’est qu’en cet instant, à l’heure de la mort, que cette pure conscience intervient d’elle-même, et les habitudes du conditionnement passé n’ont plus la force de venir l’obscurcir.

    Mingyour Rinpotché : « POUR L’AMOUR DU MONDE »

    Chapitre 26 : « Quand la mort est une bonne nouvelle »